Les sources du Pestrin

Article paru en décembre 2016
Mis en ligne en juillet 2022

Une usine toute neuve, une production croissante, des eaux s’exportant outre Atlantique et bientôt vers l’Asie : les sources du Pestrin vivent une certaine jeunesse.
 

Elle est là depuis si longtemps... L’usine ancienne semble sortie tout droit d’un roman ouvrier du siècle dernier. La couleur soutenue et pourtant passée du crépi de ses murs, la fait remarquer à tous ceux qui empruntent la route menant à Montpezat, depuis le village de Pont-de-Labeaume.
Derrière ses murs, les eaux des sources minérales de Chantemerle, la sage, et de Ventadour, la pétillante, sont mises en bouteille depuis de nombreuses générations.
Mais bien souvent, le temps qui passe a raison des entreprises, même celles qui semblent immuables dans le paysage. Il y a quelques années, elle menaçait même de fermer définitivement ses portes. Alors en 2012 est venu Éric Besson et son envie d’entreprendre, de préserver cet établissement local. « J’ai acheté cette entreprise il y a quatre ans, alors qu’elle était en liquidation judiciaire, explique-t-il. Mes premiers mois ici furent faits d’observation et d’apprentissage, les suivants d’action ». Éric Besson dut tout apprendre, car il venait de l’immobilier sur Paris. Originaire d’Ardèche, il voulait revenir au pays. Il s’est tout naturellement installé aux commandes des Sources du Pestrin. « J’ai appris et maintenant j’ai compris comment cela fonctionne, poursuit-il. C’était un challenge pour moi, mais au final je ne risquais pas grand chose, l’eau minérale est un marché assez simple. Et puis ces deux sources du Pestrin ont une notoriété et une réelle existante en Ardèche, voire au-delà, il suffisait de rebondir sur les acquis pour aller de l’avant. » Débit des sources laissant une belle marge de développement, des eaux de grande qualité et de belle notoriété : trois piliers indispensables étaient là pour rebâtir solidement. Il s’y employa.
Oui, depuis longtemps les eaux minérales d’Ardèche sont reconnues. D’abord, il en existait de nombreuses captées artisanalement, puis au fil des décennies, l’industrialisation se mettant de la partie, les unes après les autres furent délaissées. Les plus rentables restèrent exploitées.

Des noms qui chantent
L’eau de Ventadour possède de fines bulles et est très peu salée, elle n’est pas agressive en bouche et désaltère parfaitement. L’eau de Chantemerle se montre douce et riche. « Ces deux eaux se défendent toutes seules lors des dégustations, sourit Éric Besson. Les œnologues en parlent avec des qualificatifs aussi imaginés que flatteurs. » Si la qualité est primordiale, elle ne suffit pas toujours. En amont de la construction de la nouvelle usine, Éric Besson organisa donc une campagne de forage pour connaître avec exactitude les possibilités de développement. Résultat : la ressource est bien là. « Nous exploitons les mêmes sources qu’à l’origine en 1868, poursuit-il. Ce ne sont pas des captages de surface mais des forages en profondeur pour chercher la veine d’eau où le débit est plus important. Et ce débit ne varie pas en fonction des conditions météorologiques, il reste constant été comme hiver. » L’eau du Pestrin se promène pendant une cinquantaine d’années, analyses à l’appui, dans le milieu aquifère. Il s’agit d’une formation géologique poreuse ou fissurée dans laquelle l’eau circule librement. Ce n’est pas une poche fossile que l’on vide, mais un milieu vivant d’où est soutirée moins d’eau qu’apportée pour ne pas désamorcer la pompe. C’est grâce au volcanisme que le sous-sol fortement fracturé livre de telles eaux.

