Société botanique de l'Ardèche

Article paru en mars 2017
Mis en ligne en septembre 2022

Recenser, identifier, conserver, protéger et partager, voilà les lignes directrices des actions des membres
de la Société Botanique de l’Ardèche, dont le local abrite un herbier remarquable,
fruit d’une passion et la patience de toute une équipe de botanistes.
 


L’Ardèche, au croisement de différents climats, reliefs et paysages naturels ou façonnés par l’homme, compte parmi les départements les plus riches de France après les Alpes-Maritimes et les Pyrénées-Orientales. Il lui manque juste le littoral pour se hisser à la première place de ce classement.  Puisque richesse il y a, il fallait bien qu’elle soit étudiée et valorisée.
C’est ainsi qu’en 1979, Bernard Descoings, chercheur au CNRS de Montpellier, et Jean-Paul Mandin, botaniste et professeur au lycée agricole d’Aubenas, créèrent la Société Botanique de l’Ardèche. Cette association prit naturellement ses aises, dans les locaux du lycée agricole, et se fixa trois objectifs : promouvoir la connaissance de la botanique locale, participer à son étude dans son environnement et collaborer à sa protection.
Parmi les nombreuses actions de cette société, les sorties sur le terrain, d’avril à juillet, connaissent un franc succès auprès de la soixantaine de ses membres, dont trente se montrent vraiment actifs. « Ces sorties nous permettent d’herboriser, de faire de la botanique ensemble, de partager et d’approfondir nos connaissances, souligne Michel Castioni, secrétaire. Individuellement nous ne savons pas tout sur la flore locale, elle est si riche et variée. » Les sorties servent aussi à diffuser la connaissance, tout comme les ouvrages de la bibliothèque rassemblés dans les locaux de la société, le bulletin annuel se déclinant en articles et comptes rendus, ou encore le magnifique et instructif herbier qu’une équipe de cinq membres sous la conduite de Marie-Hélène et Gérard Sarrazin a classé et mis en valeur. Un travail long et minutieux de huit années et dont le résultat est à la hauteur de sa valeur scientifique et patrimoniale aujourd’hui.

« Avant la création de notre association, il n’existait pas de recensement de terrain de la flore ardéchoise, assure Jean-Paul Mandin, président. La collecte et la création d’un herbier fut certes un travail long et minutieux, mais indispensable. » Les plantes furent ramassées en au moins deux exemplaires, dont l’un envoyé pour compléter l’herbier de Montpellier. Aujourd’hui celui d’Aubenas propose environ dix-huit mille échantillons représentant les trois quarts de la flore du département. Les plantes furent collectées avec leurs racines, séchées à l’air chaud ou pressées entre du papier journal régulièrement changé, après avoir été convenablement positionnées pour l’observation de toutes leurs parties afin de permettre une étude et une identification aisées.  Elles furent ensuite « traitées » pour éviter les attaques des insectes. « Un herbier est un élément de la mémoire et un élément de référence de la flore d’un secteur à un moment donné, poursuit Jean-Paul Mandin. Il ne sert à rien de disposer d’échantillons s’ils ne sont pas datés et localisés avec précision. Il est bien aussi, de posséder plusieurs échantillons d’une même plante à différents stades de son développement. C’est un vrai métier que constituer un herbier qui présente une valeur scientifique.» Bien sûr, la détermination de l’ensemble des échantillons de l’herbier ardéchois a été confirmée par le Conservatoire botanique national du Massif Central et l’ensemble des données de cet herbier est en cours de numérisation.

Cet herbier est en permanence nourri des nouvelles découvertes : Michel Castioni a dernièrement identifié sur Thuyets, une petite crucifère d’une grande rareté que l’on ne connaissait qu’en Italie jusqu’à ce jour. Il faut un peu de chance et surtout beaucoup d’expérience pour identifier de nouvelles variétés. « Je me suis penché très tard sur la botanique, sourit Michel Castioni, pour l’exercice intellectuel de la détermination des plantes et ensuite la découverte et la compréhension de leur contexte écologique. Connaître, permet de mettre en garde et de protéger. » Pour illustrer son propos, il faut savoir qu’à Jaujac, il existe quelques pieds d’une fougère très rare, présente uniquement dans la vallée de la Roya, dans les Alpes Maritimes. Dans la mesure de leurs moyens, certains membres de la société exercent une surveillance des sites de ces plantes rares.
La société est aussi à l’origine de travaux scientifiques, dont la thèse de doctorat de Jean-Paul Mandin : « Essai de chorologie écologique sur la flore vasculaire du Vivarais méridional », en 1990, l’inventaire et la cartographie des fougères et plantes alliées d’Ardèche, l’inventaire et la cartographie des orchidées d’Ardèche, et la réalisation d’un logiciel de cartographie et d’écologie des êtres vivants, projet mené dans le cadre des actions du ministère de l’agriculture. La société travaille actuellement en collaboration avec le Conservatoire botanique national du Massif Central pour un inventaire intensif de la flore ardéchoise en mettant son herbier à disposition et ses membres en prospection sur le terrain. Sans oublier l’étude en cours sur les étonnants genévriers de Phénicie des gorges de l’Ardèche, défiant les siècles dans des conditions de vie extrêmes. Enfin la société est présente dans bon nombre d’instances départementales et régionales pour faire entendre la voix de la botanique et de la nature.

Alors si le cœur vous en dit, Ma Bastide vous invite à participer aux sorties sur le terrain qui reprendront en avril prochain, de quoi admirer la nature avec un autre regard, en faisant attention où vous mettez les pieds !
 
En savoir plus
Société Botanique de l’Ardèche (www.ardeche-botanique.com)
La société est ouverte à tous, néophytes ou botanistes confirmés. Le travail ne manque pas autour de l’herbier, bibliothèque, numérisation des données et les bénévoles sont les bienvenus.
La cotisation annuelle, comprenant l’accès au bulletin annuel et aux sorties dominicales printanières (la première sortie est toujours gratuite) est de 20 euros par personne, 26 euros pour les couples, 10 euros pour les étudiants.

Sur le terrain
Le calendrier des sorties, élaboré lors de l’assemblée générale de janvier, est détaillé sur le site internet de la société. Chaque sortie débute vers 10h et s’achève en fin d’après-midi, avec pique-nique le midi. L’observation attentive, les discussions autour des plantes ralentissent grandement le rythme de la sortie et ainsi les distances parcourues ne sont pas conséquentes. Le matériel nécessaire : une bonne paire de chaussures ou des bottes selon le terrain, loupe, carnet de notes…

Pour tous renseignements 
Michel Castioni
04 75 93 26 08 -  titus.07@orange.fr
 
Botanique et changement climatique
Selon Jean-Paul Mandin et Michel Castioni, en une génération le changement climatique a fait évolué la flore ardéchoise : « Nous étions en limite septentrionale pour la flore méditerranéenne, maintenant nous sommes en plein cœur. De nombreuses plantes que l’on trouvait autrefois plus au sud s’épanouissent en abondance chez nous, mais pas au détriment de la flore déjà en place. Tout cela cohabite. Le changement climatique n’est pas la seule cause d’évolution : l’embroussaillement des garrigues cause la perte de certaines variétés. La flore a toujours connu des évolutions, mais celle-ci semble rapide. »
 
Texte et clichés : Bruno Auboiron