Le compagnonnage

Article paru en octobre 2014
Mis en ligne en juillet 2022

Pendant cinq années en moyenne, ils parcourent les ateliers et les chantiers, de ville en ville pour apprendre la maîtrise des gestes justes. De simples artisans, ils deviennent souvent de véritables artistes de leur profession.
 

Autrefois on le voyait sur les routes, bâton en main, rejoindre une nouvelle ville, un nouvel atelier. Les Compagnons représentaient une catégorie à part dans l’univers des artisans. Ils obéissaient à des règles strictes, ils étaient solidaires entre eux. Pour les plus anciens, on se souvient du feuilleton télévisé « Ardéchois cœur fidèle » évoquant la vie de l’un d’eux, dans années 70. Mais surtout il faut avoir lu le roman de George Sand « Le Compagnon du Devoir » pour mieux appréhender ce milieu autrefois fermé.
Aujourd’hui, l’évolution de la société oblige, le Compagnonnage n’est bien sûr plus ce qu’il était au Moyen Âge, mais cette association ouvrière poursuit toujours les mêmes buts : former des jeunes, les envoyer sur le Tour de France afin d’en faire des professionnels de haute valeur technique et… morale.

Le parcours d’un jeune décidant de franchir la porte du Compagnonnage se déroule en trois temps. Il entre tout d’abord en apprentissage. À l’issue de cette période, il débute son Tour de France. Le futur Compagnon devient itinérant ; ils sont environ trois mille en ce moment sur le Tour de France, contre deux fois plus d’apprentis. Dans les premiers mois, il découvre le principe de la vie en communauté dans les Maisons des Compagnons, où il est logé et nourri. Il bénéficie des échanges fructueux entre les résidents de passage, se perfectionne dans différents domaines en plus de son travail à temps plein, dans une entreprise. Son emploi du temps est bien rempli.
Après quelque temps, il réalise un travail prouvant ses capacités professionnelles et il passe du statut d'« adopter » à celui d'« aspirant ». La transmission des savoirs est la raison de vivre du Compagnonnage. Ainsi, s'exprime Éric Kayser, Compagnon boulanger : « Pour moi, ce qui fait l'homme, c'est son apprentissage, un parcours de patience, de partage et de passion. L’important, c’est d’avoir envie de découvrir, de s’intéresser aux choses. J’ai beaucoup reçu et je trouve essentiel de transmettre tout cela. C’est ça le Compagnonnage.»
Pendant cinq années, l’« aspirant » passe d’atelier en atelier pour découvrir et acquérir des techniques et des coups de main qui lui sont encore étrangers. Et lorsqu’il a atteint un certain niveau de compétence, il présente son travail de réception. Il devient alors Compagnon et poursuit son Tour de France. « Dans mon métier de couvreur, parcourir la France est indispensable car chaque région a ses spécificités : l’ardoise dans l’ouest, la tuile dans le sud, explique Marc Linotte, Compagnon couvreur. En passant six mois dans chaque ville, j’ai pu comparer et essayer différentes techniques. Une expérience enrichissante professionnellement, humainement et culturellement. » Quand il le décide, le Compagnon peut se sédentariser. Il en avertit son corps de métier et peut ouvrir son propre atelier. Il devient un « ancien » du Tour de France, mais pour toujours reste Compagnon du Tour de France. Il œuvre alors à son tour à la transmission en accueillant des jeunes dans son atelier s’il le souhaite, en assurant des cours du soir au sein de la Maison des Compagnons la plus proche.

Notre monde semble moins vaste que celui d’hier et les échanges sont infiniment plus aisés et plus rapides. Le Tour de France peut ainsi s’offrir des crochets de plus en plus fréquents à l’étranger et l’itinérant apprend une seconde langue en plus de la culture du pays choisi et des techniques d’ailleurs. Sur un document de présentation, on peut lire : «  Cette ouverture internationale permet aux jeunes d’apprendre l’adaptabilité au sein de différents postes de travail alors qu’au fil de son Tour, on lui confie de plus en plus de responsabilités : de simple exécutant, il devient encadrant. »
À la fin de leur parcours d’itinérance, les Compagnons sont désormais des ouvriers aux compétences grandement recherchées. Mais beaucoup créent leur propre entreprise et surtout, tout en continuant de se former toute leur vie, ils transmettent leur savoir-faire et les valeurs du Compagnonnage que sont le partage, la solidarité et la générosité. Plus que l’apprentissage d’un métier, le Compagnonnage offre un apprentissage de la vie !
 
Quelques chiffres
Plus de 10 000 jeunes sont accueillis en formation chaque année.
3 000 effectuent leur Tour de France, dont 400 fréquentent l’étranger.
38 000 entreprises sont partenaires du Compagnonnage.
98% des Compagnons trouvent un emploi à l’issue de leur formation.
88% de réussite au CAP.
140 points d’accueil sont à disposition des Compagnons, dont 52 Maisons et 40 centres de formation d’apprentis.
Plus de 600 bénévoles accompagnent les 1 800 salariés, dont 350 professeurs d’enseignement général et 400 formateurs, à la disposition des Compagnons.
27 métiers, répartis en 5 grandes familles, sont enseignés.
Juste quelques exemples :
Fabriquer : forgeron, mécanicien, chaudronnier…
Équiper : cordonnier, maroquinier, électricien…
Aménager : ébéniste, peintre, jardinier, tapissier…
Élaborer : boulanger, tonnelier…
Construire : charpentier, maçon, tailleur de pierre, métallier…
 
Adresse
Les Compagnons du Devoir du Tour de France, 82 rue de l’Hôtel de Ville, 75180 Paris cedex 04
01 44 78 22 50 / www.compagnons-du-devoir.com
Les Maisons des Compagnons dans notre région sont : Villaz (Haut--Savoie), Saint-Égrève (Isère), Pont-de-Veyle (Ain), Saint-Étienne (Loire) et Lyon (Rhône).
Il n’en existe ni en Ardèche, ni en Drôme.
 
Texte et clichés : Bruno Auboiron