Le chemin des 5 sens

Article paru en juillet 2023
Mis en ligne en juillet 2023
L’art en nature
 

Un musée sans son toit, sans ses murs, une galerie accessible à toutes et tous, un voyage inattendu au pays des rêves, des émotions : le chemin des Cinq Sens, réalisation originale de l’artiste Guy Chambon, est un peu tout cela à la fois. Mais il est davantage encore car il propose un subtil mélange de patrimoine, de nature, de souvenirs d’enfance de l’artiste pour une initiation tranquille à l’art. Il fallait oser. C’est magnifique de sensibilité !


Le sentier débute par quelques installations traduisant les souvenirs de la jeunesse rurale de l’artiste. Ainsi cette suite de visages grimaçants pour signifier la dureté du travail des femmes et des hommes de la campagne ; les sculptures rappelant la douleur et la fatigue. Un petit texte en donne les détails. A peine plus loin, Guy Chambon convoque la mémoire d’un ancien chasseur de fourrures qui lui permettait de l’accompagner lors du relevage de ses pièges pour une présentation évoquant la capture d’un animal monstrueux… Mieux que montrer le visible, il s’agit là de faire vibrer la corde sensible en suggérant l’invisible. Mon ressenti me pousse à croire qu’il ne s’agit pas des cinq sens tels que nous les comprenons ordinairement, mais plutôt du sens que nous donnons à nos pensées, à nos actes.

Cette idée de sentier des Cinq Sens s’est concrétisée en 2003 avec la mise en situation des premières oeuvres de l’artiste. Puis, les années suivantes, Guy Chambon invita des amis artistes et plasticiens pour compléter, étoffer la proposition. Aujourd’hui, plus de cinq cent -cinq sens ?- œuvres ponctuent le parcours, plus de mille personnes viennent chaque année les admirer.

Les enfants des écoles du secteur, sous la houlette de l’artiste, sont associés à la démarche :  leur travail créatif trouve place dans une galerie de portraits, mimant la peur et la dérision, à l’endroit même où Guy Chambon connut ses premières frayeurs. Il explique : « Enfant je venais ici ramasser les châtaignes, du bois mort, des feuilles sèches tout en surveillant un petit troupeau de vaches, chèvres et moutons. Que de terreurs j’éprouvais dans cette châtaigneraie. Des pas suspects dans les feuilles mortes, des craquements de branches, un être invisible me guettait. Des loups sans doute… Plus tard j’appris que c’étaient des merles qui grattaient pour chercher leur nourriture. » Avec un peu de chance vous arpenterez ce secteur par vent fort qui fera craquer les branches des châtaigniers et quelques pins au-dessus de vos têtes, recréant l’ambiance de l’enfance de l’artiste.

Au bout de ce chemin se trouve le premier musée dont les cimaises sont les troncs des résineux, musée sous les frondaisons, elles-mêmes sous la voûte étoilée. Quelle idéale disposition pour vivre l’art ! Il y a tant à voir que d’abord le regard ne sait où se fixer. Puis des souvenirs aussi, racontés au fil des œuvres. L’étonnement passé, place à la fascination. Mais je ne vais pas vous en dire davantage, il faut percevoir par soi-même pour que le plaisir soit intense. Ah si, juste un dernier mot sur les totems, bras le long du corps, qui se dressent régulièrement le long du sentier. Chacun est dédié à la reproduction d’une œuvre d’un·e artiste reconnu·e afin de montrer l’étendue des possibilités de l’expression picturale. Ses reproductions sont peintes à hauteur du ventre car c’est peut-être là, au creux des tripes, plus que dans la tête, que se cache ce que chacun vit de façon intime et qui est de l’art. A vous de le découvrir !

Et passe le temps
Après vingt ans de présence pour certaines, les œuvres s’abîment. Peintures, modelages, sculptures et autres assemblages subissent les assauts du temps. Les voir ainsi suscite une vraie émotion. Année après année, les créations s’évertuent à distribuer du rêve à celles et ceux qui les contemplent. Elles continuent à offrir alors qu’elles sont en souffrance, un peu plus chaque jour. Rien ne dure jamais, rien n’est éternel ; il y a donc une réelle urgence à emprunter ce chemin des Cinq Sens avant que des œuvres ne soient plus qu’un doux et merveilleux, mais toutefois regretté, souvenir.

Une vie d’artiste
Guy Chambon a passé son enfance à Saint-Christol, baigné de ruralité et de traditions paysannes. Il est désormais retraité de l’Education nationale où il fut maître formateur en arts plastiques. Il est intervenu dans de nombreuses écoles pour donner le goût du beau aux élèves. Pleinement investi dans la pratique et la création artistique, peinture et sculpture depuis 1964, il a exploré de nombreuses techniques : collage, huile, acrylique, modelage, encre… Le chemin des Cinq Sens est peut-être l’œuvre globale qui lui ressemble le plus.

Pratique
Où ?
Le chemin des Cinq Sens se déploie en trois boucles de différentes longueurs dans la forêt et sur les hauteurs de Saint-Christol, en rive droite du Talaron puis dans celle du Fau, dans la vallée de l’Eyrieux à proximité du Cheylard.
Comment s’y rendre ?
Depuis Le Cheylard, il faut suivre la direction de Saint-Barthélémy-le-Meil puis Saint-Christol. Se garer près de la mairie ou après le pont vers le cimetière du village. Le chemin débute tout de suite après le pont sur la gauche.
Comment visiter ?
L’accès à ce chemin est totalement libre. Les trois boucles proposées sont parfaitement balisées. Néanmoins, il est impossible de tout visiter, découvrir en une seule journée, une seule boucle. Ce chemin des Cinq Sens est une invitation à revenir et revenir encore.
(https://www.destination-parc-monts-ardeche.fr/decouvrir/a-pied/le-chemin-des-5-sens-n16/)
A voir, à vivre à côté
Visites guidées thématiques ou visites libres du château de La Chèze, magnifiquement restauré, dont les quatre imposantes tours dominent depuis le XIIIe siècle la ville du Cheylard.
(www.ardeche-hautes-vallees.fr/patrimoine-culturel/chateau-de-la-cheze/)
De Saint-Agrève ou de Lamastre jusqu’à La Voulte-sur-Rhône, la Dolce Via offre un peu moins d’une centaine de kilomètres de voie verte sécurisée longeant la vallée de l’Eyrieux. A faire en descente pour jouir sans effort du paysage somptueux de cette vallée. (www.dolce-via.com)

Texte et clichés : Bruno Auboiron