Les espèces invasives

Article paru en avril 2014
Mis en ligne en juin 2022

Notre département, au fil des décennies, a vu ses écosystèmes se modifier sous la pression des espèces invasives. Animaux et plantes venus d’ailleurs ont trouvé chez nous des conditions de vie parfaitement adaptées à leurs besoins.

« Le développement de certaines espèces de plantes venant d’autres pays ou continents peut être nuisible à la diversité des espèces locales et aux équilibres des écosystèmes, à travers l’envahissement des milieux naturels. » Ainsi, s’exprimait Dominique Dumont, biologiste, à l’occasion d’une conférence ayant pour thème l’impact des espèces invasives en Rhône-Alpes. Si certains écosystèmes sont parfois menacés, la santé humaine est aussi en question à cause de plantes en grand développement, comme l’ambroisie par exemple.
Comme chacun le sait, cette dernière est fortement allergène.

Plus facilement visibles sont les effets engendrés par les espèces animales, à l’image du ragondin ou de l’écrevisse américaine. L’état des lieux n’est pas très réjouissant. de plus, personne ne peut prédire les conséquences à venir du réchauffement climatique sur le développement de ces espèces invasives…

Nous nous sommes penchés sur certaines d’entre elles.

Les animaux

Le ragondin

Nommé à tort castor des marais ou myocastor, le ragondin est un représentant emblématique de ces espèces invasives. Originaire d’Amérique du Sud, il fut introduit en France au XIXe siècle pour la production à bon marché de fourrure. Quelques essais de valorisation de sa viande, le pâté de myocastor, sont restés sans suite. Aujourd’hui, tous les ragondins vivant en liberté et colonisant les milieux aquatiques sont issus de lâchers volontaires des élevages. Des actes irresponsables au regard des dégâts occasionnés par le style de vie de cet animal.
Le ragondin creuse de vastes galeries dans les berges des rivières, des étangs et des canaux. Il crée ainsi une importante dégradation et une érosion provoquant des fuites d’eau et des éboulements. Il peut fragiliser les bases d’ouvrages hydrauliques. Il génère un impact conséquent sur certaines plantes par une surconsommation et la destruction des nids des oiseaux aquatiques. Le ragondin est omnivore. Seul le froid peut limiter le développement de cet animal. Il ne supporte pas les grands froids, causant le gel de sa queue engendrant une gangrène mortelle.
Cet animal fait l’objet de plans de lutte collectifs. Hormis l’empoisonnement susceptible de causer des dégâts chez d’autres espèces, tous types de chasse sont alors autorisés. Mais, en même temps comme le ragondin possède une nage similaire à celle du castor, le risque de confusion est grand et il convient d’être vigilant, car le castor est quant à lui, une espèce protégée.

L’écrevisse américaine

Toujours dans le domaine aquatique, la lutte est inégale entre l’écrevisse autochtone à pattes blanches et l’écrevisse américaine. Cette dernière assoit sans partage sa domination. Originaire de la côte est des États-Unis, elle fut introduite en Europe à la fin du XIXe siècle. Elle s’est d’abord implantée en Allemagne, en Suisse puis en France. L’écrevisse américaine ne se montre pas exigeante sur la qualité de l’eau et supporte assez bien la pollution, au contraire de l’écrevisse locale. Le même biologiste déclarait à son sujet : « L’écrevisse américaine se nourrit de débris organiques, de vers, d’invertébrés et même de petits poissons comme le vairon. Elle fait concurrence au plus gros en consommant leur nourriture. Elle les chasse de leurs abris, les laissant sans protection face aux prédateurs. Combles de malchance, les prédateurs des écrevisses préfèrent l’espèce locale, car sa carapace est plus souple. Enfin, l’écrevisse américaine se reproduit en plus grand nombre et plus vite que l’espèce locale. Elle est très agressive. L’écrevisse à pattes blanches dans beaucoup de rivières ne gagnera pas ce combat. » Même si elle est considérée comme nuisible, il est sans doute trop tard, l’écrevisse américaine fera disparaître notre écrevisse.

