Un lieu de vie où on prend le temps.
La Ravigote, grande maison en bois écologique, accueille dans des conditions optimales de soins et d’écoute celles et ceux qui ne se sentent pas très bien, qui ont besoin de soins, qui ne peuvent plus vivre chez eux. La Ravigote est un lieu pour retrouver le goût et la joie de vivre, ensemble, un habitat partagé et accompagné.
Pour bien comprendre l’histoire de la Ravigote, il faut garder en mémoire l’expérience professionnelle de ses fondateurs. Françoise Desailly et Olivier Neyrand ont travaillé toute leur vie en qualité d’infirmière et d’éducateur spécialisé. Au cours de ces années, ils furent témoins, tout comme l’aide-soignante Christiane Boissin qui les a rejoints dès le début de l’aventure de la Ravigote, de l’inexorable dégradation humaine et sociale de leurs métiers. De plus en plus de tâches administratives et de moins en moins de temps pour s’occuper des personnes : voilà le constat que rapidement ils firent d’une situation qui ne pouvait leur convenir sur le long terme. « Juste deux exemples pour illustrer cette dégradation, déclare Olivier. La toilette d’une personne nécessite au moins trente minutes, aujourd’hui l’Agence Régionale de Santé ne prend en charge qu’entre sept et douze minutes. En 1990, dans mon travail d’éducateur responsable d’une structure, je disposais de quatre-vingts pour cent de mon temps pour accompagner mes équipes, dix ans plus tard je n’en avais plus que vingt pour cent, le reste étant occupé par des tâches administratives de plus en plus lourdes. »
Face à cette dégradation, qu’ils refusèrent, ils décidèrent de créer un lieu, de construire le plus écologiquement et le plus économiquement possible, une maison où ils seraient en capacité d’apporter soins et écoute en fonction des besoins des personnes accueillies et non d’un barème comptable. Ainsi, ils donnèrent naissance à la Ravigote et les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, de sclérose en plaque, en chimiothérapie, en convalescence suite à un accident ou une maladie, trouvèrent là un accueil à la hauteur de leurs besoins, de leurs attentes.
« Nous sommes partis de l’idée qu’il nous fallait le moins de contraintes possible, poursuit Olivier. Nous avons tout d’abord eu l’idée de nous installer en famille d’accueil. » Bien sûr les difficultés et les non sens administratifs ponctuèrent le chemin de leur projet, mais ils ne se découragèrent pas. Avec ce statut, ils ne pouvaient pas travailler en équipe et surtout leurs compétences professionnelles n’étaient pas reconnues. Un comble !
Françoise et Olivier vivaient dans la maison où ils accueillirent pendant trois ans une quinzaine de personnes. Ils furent grandement aidés par Christiane. « L’idée était et est toujours de recevoir des personnes en grande difficulté de santé, explique-t-elle. Ce sont des personnes qui n’ont pas leur place ou ne veulent pas aller en maison de retraite, des personnes qui ne peuvent ou ne veulent plus vivre dans leur propre maison. »
À l’issue de cette expérience unique et réellement précurseur, voilà que l’heure de la retraite a sonné pour Françoise et Olivier. L’heure de la transmission de la Ravigote aussi. Depuis un an le site n’accueille plus personne, le temps de se poser et de réfléchir à la suite, de reconstruire le projet autour d’une nouvelle équipe. Bien sûr les deux co-fondateurs ne quittent pas le navire, ils restent bénévoles, mais ils ne vivent plus sur place. « Pendant ces trois ans, nous voulions prouver que notre projet était viable, insiste Olivier. Les personnes accueillies ont retrouvé le goût de vivre, l’envie d’être actives dans la mesure de leurs moyens. Nous avons toujours respecté leur dignité sur le chemin qu’elles choisissaient et nous avons ainsi accompagné dans les meilleures conditions quelques-unes d’entre elles jusqu’au bout. Et si nous apportons des bienfaits aux personnes accueillies, elles nous donnent beaucoup humainement, énormément. »
Aujourd’hui une nouvelle équipe est en place, prête à prendre le relais. Pendant dix-huit jours au moins de juin, une période d’essai fut programmée avec cinq personnes pouvant potentiellement être accueillies. Ce fut un succès. Et donc à partir du dix octobre, la Ravigote va revivre de ses cinq personnes accueillies et de ses six accompagnants assurant une présence tous les jours et toutes les heures. « La vie à la Ravigote est un grand partage, se réjouit Christiane. Tout le monde, personnes accueillies et accompagnants, assument les tâches de la vie quotidienne d’une maison pour un mieux vivre ensemble et retrouver du lien social. Il en est de même pour les familles et les amis des personnes accueillies qui passent le temps d'une visite. Ce n’est pas utopique, ça fonctionne. Nous voulons privilégier le temps retrouvé avec chaque personne. Je vis ici mes plus beaux moments professionnels, mais en fait je ne devrais pas parler de profession mais de moments de vie. On ne peut pas être ici sans mettre beaucoup de cœur et d’humanité. »
Un film pour faire savoir
Réaliser un film documentaire sur l’existence et la viabilité de la Ravigote permettra de secouer les consciences sociales et politiques, de faire en prendre en compte qu’il existe une autre voie de la solidarité et de l’accompagnement de la maladie, la vieillesse, le handicap et même la fin de vie. Ce film, réalisé par Irène Sinou, est une mémoire de ce que fut la Ravigote et une porte ouverte sur ce qu’elle sera, deviendra. Il raconte la genèse de cette magnifique initiative et sa transmission. Il est un document de travail et un outil de communication facilement diffusable… La réalisatrice aimerait pousser plus loin l’idée en réalisant un film documentaire de cinquante-deux minutes à diffuser à la télévision.