Tout commença sur les bancs de l’école primaire de Cruas à la fin des années soixante-dix. L’instituteur était alors Christian Orjas, titulaire indiscuté de l’équipe de France d’athlétisme, version "lancer du disque" à l’époque où le sport olympique vivait encore au rythme de l’amateurisme. Sur le banc de cette école, l’élève Jean-Luc Ales admirait le contenu d’un colis apporté par le facteur. Derrière le carton épais : l’équipement complet de l’athlète pour une prochaine compétition en URSS… C’est de ce jour que Jean-Luc Ales, tout jeune lutteur, connut une attirance irrépressible pour les maillots, chaussures, ballons et autres accessoires liés aux sports… Au terme de sa carrière de lutteur, en 1987, cet homme commença à collectionner des objets appartenant à ses amis sportifs en prévision de la création d’un futur musée. Nous avons rencontré Nicolas Guerraz, le guide du musée: "Jean-Luc Ales est un vrai passionné qui a voulu poursuivre sa vie au cœur du sport après la compétition. Il a réussi à convaincre les sportifs à laisser un témoignage et ainsi à donner vie à son projet."
Initialement installée dans un espace étroit du centre culturel André Auclair, la collection unique de trois cents objets s’expose désormais sur près de trois cents mètres carrés au deuxième étage du tout nouveau centre culturel Louis Aragon. Un magnifique écrin pour des objets qui retracent l’évolution des sports, des matériaux, des records, des trophées, qui évoquent les joies et les peines des sportifs de haut niveau. Tout l’esprit du musée est là, entre ballons ou maillots, de l’ancêtre en cuir cousu ou en coton épais au contemporain adoptant les matériaux les plus performants. "L’évolution du matériel a accompagné l’évolution des performances, poursuit Nicolas Guerraz. Il suffit de les comparer pour comprendre comment les athlètes ont su se libérer des contraintes matérielles pour s’envoler vers de nouveaux records. Et puis au Musée des Sports, on prêche aussi la connaissance et le respect des valeurs de sport, l’accessibilité pour tous avec par exemple, le monde handisport."
Derrière une vitrine, on pourra être surpris par la présence d’un maillot jaune porté par le sulfureux Lance Armstrong lors de l’étape Albi-Mende du septième Tour de France. Et c'est fort intelligemment que les responsables du musée et les scénographes font parler ce maillot qui explique le problème récurrent du dopage, la tricherie et la déchéance du pseudo champion. L’équilibre et la vérité sont ainsi rétablis. Dans cette vitrine, d’autres objets emblématiques racontent leur histoire, dont la pagaie de Tony Estanguet.
Une autre vitrine à la gloire des sportifs locaux, une évocation du rugby et des champions de France de La Voulte en 1970, un vestiaire où, entre autres, le rugbyman Sébastien Chabal livre ses petits secrets d’avant match sur fond de son maillot de l’équipe de France qu’il portait lors du match contre l'équipe de la redoutable Nouvelle-Zélande, en 2007. Plus loin, les souvenirs, bateaux et dossards, de la famille Peschier, père et fils. Les surprises ne manquent pas au fil de la visite. Et comme des pauses récréatives, trois éléments interactifs ponctuent la découverte. La première est un écran face auquel le visiteur joue au champion de descente à skis. Deux parcours, un lent et un rapide : sur ce dernier le record est détenu par Cyril Moré, ancien skieur et champion olympique handisport à Sydney en escrime et donateur au musée. Qui battra ses trente-trois secondes ? L'autre attraction fait pénétrer un stade virtuel où défilent sur l’écran les temps forts du sport dans tous ses états, du poing levé de Jess Owens face à Hitler, lors des Jeux Olympiques de Berlin, en 1936, à la finale de la Coupe du Monde de football en France, en 1998. Enfin pour ceux qui veulent détrôner un instant Nelson Montford, parrain du musée, la cabine de commentateur offre la possibilité de vivre une finale du cent mètres derrière le micro. De quoi vivre des moments intenses et amusants à la fois !
Nicolas nous confie que Jean-Luc Ales est toujours à la recherche d’objets et d’éléments pour enrichir les collections du musée. Il est vrai que la question du renouvellement des vitrines se posera un jour pour que le lieu conserve son attractivité, mais bien sûr pour l'instant elle est prématurée. Des conférences, des débats et même des expositions temporaires pourraient aussi être imaginées pour parler du sport autrement qu’à travers des objets, aussi emblématiques et chargés de symboles soient-ils. Ne doutons pas que dans son nouvel écrin, le Musée des Sports sache grandir et attirer toujours plus de spectateurs, visiteurs et...donateurs.