Thierry Haclin

Article paru en mars 2016
Mis en ligne en juillet 2022

Pour le  luthier Thierry Haclin, comme beaucoup, la passion est un ingrédient essentiel à l’exercice de son métier, qu’il fait rimer avec curiosité et maîtrise d'un savoir-faire.

Avant d’imaginer un jour passer derrière l’établi du luthier, Thierry Haclin s'est fait musicien. Enfant, il voulait jouer du violon, la vie l’a poussé vers la guitare. Quelques années plus tard, quand il eut la possibilité d’acquérir son propre violon, il délaissa un peu la guitare pour son instrument de prédilection. Et du jeu à la fabrication, il n’y a souvent qu’un pas que Thierry Haclin franchit pour se former dans une école de lutherie. À dix-neuf ans, il quitte Lille pour s’installer en Ardèche, à Dompnac précisément.  Il nous raconte : "J’étais trop jeune et dans un secteur géographique peu favorable pour pouvoir vivre de la lutherie. Je voulais vivre au plus près de la nature et j’ai trouvé ici la possibilité de mieux me découvrir. Je ne regrette rien."
Ainsi pendant des années, Thierry, tout en réparant quelques instruments à l’occasion, mit sa passion de la lutherie sous l’éteignoir de la menuiserie et de l’ébénisterie. Il fallait bien vivre. Aucune frustration ne l’amine cependant, et depuis sept ans maintenant, l’atelier de Thierry Haclin vit au rythme des vibrations des cordes des guitares, bouzoukis, lap steel...

Partant du principe qu’en lutherie il est indispensable de se démarquer, et afin que les musiciens trouvent un intérêt à venir jusque chez lui, il eut l'idée de se lancer dans la fabrication de lap steel (guitare à poser sur les genoux ou sur pieds). Il s’agit d’une sorte de guitare en accord ouvert, et jouée avec une barre en acier coulissant sur le manche. Elle sert principalement à la musique hawaïenne, country et blues. David Gilmour dans les enregistrements de Pink Floyd l’a beaucoup utilisée. Guitares électriques, électroacoustiques, flamenca, manouche et même de voyage, c’est-à-dire aux trois quarts de la taille réelle pour qu’elle puisse rester en bagage à main: Thierry Haclin s’en est donné à cœur joie. Jusqu’au jour où on lui a demandé une guitare classique. Fidèle à son envie, il a ressenti le besoin de se démarquer. "J’ai beaucoup travaillé sur les vernis de mes guitares. Et j’ai adopté celui au tampon, très fin et conduisant remarquablement les vibrations de la table." Le succès fut au rendez-vous.

C'est sa rencontre avec un luthier de Bourgogne, aujourd’hui à la retraite, qui le poussa vers l’application d’innovations techniques pour la guitare folk. Offrant le fruit de ses recherches et des expérimentations et prototypes, ce luthier guida Thierry vers l’abandon de la rosace centrale des tables d’harmonie au profit de deux élégants espaces vides en périphérie de la table, à proximité immédiate du manche de l’instrument.
"La rosace centrale correspond à une esthétique approuvée depuis des siècles mais réduit la surface vibrante de l’instrument, précise Thierry. Placée sur le côté, elle laisse le son s’échapper vers l’auditeur et aussi vers le musicien. Aujourd’hui, même pour la guitare classique, j’ai complètement abandonné l’idée de la rosace centrale." Cette dernière n’est toutefois pas la seule à définir la qualité du son d’un instrument, le vernis, le chevalet, le barrage (renforts sous la table d’harmonie) et le choix des bois également sont primordiaux. Enfin les mille petits gestes du luthier pendant les deux mois de fabrication sont fondamentaux. "Je recherche toujours le son que désire le musicien, insiste Thierry Haclin. Plus de basses, plus d’aigus, c’est selon, mais toujours avec une netteté parfaite de la note. J’ai la chance de fabriquer presque exclusivement pour des musiciens professionnels de l’Ardèche, du Gard, de la Lozère. Et ils sont nombreux. C’est un vrai bonheur car ils ont toujours une idée précise du son qu’ils recherchent."

Le bonheur du luthier serait parfait s’il n’existait le sujet épineux des bois exotiques. Pour les épicéas et les érables, les forêts du Jura le comblent. Mais pour les palissandres et les acajous, il faut  tourner son regard vers les forêts tropicales. "Je pourrais remplacer ces bois exotiques par l’érable, le noyer et même le cyprès, mais ils ne possèdent pas les qualités esthétique et acoustique des bois tropicaux", regrette Thierry Haclin Alors il les achète auprès d’importateurs espagnols de Valence et Madrid, mais en parallèle il déplore le massacre de ces irremplaçables forêts primaires. Certes ce n’est pas la lutherie qui ruine ces forêts, avec un arbre un luthier dispose du bois nécessaire pour une vie de travail, mais la prise de conscience de participer à la perte irréversible de cette richesse naturelle l’interroge.

Revenant à son établi, Thierry Haclin évoque son avenir. Il semble heureux ici entre ses instruments en cours de travail, posés à plat ou suspendus aux poutres de son atelier. Il pratique une lutherie évolutive, une lutherie vivante. "Je continuerai à fabriquer des instruments tant que les musiciens me feront confiance."
En savoir plus
Thierry Haclin
le Monteille
07230 Saint-Genest-de-Beauzon
04 75 88 52 53
www.lapsteel-haclin.fr

Pour info, amis musiciens, pour essayer des instruments avant commande ou faire exécuter une réparation ou simplement un premier contact, il convient de prendre rendez-vous.
Texte et clichés : Bruno Auboiron