Il est bien difficile de s’imaginer la réalité de la majesté du château de Borne tant les assauts du temps ne l’ont pas épargné. Fort heureusement, une importante campagne de restauration, réalisée en 2002, lui a donné son allure actuelle qui n’en est pas moins impressionnante. A peine décollé du rocher, le donjon se dresse, altier, sur le flanc d’une haute pente rocheuse. Deux bâtiments annexes de chaque côté du donjon carré, le logis et l’aula, sorte de grande pièce à vivre, ont retrouvé meilleure aspect. Au pied du donjon sont encore visibles les traces de la présence d’un très modeste bourg castral.
Ce château occuperait ce site depuis le XIIe siècle. Un document certifie sa présence. Cet acte de donation du lieu des Chambons pour la création d’une abbaye est signé, dans le château, par Guillaume de Borne en 1153. Moins d’un siècle plus tard, Gaucelin de Borne rend hommage au sénéchal de Beaucaire, représentant du roi de France, pour la moitié du château et du territoire de Borne. Un différend oppose ensuite Gaucelin et son frère Garin au seigneur Randon de Châteauneuf, ce dernier accusant la fratrie de l’avoir spolié du château et des biens rattachés. Plainte fut déposée auprès du sénéchal de Beaucaire qui ordonna la restitution du château de Borne et de tous ses biens. Les deux frères ne se soumirent pas aux termes du jugement. Ce fut par la force des armes, avec le soutien des troupes royales, que Randon de Châteauneuf recouvra sa possession. Par la suite, se succédèrent procès et chicaneries entre le roi de France et les descendants des seigneurs de Châteauneuf et de Borne pour savoir qui était le possesseur légitime du château. De surcroît, les abbés des Chambons, de plus en plus puissants, prirent part aussi à la querelle…
Déambuler dans les ruines de ce château, goûter à la fraîcheur entre les murailles et la falaise, s’asseoir et imaginer la vie quotidienne au Moyen Âge sur le site et à ses pieds : voilà une occupation tout à fait conseillée au cœur de l’été. Et, pour conclure cette sortie : un rafraîchissement dans la Borne au pied du château -attention baignade non surveillée- avant de gagner la crête et le col de Meyrand pour admirer les lumières de la fin de la journée et le ballet des parapentes !
De bas en haut
Des profondeurs des gorges de la Borne au col de Meyrand, ouvert à tous les vents, les paysages des environs du château ruiné de Borne sont magnifiques et envoûtants. Évoquons tout d’abord la Borne. Cette rivière aux airs de torrent sauvage et parfois capricieux, prend sa source au col de la Croix de Bauzon. Juste après le hameau des Chambons, là où se dressait autrefois l’abbaye du même nom, elle pénètre des gorges très resserrées. Petit à petit la rivière s’est dessinée un environnement typiquement cévenol, une merveille naturelle préservée. Les gorges s’ouvrent au pied du château en un dernier gour où il fait bon se baigner. Après une trentaine de kilomètres, la Borne se perd dans les eaux du Chassezac entre Pied-de-Borne et Sainte-Marguerite-Lafigère ; un autre site dont la visite est hautement préconisée. Plus haut, le col de Meyrand est un incontournable des Cévennes ardéchoises. Le panorama est exceptionnel depuis cette hauteur venteuse ; une table d’orientation se situe en contrebas. L’envol des parapentes, et plus loin les grimpeurs s’accrochant au Rocher de Coucoulude, offrent un spectacle à couper le souffle.
Une abbaye oubliée
En amont des gorges de la Borne sur le territoire de la commune éponyme, l’abbaye des Chambons n’est plus, et depuis longtemps, qu’un vague souvenir. Il n’en reste rien, ou si peu, à peine le tracé au sol de l’abbatiale et de quelques bâtiments, des pierres de réemploi dans les murs des maisons du village. Abbaye dalonite, tout d’abord puisque l’abbaye des Chambons était fille de l’abbaye de Dalon, en Dordogne, puis cistercienne, ce site religieux connut son heure de prospérité, malgré la présence proche d’autres abbayes comme celles de Mazan ou de Bonnefoy. A l’instar de ses voisines, l’abbaye des Chambons, abbaye de montagne, possédait un vaste territoire et des « granges », ou établissements secondaires, dans la plaine autour d’Aubenas entre autres… La Révolution sonna le glas pour les sept moines encore présents en 1792. Le curé de Saint-Étienne-de-Lugdarès évoque ce départ en nommant les moines : Dom Marubert, Joly, les frères Dupuy, Bresson, Favier et Pagès, mais l’homme d’Église a oublié de mentionner leur destination !