Une saga familiale.
Histoire d’une famille qui travaille entre agriculture et transformation, en bio et conventionnel, entre passé et avenir ; la famille Mirabel a su au fil des années cultiver son identité dans Sanofruit et désormais Loutriol. Une belle réussite.
La belle péripétie de la famille Mirabel débuta avec Christian, le père, précurseur et intuitif. À l’époque, l’exploitation familiale de Lachapelle-sous-Aubenas produisait du raisin pour la coopérative viticole locale, des fraises, des légumes et du miel. Au milieu des années quatre-vingt, en avance sur son temps, Christian s’orienta exclusivement vers la production bio. Il fut ainsi le tout premier agriculteur bio en Ardèche. Puis fort logiquement, il opta pour la transformation d’une partie de sa production afin de valoriser ses efforts. "Nous avons vécu la préhistoire de l’agriculture bio, nous dit avec un large sourire, François, son fils, co-gérant des sociétés Sanofruit et Lou Triol. La valorisation de cette démarche idéologique passait par la transformation des fruits. "
Doucement, au fil des années, car dans le monde paysan rien ne se fait dans la précipitation, la transformation prit de l’ampleur et c'est ainsi qu'est née l’entreprise familiale Sanofruit. Produire bon et sain était, et est toujours d'ailleurs, la ligne directrice de la famille Mirabel ; Alexandre, le second fils de Christian a repris les vignes qu’il mène en biodynamie et Stéphanie, leur sœur, a rejoint François au sein de Sanofruit. "Je me souviens des premiers temps de la transformation des jus dans le pressoir en bois, explique François. Depuis, nous avons fait du chemin, et désormais, nos capacités de production nous assurent un important potentiel de développement." La demande en bio augmente d’un cinquième chaque année et cette croissance est régulière depuis des années. Mais, se profile à l’horizon, une limite : la production en fruits et légumes bio ne suit pas la même courbe et la pénurie guette, pour progresser encore. En bio, ce sont surtout des petits producteurs qui s’installent et qui valorisent eux-mêmes leurs productions en les vendant en direct aux consommateurs. " Nous nous approvisionnons toujours le plus localement possible, assure François. En Ardèche principalement, aussi en Drôme et Vaucluse. Mais nous serions désormais contraints de chercher ailleurs pour produire et répondre à la demande." Bio ou conventionnel, il faut reconnaître qu’il y a de moins en moins d’agriculteurs en Ardèche, un peu comme surement partout ailleurs, en France, en tout cas. Juste un exemple : quant Christian s’est installé, on comptait une quinzaine d’agriculteurs sur le territoire de la Lachapelle-sous-Aubenas, aujourd’hui il n’en reste qu’un… Alexandre.
Pour faire face à cette complication, à l’image de leur père toujours en avance sur son temps, Stéphanie et François ont imaginé un développement différent pour leur activité professionnelle. Ils ont créé une nouvelle société : Loutriol, le pressoir en patois, et sa marque Interlude Ardéchois. L’idée ? hé bien, c'est de transformer des fruits hors du circuit bio pour s’implanter plus largement sur le territoire et faire bénéficier au plus grand nombre de leur savoir faire matière de production de jus, confitures et autres plaisirs gustatifs. Bien sûr, en aucun cas, la qualité du travail de la transformation n’est remise en cause, bien au contraire, et en transformant ces fruits pour lesquels l’approvisionnement est plus facile, ce sont des produits issus de l’artisanat et non de l’industrie qui trouvent désormais place dans toutes les épiceries, bars et autres lieux de vente. On a certes coutume d’imaginer le développement dans la direction du conventionnel vers le bio, mais le bon sens est aussi de savoir s’adapter aux contraintes locales d’approvisionnement, tout en proposant des jus, des confitures, des produits artisanaux au goût irréprochable. Avec Loutriol, Stéphanie et François semblent nager à contre courant, mais l’avenir leur donnera sans doute raison, comme il l’a donné à leur papa en son temps. Et puis la qualité du travail fourni, prime toujours et c’est bien là l’essentiel. "Nous ne travaillons que des fruits parfaitement mûrs et sains, poursuit François. Nous ne faisons jamais de longue cuisson pour ne pas nuire à la qualité des fruits pendant leur transformation." C’est un vrai savoir-faire agrémenté de quelques belles inspirations qui anime cette entreprise familiale.
À Lachapelle-sous-Aubenas, ils sont désormais huit à travailler à l’année plus deux en complément pendant la saison. Cette dernière débute au mois de juin avec les abricots, puis le raisin, les pommes, les poires et les châtaignes jusqu’en février. " Le reste de l’année, nous rattrapons le retard pris pendant la saison", plaisante François. Bien sûr les fruits ne sont pas tous transformés au moment de leur arrivée. La grande majorité est congelée et offre alors la possibilité d’une transformation en purée, jus ou confiture selon les commandes qui arrivent en cours d’année. La gamme de produits proposés se décline en soixante-dix références avec pour chacune d’entre elles ses spécificités. Ici tout le monde est polyvalent et les recettes et les coups de main s’apprennent avec l’expérience. Trois années sont nécessaires pour devenir autonome. Et désormais l’avenir se montre plutôt favorable pour cette entreprise familiale. "Nous allons pouvoir grandir encore, car nous allons être présents dans des secteurs qui restaient inaccessibles au bio, affirme François. La qualité doit être à la portée de tous."
Voilà une bonne nouvelle !