Large sourire animant son visage et optimisme chevillé au corps, Yann Sourbier est un peu le garant, la mémoire et à la fois le pilier du Viel Audon. Yann est arrivé sur les bords de l’Ardèche pour s’y installer définitivement en 1980, après avoir découvert le site lors de chantiers d'été de jeunes. Ils étaient même quatre à l’époque, les trois autres sont loin aujourd’hui, lui est resté. Les deux premières années furent consacrées à l’installation et au développement de l’activité agricole autour des chèvres. Il se revendique du mouvement "hippie" *, mais avec juste la mise en pratique des bons côtés de ce phénomène des années soixante. "Nous voulions nous intégrer ici, vraiment. Il était hors de question de nous positionner en marginaux donneurs de leçon. Nous étions propres, les cheveux courts et habillés d’un bleu de travail. Nous développions les valeurs de travail et de persévérance. Cela peut faire sourire aujourd’hui, mais à l’époque cette volonté a fait toute la différence."
Et dès la troisième année, les habitants du hameau étendirent les chantiers de jeunes de l’été à toute l’année, sous la forme de l’insertion sociale. Rien ne fut simple, il suffit d’observer les formations désormais proposées et leur contenu pour mesurer le chemin parcouru.
Pour bien comprendre la démarche entreprise, il faut lire le petit mot de présentation imprimé sur les documents des formations : " Depuis 1970, celles et ceux qui ont reconstruit le hameau en ruine du Viel Audon sont entrés en transition. Ils ont choisi la création collective d’un projet viable et productif et ont construit un site basé sur l’optimisation des cycles, la coopération et la gestion des ressources locales. Naturellement, ils se sont impliqués dans des réseaux de solidarité pour maintenir courage, ténacité et vision à long terme. Ramener la vie au hameau a créé également des capacités de résilience permettant de ne pas s’institutionnaliser et de rester organique et vivant."
Outre la maison d’accueil ouverte à tous, le site du Viel Audon se décline en quatre entités indépendantes mais fonctionnant en synergie pour le bien commun. L’association Le Mat, la doyenne née en 1976, fait naître les projets. La Société Civile Agricole poursuit l’activité agricole alors que l’association Le Bateleur, créée par des jeunes issus des chantiers, s’active au maraîchage et à la transformation de la production agricole de Société Civile Agricole. Enfin, l’association Jeunes de Chantiers poursuit son inlassable travail de restauration du hameau et de son environnement. Au total quinze salariés, dont une dizaine vit sur place, génèrent cinq cent mille euros de chiffre d’affaire annuel. Chacune des structures développe et gère ses activités, un conseil de hameau règle les problèmes transversaux de la vie en commun. "Nous avons choisi d’établir des structures différenciées pour que chacun puisse librement mener son affaire, explique Yann Sourbier. Le Viel Audon est une pépinière de projets trouvant le terreau fertile pour croître sur place. Il est aussi la traduction du mouvement social de fond grandissant autour de la transition, du vivre et travailler autrement."
Cette transition, qui fait rêver de plus en plus de jeunes et même de moins jeunes, ne s’improvise pas. Il faut posséder certaines clefs pour la réussir et aussi une bonne connaissance de soi-même est nécessaire. Consciente et convaincue de ces impératifs, à l’écoute des besoins exprimés lors de colloques et autres séminaires, l’équipe du Viel Audon sait surfer sur l’air du temps et certaines attentes pour mettre en place des formations adaptées. À travers le temps périscolaire, les chantiers et les formations professionnelles, les enfants et les jeunes adultes trouvent là, une source pour retrouver certaines émotions dans la beauté d’un paysage, du vivant et d’un projet collectif. "C’est par l’immersion que l’on provoque à nouveau ces émotions, nous dit en souriant Yann Sourbier. L’envie de partager des expériences, de devenir aussi un peu maître de son avenir, lutte efficacement contre la déshumanisation ambiante." Ainsi, après de multiples fonctions occupées au Viel Audon, Yann Sourbier s’est accordé un an et demi de cogitation et de voyages à la découverte des expériences d’autrui et d'ailleurs pour établir de nouvelles formations proposant une alphabétisation à la transition.
Par exemple, la cuisine des plantes sauvages de la garrigue est le thème d’un week-end consacré à la découverte des nombreuses ressources naturelles de l’environnement. Autre thème, la maîtrise de l’hygiène en animation et en cuisine, avec la méthode HACCP permet d’appréhender sans risque la cuisine des collectivités et l’animation culinaire également. Les ambassadeurs du jardinage et du bien-vivre alimentaire est destiné à savoir élaborer, entre autres, des programmes d’animation éducative et sociale, découvrir les bases du jardinage agrobiologique. Enfin le cours certifié de permaculture est livré pour aborder et maîtriser les bases de cette technique agricole douce. " Pour chacune des sessions, je fais appel à un intervenant extérieur développant d’autres idées enrichissant notre réflexion et notre cheminement en matière de formation, nous confie Yann Sourbier. "
En parallèle à ces formations, Yann Sourbier prône le compagnonnage alternatif et solidaire au sein du réseau d’échanges de pratiques alternatives et solidaires (REPAS). Vous l'avez compris, il s’agit d’un apprentissage en itinérance. Ce n’est pas un stage de création d’entreprise, mais un travail fondamental en amont pour définir et valoriser ses compétences et ses envies. Les jeunes partent ainsi à la rencontre de projets s’inscrivant dans un fonctionnement économique, social, privilégiant le rapport à l’humain, au territoire et à l’environnement. "Cette sorte d’apprentissage fournit les outils de base que chacun devrait posséder au début de sa vie professionnelle, afin de décider de son avenir en pleine conscience. Savoir échanger, travailler ensemble et autrement, se constituer un réseau, apprendre, se connaître au contact des autres, voilà l’essentiel" conclut Yann Sourbier.