En ce début de XXIe siècle, l’usine du Pestrin se montrait trop vieillotte pour continuer à répondre aux besoins d’une économie moderne. En effet, l’intérieur est un véritable labyrinthe où courre la chaîne d’embouteillage et plus rien n’est rationnel derrière ces vieux murs ; la plus jeune des machines en fonctionnement a fêté récemment ses trente-cinq ans. Et puis l’emplacement en bord de route immédiat, ne facilitait pas la tâche des employés. Il convenait donc d’imaginer une restructuration complète de l’usine. Et plutôt que refaire du neuf dans du vieux, il était plus rentable de sacrifier la châtaigneraie voisine pour bâtir une usine répondant aux attentes de tous. L’ancienne usine restera en l’état au rez-de-chaussée, de quoi imaginer peut-être un petit musée plus tard. Quant à l’étage il sera réaménagé pour accueillir les clients souhaitant découvrir l’activité et la région. Aujourd’hui se dresse un bâtiment de deux mille cinq cents mètres carrés en structure aluminium avec des murs faits de panneaux isolants et une double toiture en toile blanche. A ce propos, la couleur a suscité quelques interrogations et réactions dans l’entourage. L’explication est simple : « Le blanc évite la concentration de chaleur qui nuit à la conservation de l’eau et il apporte une lumière diffuse importante qui génère de conséquentes économies d’énergie, explique Éric Besson. Cette structure légère a permis de développer des fondations tout aussi légères et calculées uniquement par rapport au risque d’arrachement du au vent. Quant à la cour elle est revêtue d’un goudron renforcé pour permettre la circulation des poids lourds venant au chargement.»

Tout beau, tout nouveau
Une nouvelle ligne de production, rinçage des bouteilles, remplissage, bouchage et étiquetage, va donc prendre place dans ces nouveaux locaux à la hauteur suffisante. Une large baie vitrée permettra à tous ceux venant s’approvisionner localement de découvrir le nouveau fonctionnement sans toutefois pénétrer dans l’usine. Tout sera prêt avant la fin de l’année et la production sera de six mille bouteilles à l’heure, contre deux mille actuellement. En revanche, aucune embauche n’est prévue dans l’immédiat, car l’automatisation règne en maître sur la production, et le travail consiste surtout en de la surveillance et de la manutention. Actuellement six personnes, administratif et production, travaillent aux Sources du Pestrin.
Et… qu’on se rassure, comme auparavant, il sera toujours possible de venir chercher directement son eau à l’usine. « Venir ici, c’est plus qu’une tradition, nous dit Éric Besson, c’est vraiment la vie de l’usine. Et avec le véhicule qui nous permet de livrer nos dépôts localement, nous continuerons de livrer les personnes âgées qui ne peuvent se déplacer. C’est important pour nous. »
 
Eau plate et eau gazeuse
La production et la vente se répartissent entre 70% pour la Ventadour et 30% pour la Chantemerle, pour un total annuel aujourd’hui d’un million et demi de bouteilles. L’eau plate Chantemerle connaît un vrai succès car c’est la seule non gazeuse en Ardèche. La commercialisation est réalisée en vente directe, dans les restaurants, les bars et les grandes surfaces localement, et nationalement les épiceries bios et les restaurants. Les eaux du Pestrin commencent à franchir l’Atlantique pour aller vers les Etats-Unis. L’exotisme et un certain snobisme pour les produits français font que ces eaux trouvent leur place là-bas. D’ici une année, elles seront également présentes sur le marché asiatique.
La caractéristique des eaux du Pestrin est qu’elles sont toujours en bouteille en verre. Certes, c’est plus onéreux que le plastique mais Éric Besson justifie sa décision de continuer dans cette voie : « Je ne veux pas galvauder la qualité de nos eaux avec un emballage médiocre.» L’application du système de consigne, très intéressant en terme de préservation de l’environnement, permet de limiter les coûts supplémentaires de cette image valorisante, mais malheureusement il ne peut être mis en œuvre que localement pour d’évidentes raisons économiques liées au transport des bouteilles vides revenant à l’usine.
Adresse
Sources du Pestrin
07380 Meyras 
04 75 94 41 04
 www.sourcesdupestrin.com
 
Texte et clichés : Bruno Auboiron