La Cuma de Ladenne

Article paru en janvier 2017
Mis en ligne en juillet 2022

Cet atelier collectif de transformation de fruits et de legumes, permet à une vingtaine de producteurs locaux de fabriquer eux-mêmes leurs produits, mais aussi de défendre une certaine idée de l'agriculture.
 

Il est 10h du matin, Aurélia jette des pommes dans la trancheuse ; ells retombent immédiatement découpés dans un grand seau. En fait, elle prépare de la compote qu'elle vendra ensuite sur les marchés. Aurélia est une des 25 adhérents de la CUMA de Ladenne. Elle a réservé l'atelier de 170m² pour la journée et dispose de tout le matériel nécessaire pour transformer sa cueillette. Sans cet atelier communautaire, elle ne pourrait pas avoir accès à un équipement aussi performant.
 
Qu’est-ce que la Cuma ?
C’est un réseau de cooperatives d’utilisation de matériel agricole. Elle doit fournir du matériel à ses adhérents qui s'engagent à l'utiliser. Les statuts de la Cuma, ainsi que son règlement intérieur prévoient les modalités d'utilisation du matériel par chaque adhérent. Les agriculteurs, depuis longtemps, ont l'habitude de travailler et d'acheter du matériel en commun, car le coût ne serait pas supportable par une seule exploitation. Elle ouvre à de petits exploitants, notamment ceux qui s'installent comme Aurélia, l’accès facile à la mécanisation. En plus d’offrir un cadre juridique, en optimisant l'utilisation du matériel et en participant à maintenir une agriculture à taille humaine, elle devient un acteur du développement durable.

Comment ça marche ?
Ici, à Jaujac, l’atelier est équipé pour transformer exclusivement des fruits et des légumes. Il dispose d'une chambre de congélation de 15 m² pour le stockage, de deux autoclaves pour la stérilisation des bocaux, d'une presse à châtaigne permettant d'obtenir de la pulpe à partir de fruits non épluchés et, depuis un an, d'un four de décorticage de châtaignes et d'une machine sous videuse. En 1999, lors de la création de la structure, l'achat du matériel a représenté 50% de l'investissement initial qui s'élevait à 62 000 euros. La chambre de congélation, à elle seule, a coûté 11 500 euros. À l'époque, une poignée d'agriculteurs se sont regroupés pour partager la facture ; la Région et l'Europe ont aussi mis la main à la poche.  Ces exploitants avaient depuis plusieurs années, l'idée de se regrouper pour créer un atelier collectif. Mais, dans un premier temps, ils ont dû renoncer à leur projet, faute de local, jusqu'à ce que la mairie de Jaujac rachète les murs de l'ancienne usine de Castrevieille. Ils ont alors sauté sur l'occasion pour louer à la municipalité une partie des locaux, afin d'y aménager la CUMA.

Du producteur au consommateur
Quand on demande à Alain Maréchal, un des créateurs du lieu, pourquoi il s'est lancé dans l'aventure, il répond sans détour : "La culture, ça ne rapporte rien, ce qui rapporte, c'est la transformation." Il ajoute: "Et puis on voulait aussi maîtriser ce qu'on faisait."  C’est vrai, l'atelier permet aux producteurs d'avoir la main sur leur produit du début à la fin, même si cela demande plus de travail, puisqu'il faut produire, transformer et vendre. À l'origine du projet, l'idée de commercialiser en commun a été envisagée, mais vite abandonnée, car elle supposait d'uniformiser les produits. Un agriculteur qui confie sa production à un transformateur, perd en partie la main sur la façon dont elle est conditionnée. "L'intérêt de faire ses propres produits ici, particulièrement pour la crème de châtaignes, c'est que chacun fait sa recette comme il l’entend, explique Alain Maréchal. Il y a des produits très différents qui sortent de l’atelier." On trouve notamment de la pâte de châtaigne au chocolat, différents chutneys, des cuirs de fruits, (une compote de fruits déshydratés), des sorbets et des pâtés végétaux. Le profil des producteurs qui fréquentent la CUMA est lui aussi très diversifié. Ils sont, pour la plupart, labellisés bio. On trouve notamment des maraîchers qui viennent faire de la soupe et des coulis, des producteurs de châtaignes, des propriétaires de chambres d'hôtes, qui aiment préparer de bons produits pour leur table, une exploitante aussi qui valorise les fruits non récoltés, une autre qui ne confectionne que des produits avec du safran. Ils ont tous en commun la vente de leur production en circuit-court.
La châtaigne représente la moitié du chiffre d'affaires de la société coopérative et… ça se bouscule un peu en automne ! "C'est la période la plus difficile" nous dit Alain Maréchal. "Il y a tout ceux qui travaillent leurs châtaignes, parce qu'il y a des ventes et les marchés de Noël aussi un peu partout, il y a une grosse demande à cette période". En trois mois, il faut transformer toutes les châtaignes. L'année dernière, ça représentait six tonnes de fruits.
 
En France, une CUMA est un type particulier de sociétés de service, une société coopérative agricole, régie par les dispositions du Code rural, ayant pour objet de mettre à la disposition de ses adhérents (4 minimum), du matériel agricole, et des salariés.

La création des CUMA
A la fin de la 2eme guerre mondiale, l’agriculture française s’organise pour se redéployer. Le 12 octobre 1945, la loi sur les coopératives d’utilisation de matériel agricole est promulguée. Le mois suivant, la fédération nationale des Cuma est créée. Les Cuma, avec l’appui des pouvoirs publics (accès facilité aux matériels du Plan Marshall), sont un outil de réorganisation de l’économie agricole de l’après-guerre.
Dans les années 1950, les Cuma se réorganisent : responsabilisation des adhérents, formation à la gestion et au suivi  et entretien du matériel… Entre 1990 et 2000, La protection de l’environnement et la mécanisation raisonnée s’imposent dans la démarche Cuma : meilleur service, utilisation collective de tracteurs, organisation du travail, conception de logiciels de diagnostic des charges de mécanisation...

Aujourd’hui
Les nouvelles problématiques et enjeux environnementaux conduisent certains agriculteurs en Cuma à réaliser des actions avec des voisins et à s’investir dans certains projets de développement local. Des réorganisations sont mises en place : fusion, échange et mutualisation… La loi d’orientation agricole introduit depuis 2006, la possibilité pour les Cuma d’exercer une activité de groupement d’employeurs. La Cuma s’affirme comme un outil d’organisation collective du travail (matériel et main d’œuvre, salariée ou non) par la mutualisation, en proximité, des besoins des agriculteurs…
Bibliographie
Que sont les Cuma ?  Jean Pierre Carnet, L'information citoyenne, éd l'Archipel, 2005
Les compétences professionnelles dans l'innovation. Le cas du réseau des CUMA Philippe ASSENS- 2002
 
Adresse et liens
Cuma de Ladenne
Castrevieille
04 75 89 16 21
Site : cuma.fr

 
Texte et clichés : Bruno Auboiron