Il existe deux façons de découvrir le site des Grottes de la Jaubernie. Soit en arrivant par l’immense et unique dalle rocheuse depuis le haut, soit depuis le bas par le sentier en balcon. Quelle que soit l’option choisie, l’étonnement et l’émerveillement vous attendent. Pour ma part, je préfère arriver depuis le bas. Mais avant tout, pour comprendre les éléments, il convient de posséder quelques notions de géologie.
Le site est une des composantes du Géopark des Monts d’Ardèche, et non des moindres puisqu’il permet de lire cinq cent millions d’années de l’histoire de la Terre, depuis les terrains métamorphiques du massif de Saint-Cierge-la-Serre aux terrains sédimentaires continentaux de l’époque du Trias et marins du Jurassique inférieur de la vallée de l’Ouvèze. Ces derniers sont les plus spectaculaires et forment la grande dalle sommitale bordée par un escarpement de plusieurs dizaines de mètres dans lequel se trouvent aménagées les grottes fortifiées. Il s’agit là de grès à ciment calcaire, plus ou moins grossiers, et de conglomérats à galets de nature variée. Un panneau à l’entrée du site explique : « Ces formations se sont mises en place au niveau d’un véritable delta sous-marin qui recevait les matériaux arrachés aux terres émergées voisines. Le long de la falaise, la dissolution du ciment des grès a provoqué la désagrégation de ces derniers sous forme de sable qui, une fois emporté, a laissé place à des grottes allongées, aménagées et fortifiées par les hommes lors des périodes troublées de l’histoire. Les grès les plus fins de la partie supérieure de la dalle ont été l’objet d’extraction de meules de moulin et blocs à usage divers pour la construction ou la fabrication d’auge pour le bétail par exemple. » Voilà, en quelques lignes vous savez tout du site.
Donc, en arrivant depuis le bas par le sentier en balcon, on aperçoit très vite les premières habitations troglodytiques(1). Au contraire de celles des Balmes de Montbrun situées plus au sud dans le massif du Coiron qui offrent un aspect plus modeste et rural, les habitations de la Jaubernie respirent une sorte d’aisance bourgeoise avec les grandes cheminées de style Renaissance à l’intérieur des grottes, le blason sur l’accolade d’une porte, les fenêtres à meneaux et les pierres taillées. Il semblerait que l’occupation de ces grottes, longtemps temporaire, se développa à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècles, surtout pendant le siège de Privas par les troupes de Louis XIII chassant les protestants. La capitale du Vivarais était une place forte du protestantisme, au même titre que La Rochelle.
Les premières habitations que l’on voit sont perchées au milieu de la falaise ; les autres s’ouvrent plus bas. Elles sont au nombre de huit et ont servi jusqu’au XVIIIe siècle. En effet, la pratique religieuse du protestantisme se maintient dans la clandestinité jusqu’en 1787, année de signature de l’édit de Versailles, ou édit de la tolérance, par Louis XVI. Elles sont devenues le symbole de la résistance des protestants quand la région fut ravagée par les luttes contre les catholiques. Les ruines de ces habitations troglodytiques portent encore des traces de fortifications comme des meurtrières, des bretèches…
Après la découverte des grottes aménagées, il suffit de poursuivre le sentier pour gagner l’immense dalle rocheuse coiffant la falaise. Une autre surprise est au rendez-vous !
Des meules, mais pas que !
Quand on prend pied sur le haut de la grande dalle sommitale, la vue se perd au loin vers le sud, le bassin de Privas avec le massif du Coiron en toile de fond, et plus à gauche la vallée de l’Ouvèze. Rien que pour le panorama, la montée jusqu’ici est à réaliser. C’est au sommet de la dalle que les hommes ont principalement extrait et taillé les pierres pour les moulins de la vallée de l’Ouvèze. Il faut dire que le calcaire gréseux est de bonne qualité par rapport au conglomérat constituant la partie inférieure de la dalle. Cela-dit, l’extraction se réalisa aussi plus bas, mais dans une moindre mesure. Les nombreuses traces et cavités circulaires à même la pierre témoignent de cette intense activité passée.
Les guerres de religion
Elles ont fortement marqué l’histoire de l’Ardèche. Tout a commencé en 1517 en Saxe lorsque Martin Luther, un moine allemand, proposa d’importantes réformes de l’Église catholique romaine. Le feu était allumé, il allait se propager pendant deux siècles. Saint Andéol et saint Fortunat, entre autres, furent les évangélistes de la terre ardéchoise à partir de la fin du IIe siècle de notre ère. Des siècles d’une pratique religieuse hégémoniste ne pouvaient accepter de telles idées réformatrices. Pourtant, rapidement, les habitants du Vivarais adoptèrent les idées du protestantisme. S’en suivirent des combats acharnés, une répression féroce avec les dragonnades, des meurtres et humiliations…
(1) Troglodytique, est un adjectif
Troglodyte, est un nom commun qui désigne l’habitant·e d’une caverne ou d’une grotte creusée dans la roche. C’est aussi un petit passereau.
Toutefois, le terme troglodyte est parfois utilisé comme adjectif, ainsi que le diminutif troglo.