Le frelon

Nous l’avons déjà évoqué dans un précédent numéro, mais l’invasion du frelon asiatique est sans doute l’un des derniers exemples de ce phénomène, très souvent irréversible. Ce frelon fut introduit involontairement en France à l’occasion d’échanges commerciaux avec l’Asie ; l’insecte fut passager clandestin d’un paquebot au début des années deux mille. De l’Aquitaine, il colonisa peu à peu de nombreuses régions pour arriver en vallée du Rhône. Il s’en prend aux abeilles des ruches. Si l’impact réel n’est pas encore connu avec certitude, il est logique de craindre le pire…

Les écureuils

Comptant au nombre des animaux, l’écureuil gris et le ver d’Asie, dévorant les lombrics indispensables à la fertilité de la terre, ne sont pas à négliger non plus.

Les végétaux

Au contraire des animaux, les végétaux semblent immobiles. Pourtant, le chemin qu’ils parcourent est sidérant. Pour beaucoup de variétés, le vent est le meilleur allié leur assurant le transport à grande échelle. L’ambroisie fait exception à cette règle. Elle doit son expansion aux activités humaines.
Cette plante, originaire d’Amérique du Nord, est apparue chez nous au milieu du XIXe siècle. Ses graines voyagent grâce à l’eau courante, mais surtout elles collent parfaitement à la terre. Ainsi, les semelles des chaussures, les roues des camions et des tracteurs en assurent la propagation à grande échelle. En Ardèche, cette plante a trouvé un terrain parfaitement favorable. Lutter contre l’ambroisie, par son arrachage avant germination, est essentiel, elle contient des allergènes.
Enfin, peut-être plus anecdotique mais réelle, l’invasion des berges de l’Ardèche par le budléia, notamment en amont de son cours. Nommé également arbre à papillons, cet arbuste déploie ses grandes fleurs violettes en grappes qui attirent de nombreux insectes créant un agréable et bien joli ballet aérien. Il va ainsi de la Jussie et de la Myriophylle du Brésil dans les milieux aquatiques ou Renouée du Japon sur terre, il est nécessaire d’accentuer la lutte contre ces plantes qui éliminent peu à peu les espèces indigènes.

D’autres plantes très envahissantes à reconnaître et à éradiquer : l’Ailante glanduleux, le bambou, le frêne, le robinier, le févier d’Amérique....
Ce rapide tour d’horizon ne saurait bien sûr être exhaustif. Mais il prouve, s’il en était encore besoin, que l’action de l’homme, même involontaire, agit toujours sur son environnement. Malheureusement, rarement en bien…

Voilà le printemps, ces plantes sont plus faciles à repérer dès leur apparition.
 

L’Ailante glanduleux ou Faux vernis du Japon ou Vernis de Chine

À repérer et à arracher immédiatement. Cet arbre se propage activement à la fois par graines, par tronçons de racines et par drageons, vous l’avez sûrement remarqué, ceux-ci poussent plus rapidement encore après l’avoir coupé ! L’arbre pousse vite et est capable d’atteindre des hauteurs de 15 mètres en quelques années. Originaire d’Asie, il était autrefois cultivé comme plante pour le Bombyx, le papillon utilisé pour la production de soie… Peut-être, je dis bien peut-être, cela expliquerait chez nous la terrible invasion dont nous sommes victimes. Pour mieux la repérer, ses feuilles font penser à celles du Sumac, d’ailleurs, lui aussi drageonne énormément.
 

Le robinier invasif ou faux acacia

Banalisant le paysage, cet arbre se répand au détriment d’autres arbres. Sa multiplication par graine est conséquente, y compris sur des sols pauvres. Il drageonne aussi, et ses nombreux rejets entraînent la régression des essences locales et par là-même celle des animaux, de champignons et de certains insectes. Reconnaissable, il porte des rameaux épineux. Il atteint très rapidement jusqu’à 25 m de hauteur.
Il modifie le milieu naturel en enrichissant le sol en azote. Progressivement colonisés, des espaces naturels, des milieux riches en biodiversité disparaissent. D’autre part la floraison importante concurrence celles des autres plantes à fleurs qui ne se reproduisent plus, par manque de pollinisation.
Il s’incruste de plus en plus dans les villes, il résiste très bien à la pollution.
Texte et clichés : Bruno Auboiron