Une Chapelle méconnue

Article paru en juillet 2023
Mis en ligne en juillet 2023
Contre son rocher
 

La chapelle du hameau de La Roche Chérie semble se dresser là depuis des siècles. Et pourtant, elle n’est pas si vieille même si certaines de ses pierres furent des éléments de bâtiments plus anciens. Elle se love, pour se protéger des vents dominants, contre son rocher, initiale cheminée du volcan et sa lave refroidie patiemment dégagée par l’érosion. De loin, l’ensemble est attirant, de près, on tombe sous le charme. La sérénité se dégage de ce lieu, un·e artiste pourrait y trouver l’inspiration, chaque personne qui a le bonheur de s’y arrêter ressentira sans doute une réelle et positive émotion.

Cette chapelle est à l’image de la beauté romantique du massif du Coiron. Exemple remarquable du volcanisme basaltique, ce massif, ou plus exactement ce plateau élevé, était à l’origine une vaste vallée descendant des Cévennes vers la vallée du Rhône. Entre sept et six millions d’années, une intense activité volcanique la combla d’une roche très dure : le basalte noir. Ensuite, à partir du Quaternaire, l’érosion grignota le terrain sédimentaire tout autour de la vallée comblée et inversa le relief, faisant de la vallée un haut plateau. Il est amusant de penser que marcher aujourd’hui sur le plateau du Coiron, revient à marcher en réalité sur le fond d’une vallée des temps passés.

Le hameau de La Roche Chérie, à l’ouest du village de Saint-Pons, s’est développé au pied de son neck, héritage de cette histoire volcanique mouvementée. De rares maisons tapies sous les arbres entre les corniches basaltique de la plaine du Regard et de Jastrie, des traces d’un donjon rectangulaire dont on ignore quasiment tout. A l’intérieur de l’actuelle chapelle, des colonnes nichées dans les murs ne soutiennent rien. Une belle décoration en quelque sorte, qui prouverait le réemploi de matière première provenant d’un bâtiment initial. Des suppositions, certes, mais teintées de réalisme.

La chapelle, magnifique avec ses murs en basalte noire et calcaire blanc, aurait été érigée pendant la seconde moitié du XIXe siècle pour participer à la lutte contre le phylloxera. Vaine lutte contre un parasite qui détruisit la vigne présente ici depuis des temps immémoriaux, depuis la fin de l’ère Tertiaire si on en croit les scientifiques. Des feuilles fossilisées ont été retrouvées dans des couches du Pliocène ; elles proviendraient d’un type de vigne marquant la transition entre les vignes des origines et celles aptes à produire du raisin « vinifiable ».
Lentement, les assauts du temps avaient mis à mal cette chapelle. Une importante restauration à partir de 2010 lui a redonné fière allure avec, notamment, une superbe charpente. Le banc de pierre devant la chapelle invite à une pause agréable pendant laquelle on peut rêver à l’époque révolue.

En hommage au village
A l’intérieur de la chapelle, deux photos anciennes du hameau le montrent en piteux état, sa chapelle en ruine. Sous chaque photo, un poème, hommage signé A. M. B. en 1989 :

Photo de gauche
Je ne dors plus ici, pourtant j’entends parfois
Résonner un appel qui me fait frissonner
Je sais que tu es loin mais je viens, malgré moi
Dans ce merveilleux hameau presque abandonné
Et là, je crois revoir les ombres du passé
Ton rocher, tes vieilles maisons posées face au soleil
Sur tes champs oubliés aux reflets fanés
Qui ne berceront plus mon tranquille sommeil

Photo de droite
Plein de mélancolie, il regarde finir les ans
Il espère, il attend, malheureux rocher
Que l’on retourne le sablier du temps
Hélas tout est bien mort, le temps impitoyable
Emporte chaque jour un morceau de rocher
Si le basalte est dur, l’onde est infatigable
Et tout espoir est vain auquel se raccrocher

Dyke ou neck ?
Voilà deux mots bien particuliers pour illustrer des curiosités géologiques fréquentes en Ardèche, mais il ne faut pas les confondre. Si tous les deux sont mis en évidence par le lent travail d’érosion, le dyke est un filon rocheux alors que le neck est une ancienne cheminée volcanique, à l’image de celle contre laquelle se dresse la chapelle de La Roche Chérie. Le dyke est donc constitué d’une roche en fusion qui s’installe dans une faille entre deux roches plus âgées, qui remplit les espaces vides. Au contraire le neck, constitué de lave refroidie, est souvent de forme conique et se dresse verticalement telle la cheminée d’un volcan cherchant le chemin le plus court pour expulser sa lave en fusion.

Des pas plus loin
Derrière la chapelle et le hameau, un petit sentier s’éloigne doucement à flanc de colline. Il traverse un étonnant univers où le minéral prend des couleurs uniques et adopte des lignes fuyantes, et où le végétal souligne la beauté de la nature en adoucissant l’impression laissée par la pierre et la terre. Emprunter un peu ce chemin offre un autre point de vue sur le hameau et surtout sur le neck protégeant la chapelle. Il n’est pas nécessaire de marcher bien longtemps, seulement quelques centaines de mètres.
Pratique
Où ?
La chapelle est située au cœur du hameau de La Roche Chérie sur la commune de Saint-Pons.
Comment s’y rendre ?
Depuis Villeneuve-de-Berg, suivre la route de Montélimar pour prendre à gauche, après Saint-Jean-le-Centenier, la direction de Saint-Pons. A l’entrée du village, suivre à gauche en direction de La Roche Chérie pour atteindre le hameau. Se garer un peu au-dessus.
Comment visiter ?
L’accès à la chapelle, souvent ouverte, est libre.
A voir, à vivre à côté
Le neck de Sceautres est un remarquable piton basaltique contre lequel fut érigé le village. Sa formation remonte à huit millions d’années et il s’élève à environ cent cinquante mètres au-dessus du ruisseau coulant à ses pieds (www.sceautres.fr)
Depuis Saint-Jean-le-Centenier jusqu’après Saint-Pons, le Vélo-rail du Sud propose le parcours des cinq viaducs, sans oublier l’unique tunnel de cette ancienne portion de voie ferrée
(www.velorail.fr/home)
Il existe une petite randonnée reliant Saint-Pons au hameau de La Roche Chérie en passant par les contreforts volcaniques du massif du Coiron. Elle n’est pas répertoriée mais aisée à suivre en téléchargeant le plan (www.visorando.com/randonnee-roche-cherie-a-saint-pons/)
Texte et clichés : Bruno Auboiron