Le Tchier

Article paru en juillet 2023
Mis en ligne en juillet 2023
La force des symboles
 

Dans un cercle de quatre-vingt mètres de diamètre, soixante-dix pierres plantées, ou mégalithes, forment un ensemble déroutant au premier abord. Il s’agit d’un calendrier universel à ciel ouvert, d’une œuvre de land art ésotérique relatant l’histoire culturelle des Boutières à travers neuf thématiques. Ces dernières sont la mémoire, la réflexion et les philosophes, les secrets et les désirs, les voyageurs et les pèlerins, les astronomes et les cartographes. C’est tout un monde perdu qui est noté là, assurait Serge Boyer, l’un de ses créateurs. Peut-être, sans doute même, mais le Tchier de Borée est beaucoup plus que cela.
Il est l’œuvre de Fabienne et Serge Boyer, aidés de quelques autres artistes. Et depuis 2008, cette composition minérale domine le petit village de Borée, face au Mont Mézenc. Ces pierres, les unes après les autres ou associées entre elles, livrent des témoignages historiques, mythologiques et initiatiques. Une histoire est bel et bien contée au fil des pierres levées, mais il appartient à chacun·e de créer sa propre version à partir des symboles burinés dans le grain de la roche.

C’est en cela que réside la force du symbole. Si une définition définitive est donnée à un symbole, alors il ne l’est déjà plus. La puissance du symbole est de permettre à chaque personne d’y voir ce qu’elle peut ou veut, ce qui va l’aider, la réconforter ou la saisir. Le symbole, quel qu’il soit, a le pouvoir de rendre visible l’invisible, de rendre dicible l’indicible. Il est une autre écriture de la vie et offre un outil ouvert pour lui donner du sens.

Ainsi muni·e de cette appréhension du symbole, déambuler entre les mégalithes du Tchier de Borée devient un jeu. Se laisser glisser dans la pente, passer d’une pierre à l’autre, en faire le tour, découvrir puis interpréter à sa façon les signes gravés, c’est comme un livre minéral dont vous êtes le héros pour vivre un voyage intérieur. Parfois, l’aide du soleil est bienvenue car frappant de ses rayons les pierres à l’oblique, il souligne les traits. Il convient de prendre le temps de lire les pierres et de les relire, de se laisser imprégner par l’ambiance inhabituelle du site, par sa grandeur. Le Tchier de Borée procure ainsi une vraie respiration dans la vie trépidante que nous menons, une pause salutaire pour penser autrement. Aucune autre vérité que la sienne n’est inscrite dans la roche, alors à vous de trouver la vôtre.

Un pays rude
En ces contrées, le climat est rude mais la nature magnifique. D’ailleurs, le nom du village correspond à celui d’un vent du nord. Dans la mythologie grecque, il est fil d’Eos, la déesse de l’aurore, et d’Astréos, un des Titans. Il est le frère de Zéphyr, vent d’ouest, Euros, vent d’est et Notos, vent du sud ; à eux quatre ils forment la rose des vents. Homère a évoqué la violence de Borée. Elle est à l’image du climat hivernal qui règne sur le territoire de la montagne ardéchoise et de Borée où souffle aussi la burle, un autre vent du nord. Par contre, au printemps et en été, le ciel se pare d’un bleu intense et inonde le village d’une lumière pure. A mille cent cinquante-deux mètres d’altitude, au pied du Mont Mézenc dont le point culminant est bel et bien en Ardèche et non en Haute-Loire, ce petit village vit vraiment au rythme des saisons. Enfin, notons qu’ici est née la Violine de Borée, une pomme de terre à la peau noire et à la chair violette, au goût de châtaigne et de noisette. Mais ça, c’est une autre histoire…

Voler avec le vent
« Un pays qui rêve est un pays qui vit ». Voici l’argument qui a donné naissance à l’École du Vent dans la petite commune de Saint-Clément, un peu plus haut en montagne. Ce lieu, tout à la fois instructif, ludique, scientifique et poétique propose une immersion dans les univers de Léonard de Vinci, de Jules Verne, d’un muséum d’histoire naturelle et même… d’Harry Potter. Une scénographie interactive aborde tous les thèmes liés aux différents vents : comment et pourquoi ils soufflent, comment s’en protéger, comment les oiseaux l’utilisent, l’homme et son envol, l’énergie du vent, les murmures et les chants des vents. Pour guider les visiteuses et visiteurs, la légende du peuple du vent qui apprenait autrefois aux enfants de la montagne à voler de leurs propres ailes !
(http://www.ecole-du-vent.com)

Pratique
Où ?
Borée est un petit village entre le Gerbier de Jonc et le Mont Mézenc. De la place de l’église on peut admirer, sur la pente en face, le Tchier.
Comment s’y rendre ?
Depuis le centre du Borée suivre la petite route en direction de Chanéac. Le Tchier se situe dans la première pente sur la droite, en aval d’une statue de la Vierge. Se garer plus haut et revenir sur le site à pied en deux minutes.
Comment visiter ?
La visite du Tchier de Borée est libre. Un espace au-dessus du site permet de se garer. Ensuite, bien refermer le portillon une fois entré. Il est préférable de s’y rendre quand le soleil n’est plus au zénith afin que ses rayons obliques donnent du volume aux gravures des pierres.
A voir, à vivre à côté
Le plan d’eau de Saint-Martial, village à deux pas de Borée, propose plage et baignade surveillée en été, jets d’eau ludiques, location de pédalos et paddles et plein d’autres surprises pour passer un agréable moment (www.st-martial.com).
L’ascension du Gerbier de Jonc, culminant à 1551m d’altitude, et sources de la Loire, offre un point de vue remarquable sur les montagnes ardéchoises et les hautes terres. La montée est raide mais peu longue et le sentier est aménagé (www.gerbier-de-jonc.fr).
Texte et clichés : Bruno Auboiron