Violaine Vernet

Article paru en septembre 2017
Mis en ligne en juin 2023

De l’affection pour son troupeau.
 
Sur les hauteurs du plateau, Violaine Vernet veille sur son troupeau d’un œil plus que bienveillant. Jour après jour, elle entretient un vrai contact avec ses vaches, une affection certaine.
 

"Ne cherche pas le bonheur, crée-le." Cette invitation positive, Violaine l’a écrit en lettres noires sur le mur de son bâtiment. Pourquoi toujours chercher plus loin ce qui nous tend la main, juste à côté ? Alors Violaine travaille chaque jour à façonner sa vie heureuse. "Je suis née et j’ai grandi sur le plateau, nous apprend Violaine. Je suis bien ici, je vis en accord avec moi-même. Bien sûr, il y a l’hiver qui nous complique un peu la vie, mais quand il burle fort, c’est bon aussi de rester à ne rien faire."
 

Pour cette jeune femme, l’élevage est une raison de vivre. Jamais, même enfant quand elle vivait à la ferme de ses grands-parents à Sagnes-et-Goudoulet, non, jamais elle n’imagina d’exercer un autre métier. D’ailleurs est-ce un métier pour elle ? Non, c’est bien plus que cela, juste sa vie au quotidien. " À l’école on me poussait à continuer mes études pour prendre une autre voie que l’agriculture, explique-t-elle. Mais bien déterminée, j’ai fini par reprendre l’exploitation familiale." Avec l’ensemble de sa famille, ou peu s’en faut, travaillant également dans l’élevage, son mari marchand de bestiaux et ses beaux-parents éleveurs, juste à côté de sa maison, sa voie était vraiment toute tracée. Après des études agricoles classiques à Aubenas où elle découvrit l’élevage ovin, caprin et bovin sous toutes ses formes, elle s’installa au Béage en 2009 sur de modestes terres lui permettant d’engraisser ses premiers animaux.
 
"L’élevage me convient vraiment bien. J’aime le contact avec les animaux et vu l’état des plantes intérieures de ma maison, j’ai bien fait de ne pas me diriger vers la culture," s’amuse-t-elle. En 2015, elle reprit le troupeau familial. Pendant une année de transition, elle travailla avec son oncle et depuis elle vole de ses propres ailes. Si elle n’avait pas été soutenue par sa famille, si elle n’était pas née sur le plateau, elle aurait peut-être eu plus de mal à s’imposer en tant que femme dans un monde d’hommes. Mais les habitudes évoluent sur le plateau (aussi), sa population rajeunit et de nouveaux agriculteurs s’installent pour rester. " C’est un métier où il est facile de rester seule, mais grâce aux manifestations autour du "Fin gras du Mézenc", les rencontres sont nombreuses, se réjouit Violaine. Les échanges et le partage sont indispensables pour vivre ici, et probablement comme ailleurs."
 
Violaine est heureuse. Elle produit la viande qu’elle a envie de manger. Bannis sont les OGM et les hormones, juste une viande naturelle avec un goût affirmé. À la fin de cette année, elle aura achevé sa conversion en agriculture biologique. Au Béage, sur une douzaine d’éleveurs, six sont déjà labellisés bio. "J’accomplis cette démarche par éthique plus que par intérêt, car je valorise déjà très bien une partie de mon troupeau grâce au "Fin gras du Mézenc", assure-t-elle. Cela ne m’a demandé aucun effort, je travaillais déjà dans cette dynamique."  Une soixantaine de bêtes, dont vingt-cinq vaches et un taureau placide : le troupeau de Violaine ne connaîtra pas une croissance non maîtrisée, parce que notre éleveuse ne veut pas en devenir l’esclave. Gérer un troupeau, qui passe la moitié de l’année à l’abri à cause des rigueurs du climat, est un vrai métier qui exige une disponibilité absolue. Outre la stabulation libre, bâtiment flambant neuf, de 1000m², les quatre-vingt-dix hectares de prairie, lui offrent la possibilité d’être autonome en foin et en pâture. Elle achète simplement la paille et les céréales bios en complément alimentaire. " En dehors des périodes de vêlages et de fenaison où il faut être là, sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, je suis libre de gérer mon temps, estime Violaine. Quand il arrive parfois que la force physique me manque, mon mari est là pour m’aider. Mais je n’ai pas vraiment de problèmes, mes vaches sont sages. D'ailleurs, mon mari dit que ce sont des vaches de… femme."
 
Des vaches de femme ? En voilà une curieuse expression !
 
Il est vrai que le rapport de Violaine avec son troupeau est assez exceptionnel. Il s’est établi une confiance, une relation, un vrai contact. Chaque jour elle s’occupe avec soin de ses bêtes, leur parle. Chacune porte un nom et certaines répondent à l’appel de Violaine. "Je m’y attache à mes vaches, continue Violaine. Je les observe, je les connais toutes. Je prends soin d’elles et elles me le rendent bien." Violaine se soucie tellement de la santé de ses animaux, qu’elle a installé une caméra dans la stabulation pour tout savoir en temps, grâce à son téléphone portable. Et pour soigner les petites contrariétés du quotidien, elle utilise l’homéopathie et les huiles essentielles, aussi. Elle redonne vie aux recettes que sa grand-mère lui a apprise, comme la teinture mère d’arnica ou l’huile végétale de calendula, des macérations de plantes dans de l’alcool. "J’ai suivi deux formations en homéopathie et les vétérinaires d’ici sont sensibles à ces méthodes plus douces, se félicite Violaine. Je note tout ce que je fais en ce domaine sur un petit carnet, et de ces observations je tire les constats de réussite ou parfois d’échec. Je voudrais continuer à me former pour aller plus loin."
 
Vraiment, elles ont de la chance les vaches Aubrac de Violaine et aussi les quelques charolaises de son mari ! Au fait, est-ce des charolaises d'homme ?
 
 
Texte : Bruno Auboiron
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