La serpentaire

Article paru en septembre 2016
Mis en ligne en juillet 2022

Les histoires simples sont souvent celles qui s'accrochent le plus à notre mémoire, sans doute pour nous rappeler que dans ce quotidien préoccupant, notre être affectif se nourrit souvent de douceur et de tendresse. Les histoires simples sont souvent celles qui s'accrochent le plus à notre mémoire, sans doute pour nous rappeler que dans ce quotidien préoccupant, notre être affectif se nourrit souvent de douceur et de tendresse.

A Saint Alban-Auriolle, Olivier est sollicité, un jour, par l'un de ses voisins afin de l'aider à construire un garage auprès de sa maison. Equipé d'une mini-pelle il s'attèle à la besogne, et dégage d'abord une première couche de terre arable avant de s'attaquer aux fondations. Le tas de terre est ainsi entreposé à l'écart, et Olivier remarque qu'il vient d'arracher en surface une plante bizarre, composée d'un tubercule et de quelques feuilles rabougries. Dans un premier temps il reprend la plante, l'observe, puis dubitatif la rejette sur le tas de terre. Le soir, pris de remords mais surtout de curiosité, Olivier la récupère afin de la replanter près de chez lui. "Juste pour voir! " se disait-il.
Protégé par un sommaire cadre de bois, le végétal s'est développé naturellement dans le jardin. Contre toute attente, c'est en février que la plante a pointé le bout de son nez, donnant naissance à une serpentaire.
De son nom scientifique Dracunculus vulgaris (dont la fleur fait penser à une langue de dragon crachant le feu) la serpentaire est une plante méditerranéenne, bulbeuse produisant 3 à 4 feuilles aux limbes verts foncés. Il en existe très peu dans la région. Proche des arums, elle en garde habituellement le même développement : plante vivace de la famille des aracées dont la culture s'effectue en pleine terre en septembre ou en octobre pour offrir une magnifique floraison de 8 à 10 jours en mai ou juin. L'inflorescence a lieu la nuit et, à la fin de l'été la plante produit une baie rouge, toxique. Le naturaliste italien Pline l'Ancien comparait cette plante à une vipère dont elle gardait le même cycle de vie et dont la teinte lui rappelait celle d'une peau de serpent après la mue.
Au sortir de terre, l'étonnant végétal développe d'abord une sorte de tige zébrée qui se déroule et s'épanouit ensuite en feuillures de 50 à 70 cm et dont l'épi central présente un curieux spadice presque noir pouvant atteindre 80 cm entourant une spathe pourpre velue, en cône ouvert. Cette plante originale attire la curiosité, à la fois par sa fleur pourpre et son feuillage abondant. Des insectes et principalement des mouches se pressent pour envahir son cœur et c'est donc en spectateurs curieux que nous suivons naturellement le mouvement afin de venir humer son parfum s'annonçant capiteux. Une odeur pestilentielle se dégage alors de la plante ; une forte odeur de charogne... "Elle pue ! Mon Dieu, mais qu'elle pue ! "
Texte et clichés : Henri Klinz