Et ils sont nombreux à fréquenter son sentier de découverte qui parcoure différents milieux très caractéristiques.
Au cœur de la forêt, on trouve un arboretum dont la création ne remonte qu’à 1994 et qui rassemble de nombreuses essences au cœur d’un ancien bois seigneurial. Le principe de l’arboretum est né l’année où Christophe Colomb traversait avec succès l’océan Atlantique. En effet, le plus ancien est l’arboretum de Trsteno, aux environs de Dubrovnik, en Croatie. Sa présence est attestée en 1492, mais malheureusement les ravages de la guerre de l’ex-Yougoslavie à la fin du XXe siècle ne l’ont pas épargné. Il est aujourd’hui en partie détruit.
Le pin laricio
Outre l’aspect de découverte pédagogique avec l’étiquetage de chaque arbre, qu’il soit exotique ou local, certains arboretums assurent désormais la mission de préservation et de sauvegarde d’essences menacées de disparition pour cause d’atteinte à leur environnement. « Il est important, aujourd’hui comme hier, de mieux connaître les arbres et de sauver les essences qui risquent de disparaître, souligne Eric Hampton, dendrologue. Les arbres ont beaucoup à nous apprendre et à nous offrir et nous, nous ne les épargnons guère. »
Parmi tous ces arbres remarquables, le pin laricio de Corse offre un visage plus que séduisant au lieu-dit la Pierre Plantée, au sommet de cet itinéraire de découverte. Ici les arbres sont d’une fort belle taille et les troncs s’élancent d’un seul jet droit vers la lumière. Cet arbre montagnard et méditerranéen tout à la fois apprécie le terrain profond, légèrement acide et sableux de Bois Laville. Cette essence fut introduite il y a fort longtemps et sur le site de la Pierre Plantée les pins laricio font l’objet d’un classement : « Leurs graines porteuses de qualités génétiques très intéressantes sont susceptibles d’être utilisées pour le bois d’autres secteurs du sud-est de la France », précise le panneau d’information.
Un arbre partageur
Un tapis d’aiguilles sèches recouvre le sol de cette forêt, mais la caractéristique des aiguilles du pin laricio est de ne pas être trop agressives pour le sol. Alors, sous leur couvert, peuvent germer et pousser quelques arbres d’essences différentes essayant à leur tour de se frayer un chemin vers la lumière. On y trouve le chêne pubescent dont le tanin contenu dans son écorce a servi de matière première aux tanneries privadoises. Ses glands, comme les châtaignes des châtaigniers, servaient de nourriture aux porcs et aux moutons que guidaient les bergers oubliés désormais dans la forêt. Compagnon du chêne, le châtaignier était autrefois considéré comme un arbre fruitier. Au fil du temps et de l’exode rural certains vergers sont devenus des forêts. Aujourd’hui les abondants fruits de ces deux arbres sont fort appréciés de la faune sauvage.
Il n’y a pas que le tapis d’aiguilles de pin au sol, en maints endroits les blocs de grès percent la surface. Le grès est un assemblage de grains de sable cimentés par la silice. Ces grains proviennent de l’érosion des roches cristallines formant le cœur d’une chaîne de montagnes aussi hautes que celle de l’Himalaya, il y a 300 millions d’années. Ce sable se retrouva au bord d’une lagune fréquentée par des reptiles des temps très anciens dont on retrouve les empreintes fossilisées sur les blocs de grès d’aujourd’hui… Ce grès est un excellent matériau de construction que les hommes surent habilement exploiter et dans la forêt de Bois Laville on peut encore voir des traces de l’exploitation de la pierre, exploitation intense au XIXe siècle.
Un agréable terrain de jeu
Si les enfants s’amusent à bâtir des cabanes-abris autour des grands troncs des pins, bien précaire architecture éphémère, la forêt est surtout un refuge pour la faune sauvage. Autour des discrets points d’eau de la forêt, salamandre tachetée et triton palmé s’activent la nuit sur terre ou dans l’eau car ils sont amphibiens. Dans le feuillage, le pic épeiche tambourine sur le bois sec, nerveusement pour s’attirer les faveurs d’une femelle ou chasser un autre mâle, plus doucement pour extraire les larves du bois dont il se nourrit. Cet oiseau partage les troncs d’arbre avec l’écureuil qui fait son régal des graines abritées dans les pommes de pin. Enfin sanglier et chevreuil animent la forêt au crépuscule ou à la nuit tombée…
La faune sauvage, après le départ des visiteurs bipèdes, s’emparent à nouveau de l’espace de cette forêt humanisée, ses sentiers parfaitement entretenus et ses panneaux d’informations pour apprendre la forêt. Mais même au cœur de la nuit en pleine nature on entend toujours les bruits de la circulation. En marge de l’exploitation de son bois, la forêt représente un lieu de loisirs pour l’homme, une respiration. C’est une autre forme d’exploitation de la nature : que peuvent bien en penser les arbres de Bois Laville ?