Maurice Chaudière

Article paru en juin 2016
Mis en ligne en juillet 2022

Grand maître de la greffe, Maurice Chaudière est un homme qui s’inscrit intégralement dans la nature pour essayer de ne faire qu’un tout avec elle. Ainsi, cet homme simple et génial est également apiculteur et... potier. Une vie étonnante pour un homme qui ne l’est pas moins.

Tout comme Pierre Rabhi, Maurice Chaudière développe depuis de nombreuses années, des idées et une conception de la vie proches de la nature au profit de cette dernière et de l’être humain. Amoureux inconditionnel de la terre crue, passionné par les abeilles, curieux des miracles des greffes, on dit de lui qu’il a greffé la garrigue pour en faire un verger digne du paradis terrestre. Depuis des années, il collabore à de nombreuses publications, assure maintes conférences, alors que localement il a su rester discret.

Maurice Chaudière est un homme d'argile et de miel qui a pris terre dans la garrigue ardéchoise, le cœur et les racines arrachés au sol algérien. Expatrié, il y a de cela plus de cinquante ans. Jamais il n'a renoncé à son argile natale, fine et jaune au fond du puits de son enfance, cette boue malléable qu'il manipule sa vie durant et dont il imbibe aujourd'hui encore son présent et ses quatre-vingt-huit ans. Il façonne avec trois fois rien de terre et d'eau, les récipients de son quotidien, ses ruches en forme de cloche, son four solaire, ses murs d'abeilles.

Arrivé en Ardèche, dans un coin de la garrigue de Berrias, il acheta une ruine sans eau, ni électricité. Il a appris à vivre en famille dans ce désert de genêts et de cades. De ses murs, il en a fait un habitat simple, à l'architecture intérieure d’inspiration algérienne… À côté du café chaud posé sur la table de la cuisine, Maurice vient de placer ses pots à miel de terre. Singuliers contenants, ce sont des évocations du ventre d’une reine de la ruche avec un versoir pour couler le miel.

Maurice a l'appétit du primitif et du sauvage. Il connaît les offrandes de la flore tout autour de chez lui, il vit de cueillette et braconne la nature. "J’aimerais revivre cet âge où l'homme était une bête, sourit-il, avant qu'il ne soit devenu homme cultivé, pour deviner le primaire et le vierge dont la culture s'est emparée." Il crée des terres crues qu'il plonge dans la cire fondue par le soleil, des pièces élémentaires, étanches et solides. Et quand  il cuit le fruit dans son four d'argile, il en fait une confiture, sans ajout de sucre ; une merveille.

Tandis que nous foulons les plantes sauvages, Maurice s'anime de joie en les ramassant, mais en aucune façon, il ne touche aux racines. Il ne dénature pas le sol, même s'il est ingrat. Il ne force pas la terre, il greffe. En effet, il domestique les arbres sauvages dans leur propre milieu, il impose sa culture à la nature, mais en la touchant le moins possible. Moindre mal. Les prunelliers pullulent, leurs fruits sont âpres. Alors, il les a greffés, il obtient aujourd'hui de belles pêches juteuses et sucrées. Il profite de la prolifération de l'armoise, de ses racines sauvages, résistantes, il obtient de l'estragon à foison. Le figuier greffé sur le mûrier, l'aubergine greffée sur le tabac, la tomate greffée sur la morelle (une herbe dite mauvaise extrêmement commune du bord des chemins) pour que le plant passe l'hiver. De greffon en greffon, sur les arbres et les plantes, la garrigue devient un repaire nourricier, le désert une terre généreuse. Ici, un kaki chargé de fruits lourds, là les oranges et les citrons, des espèces cosmopolites en accord avec la nature, tout se trouve autour de son petit chez lui. Luxuriance sans arrosage. Affinités parfois miraculeuses… Et juste au-dessus de sa maison, une étonnante forêt de cyprès, héritage d’une expérience passée, aujourd’hui revenue pleinement à la nature.

Il en va ainsi de la vie quotidienne de Maurice Chaudière dans la garrigue de Berrias. Apiculteur, potier, greffeur de végétaux, cet homme est aussi philosophe et écrivain, il ne manque aucune occasion de se laisser bercer par l’émerveillement qu’offre la nature.
Par les mots et les images
Deux livres signés Maurice Chaudière, sur les thèmes de l’apiculture et de la greffe. Des mines d’informations pratiques et de pensées philosophiques.
"Apiculture Alternative" (édition Le Décaèdre) qui est le support pour développer sa conception d’une apiculture harmonieuse.
"La Forêt Fruitière" (édition Terran) où l’auteur présente sa philosophie autour de la greffe et donne en exemple les bonnes pratiques pour rendre productifs les terrains les plus ingrats, comme les friches, les landes, les causses, les maquis et bien sûr la garrigue.
Dernièrement chez Actes Sud est paru "Le Goût du Sauvage, une vie de complicité avec la nature". Au cours d’un long entretien avec Ruth Stegassy, il évoque sa vie faite de tout à partir de rien, juste la terre, l’eau et le soleil. Amoureux du sauvage, il n’a cessé toute sa vie d’observer et livre dans ces pages le fruit de cette expérience.
Texte et clichés : Bruno Auboiron