Notre-Dame des Neiges

Article paru en juillet 2023
Mis en ligne en juillet 2023
Quête de solitude
 

Quelle fut la première impression du jeune écrivain écossais Robert-Louis Stevenson quand il arriva en vue de l’abbaye de Notre-Dame des Neiges le 26 septembre 1878 ? Vous trouverez la réponse à cette question  dans son célèbre ouvrage Voyage avec un âne dans les Cévennes, dont de nombreuses pages relatent son séjour parmi les moines. Et la première impression de Robert Schuman, l’un des fondateurs de la communauté européenne, quand il vint s’y réfugier pendant de la Seconde Guerre mondiale ? Une certitude : découvrir les vastes bâtiments emplit d’émotion, et pour cela nul besoin d’être croyant·e. Calme et sérénité se dégagent de l’abbaye et de la nature boisée qui l’entoure. Un petit air de montagnes suisses qui nous apaise…


L’abbaye, cistercienne puis trappiste, se situe à mille cent mètres d’altitude, fondée par des frères arrivant de Notre-Dame d’Aiguebelle. Les moines se consacraient à la contemplation dans la solitude et le silence. Ils se retrouvaient plusieurs fois dans la journée pour des temps de prières collectives dans l’église accessible aux personnes de passage et à celles en retraite. En dehors des offices (vigiles, laudes, tierce, messe, sexte, none, vêpres, adoration du Saint Sacrement, complies) les moines se consacraient aux différents travaux manuels indispensables à leur autonomie, sans pour autant sortir de la clôture de l’abbaye, à quelques exceptions près comme le moine s’occupant des terres et des bois, celui gérant l’hôtellerie accueillant les pèlerins et les retraitants. C’était ainsi jusqu’au jour de Noël 2021 où les huit moines et les trois novices encore présents décidèrent la fermeture de l’abbaye. Ils quittèrent l’abbaye en septembre 2022. Les habitant·e·s de la région ont regretté ce départ, l’abbaye faisait partie de leur quotidien depuis si longtemps ! Heureusement, depuis décembre 2022, une nouvelle congrégation religieuse préside à l’avenir de Notre-Dame des des Neiges, ce qui est réjouissant.

Mais revenons aux origines de l’abbaye. Sa création se concrétisa par l’investissement des premiers moines du Mas de la Felgère, à deux pas de l’abbaye d’aujourd’hui, une ancienne grange de l’abbaye disparue des Chambons. Ils arrivèrent le 25 août 1850 et tout de suite, malgré les rigueurs du climat d’où le nom de l’abbaye, aménagèrent une chapelle, une salle du chapitre, un dortoir et une hôtellerie. Deux années plus tard, cette abbaye rassemblait dix pères, dix‑huit frères et autant de novices. Des travaux d’agrandissement se déroulèrent sur le site actuel jusqu’à l’incendie de l’abbaye dans une sombre nuit de janvier 1912. Immédiatement, sa reconstruction fut entreprise. Et c’est après la Seconde Guerre mondiale que l’abbaye investira dans les immenses chais, encore présents, pour la vinification de la récolte de ses terres vinicoles du sud de la France. Cette activité assura la prospérité de l’abbaye jusqu’au début des années deux mille….

Un moine au désert
Le vicomte Charles de Foucauld est né en 1858 à Strasbourg. Il fut officier militaire, explorateur, géographe puis religieux. Il arriva le 16 janvier 1890 à Notre-Dame des Neiges et dix jours plus tard prit l’habit sous le nom de Frère Marie-Albéric. En 1901, ordonné prêtre à Viviers, il prend le chemin de Béni-Abbès (Sahara algérien) pour vivre avec les Berbères, prêchant par son exemple plutôt que par sermon. Il vécut douze années avec les Touaregs et est devenu une référence pour sa grande connaissance de leur culture ; il est même l’auteur, sous pseudonyme, du premier dictionnaire touareg-français. Le 1er décembre 1916 il fut assassiné à la porte de son ermitage. Déclaré vénérable en avril 2001 par Jean-Paul II, bienheureux en novembre 2005 par Benoît XVI, Charles de Foucauld est canonisé à Rome le 15 mai 2022 par le pape François. A Notre-Dame des Neiges, une petite chapelle, extérieure à l’abbaye, lui est dédiée où sont conservées ses reliques.

Voyage avec Modestine
Si Charles de Foucauld est bien connu des chrétien·ne·s, Robert-Louis Stevenson et  Modestine (son ânesse) le sont certainement des randonneuses et randonneurs. Il semblerait qu’une peine de cœur soit à l’origine du projet de l’écrivain écossais à l’automne 1878. Parti à pied du Monastier-sur-Gazeille en Haute-Loire, il atteignit Saint-Jean-du-Gard douze jours plus tard aux côtés de Modestine, son unique compagne de voyage pour ce périple dans les Cévennes. Les premiers jours furent marqués par une incompréhension totale entre l’animal et l’homme, mais au fil des kilomètres l’entente s’installa et de l’aveu même de l’écrivain, une certaine complicité teintée de tendresse. De ce parcours, Robert-Louis Stevenson tira un livre relatant sa découverte de ce haut pays et ses rencontres, notamment avec les moines de Notre-Dame des Neiges. Paru en 1879, ce livre eut un beau succès et ses nombreuses rééditions firent connaître ce circuit avec ses étapes authentiques. En 1978, un siècle après, un itinéraire balisé, le GR70, reprit au plus près celui de Stevenson et Modestine. Une belle expérience à vivre.

Pratique
Où ?
A la limite de l’Ardèche et la Lozère, l’abbaye Notre-Dame des Neiges se dresse au cœur d’un vaste massif forestier.
Comment s’y rendre ?
Depuis Saint-Laurent-les-Bains, suivre la route de La Bastide-Puylaurent et une petite route à droite dans la forêt (panneau) pour rejoindre l’abbaye Notre-Dame des Neiges.
Comment visiter ?
Seul l’extérieur de l’abbaye est accessible aujourd’hui et la chapelle dédiée à Charles de Foucauld. Sans doute, selon les règles instaurées par la nouvelle communauté religieuse, l’accès à l’église sera à nouveau possible… En suivant le sentier à l’arrière de l’abbaye, on gagne rapidement le site de la Felgère et les quelques vestiges de la première abbaye.
A voir, à vivre à côté
Au cœur de Saint-Laurent-les-Bains, la station thermale occupe une place de choix. Ses eaux, abondantes et chaudes, plus de cinquante degrés, au pied d’une montagne granitique, soignent depuis fort longtemps les affections liées aux rhumatismes. Il semblerait que leurs vertus étaient déjà connues des Romains. Jets d’eau, bains et autres soins apportent soulagement et bien-être.
(www.chainethermale.fr/saint-laurent-les-bains)
La tour de Saint-Laurent-les-Bains mérite une visite. On peut la rejoindre facilement par le sentier de Grande Randonnée depuis le village. Cette tour était dans un triste état et, au début des années quatre-vingt-dix, il fallait prendre une décision : la raser ou la reconstruire ! La seconde option fut retenue et aujourd’hui elle abrite l’exposition L’Odyssée des Eaux. Elle vous guide sur six niveaux des profondeurs de la terre aux portes du ciel avec l’accès à la terrasse panoramique. Une visite unique (www.saint-laurent-les-bains.fr)
Texte et clichés : Bruno Auboiron