« Un objet ou un meuble ancien est toujours intéressant et pas uniquement par sa valeur marchande, mais aussi par son esthétique, son authenticité, assure Josiane Fromillagues. Il représente une époque, il est la signature d’un temps révolu. Il a vécu et vu tant de choses, il sera après nous et il va à nouveau vivre grâce à mon travail, mon métier. Cela me réjouit. » À entendre Josiane, intarissable quand il s’agit d’évoquer sa passion, il nous viendrait presque à l’idée que les objets anciens entourant parfois notre quotidien possèdent sûrement une âme. En tout cas, notre antiquaire les regarde avec tendresse, sous de douces lumières, au cœur de sa boutique. Ces objets ne sont peut-être pas que des objets… des témoins d’un autre temps !
La maison de sa grand-mère, véritable caverne d’Ali Baba à ses yeux d’enfant, fascinait Josiane quand elle la visitait. Sans aucun doute cet environnement unique lui donna l’envie de poursuivre sa vie au milieu de l’ancien. Devenue adulte, totalement autodidacte, elle se lança sans hésitation dans l’aventure du monde des antiquités. Ayant grandi en Ardèche, elle s’installa tout naturellement à Aubenas, en 1988. « J’aime l’Ardèche et je n’ai jamais imaginé m’installer ailleurs. J’ai appris au fil des années et comme je suis passionnée, j’ai appris deux fois plus vite. Plus j’achetais d’antiquités, plus j’apprenais, car quand je tiens un objet nouveau pour la première fois dans les mains, je suis curieuse d’en savoir plus et je le questionne. » Derrière chaque objet se cachent un savoir faire, une certaine valeur des matériaux mis en œuvre et de son utilité, une histoire. Jusqu’au début du XXe siècle, ces objets se transmettaient de génération en génération. Ils étaient ou représentait un bien qu’on ne négligeait pas. L’évolution vers la modernité, l’industrialisation de leur fabrication leur fit perdre leur valeur et leur statut patrimonial. « Nous vivons à l’ère du jetable, regrette Josiane, alors que l’ancien était fait pour durer. Ce qui est fabriqué aujourd’hui ne passera pas le temps. »
Tout semble passer, les modes vont et viennent. Il y a ne serait-ce qu'une vingtaine d’années, sept antiquaires avaient boutique dans le centre ville d’Aubenas. Aujourd’hui Josiane se sent quelques fois un peu seule, les amateurs de belles pièces anciennes ne sont plus si nombreux et ne se renouvellent pas. Mais la passion est toujours la plus forte. « Je suis mon métier et je ne saurais pas être autrement, nous affirme-t-elle. Je ne peux pas m’en détacher, quand je regarde un film, par exemple, je ne peux m’empêcher d’analyser le décor. J'adore mon métier et je continue malgré certaines difficultés, parce que justement je l’aime. » Il faut dire que l’arrivée d’internet a tout bouleversé, mais Josiane tient à sa boutique. Même si elle possède une vitrine virtuelle, elle se refuse à vendre par correspondance. Elle ne fréquente pas les salons non plus. Elle souhaite privilégier le contact avec ses clients dans l’intimité et la confidentialité de sa boutique. Son métier n’est plus à la mode, certes, il peine à trouver sa place dans un monde en perpétuel changement, et pourtant elle poursuit son chemin, imperturbable.
La première démarche d’un antiquaire est l’achat des objets. Josiane, sur demande, se déplace pour étudier et évaluer les biens qu’on lui propose. Si la pièce trouve grâce à ses yeux, elle la nettoie, la restaure au besoin pour lui redonner une seconde jeunesse, afin que son futur acquéreur n’ait d’autres préoccupations que de lui trouver une place, sa place dans son univers personnel. Le métier d’antiquaire est ainsi un savant mélange de commerce et d’artisanat. Et contrairement à ce que l’on imagine, c’est un métier physique car de son achat à sa mise en place en boutique, un meuble nécessite une dizaine de manutentions... Derrière la boutique, l’atelier de Josiane lui permet de travailler tout en attendant le client. « À une époque j’aurais aimé me spécialiser dans la peinture, mais en Ardèche il faut rester généraliste, assure Josiane. Chaque pièce doit être sélectionnée par rapport à son authenticité, sa qualité et au final son prix. J’aime bien le mobilier ardéchois, car il possède une vérité en lui, beau et utile. J’apprécie beaucoup aussi la sobriété du style Directoire. »
La passion de Josiane ne lui interdit pas de se poser de multiples questions sur la valeur de sa profession aux yeux des autres, même si à ses propres yeux, le doute n’existe pas. Quelle est la bonne solution pour l’exercer ? Quelle voie suivre désormais ? Chaque antiquaire essaie, cherche, adapte la pratique du métier à sa personnalité et il ne semble pas exister de solution miracle. La valeur de l’ancien sera de nouveau sur le devant de la scène un jour prochain, mais quand ? « Je me battrai toujours pour mon métier parce que c’est ma vie. Mon métier, c’est moi, conclut Josiane, déterminée. »