Que ce soit sous le chapiteau installé à Meyras ou dans un gymnase ou même dans un lieu plus improbable, les acteurs de "l’Art d’En Faire" portent les arts du cirque comme une bannière pour l’éducation de tous. Loin de n’être qu’une posture, les actions qu’ils développent au quotidien prouvent le bien-fondé de leur credo.
Entre le cirque traditionnel, se pratiquant en famille et qui est une succession de numéros, et le cirque contemporain, le grand écart n’y suffirait pas. Le cirque contemporain est né dans les années soixante-dix avec la création des premières écoles par des grands noms du cirque comme Fratellini ou encore Gruss. Il reprend les mêmes activités en y ajoutant des disciplines d’expression comme la danse et le théâtre. Ainsi, le cirque contemporain raconte une histoire et affiche résolument son aspect éducatif.
C’est dans cette ligne que s’inscrivent la vie et le cirque de Sébastien Chevallaz, directeur de l’Art d’En Faire. D’origine suisse, cet artiste a grandi en région parisienne où il s’initia à l’animation et à la pratique du cirque contemporain dans les années quatre-vingt-dix. Il fonda à Clichy-sous-Bois sa première école, l’Atelier du Cirque, et pendant une dizaine d’années, il porta la bonne parole de l’éducation populaire par le cirque.
"J’ai toujours plaidé pour sortir le cirque de la case divertissement et insisté pour mettre l’accent sur sa mission éducative et la valorisation de chaque pratiquant, nous dit-il. J’ai quitté la région parisienne, car j’ai fini par me rendre compte à quel point rien ne bougeait sur le fond, malgré tous les efforts consentis."
Le cirque social, école de la vie, n’est pas une évidence pour tout le monde. Pourtant, il existe pléthore d’exemples de cirques sociaux, dans le monde : dans les favelas du Brésil, en Irlande, en Argentine, en Afrique-du-Sud. Alors pourquoi pas en France ? Loin de se décourager, Sébastien poursuit sa route qu’il jalonne de valeurs auxquelles il croit, et reste d’une sincérité sans faille.
Après quelques années de travail sur le terrain, l’Art d’En Faire est désormais une école de cirque agréée "Ecole de cirque de qualité" par la Fédération Française des Écoles de Cirque, reconnue d’intérêt général, adhérente à la Fédération des Œuvres Laïques d'Ardèche, et enfin agréée Association Jeunesse et Éducation Populaire. Forts de ces reconnaissances, les six artistes et éducateurs, tous dûment formés aux arts du cirque, de l’animation et du handicap, proposent des ateliers, des stages et des séjours pour tous, des projets éducatifs dans les domaines scolaires, périscolaires, du handicap, de l’insertion et du social. "Nous travaillons aujourd’hui en collaboration avec vingt-neuf partenaires sur du long terme et parfois plus ponctuellement, se réjouit Sébastien Chevallaz. À chaque fois nous suivons le même processus. Nous analysons les envies et les besoins de chaque public et les caractéristiques du groupe et ensuite en fonction de cette analyse, nous établissons un programme adapté, avec toujours en finalité la production d’un petit spectacle. Notre capacité d’adaptation est une grande force."
École de cirque itinérante car ne possédant pas de locaux à demeure, l’Art d’En Faire doit constamment adapter aussi ses programmes en fonction des lieux qui l’accueillent. Ainsi, il n’est pas toujours possible de s’appuyer sur les pratiques aériennes qui pourtant sont source d’une grande confiance en soi. "Le cirque est une pratique récente dans le paysage ardéchois, affirme notre interlocuteur, et il est nécessaire que nous trouvions notre place." Pratique jeune, parfois qualifiée de marginale, et, pourtant la demande est forte de la part non seulement des parents, mais aussi des enseignants. Et quand les enfants ont goûté aux joies du trapèze, du mât, du jonglage, ils en redemandent. "La pratique du cirque, c’est pousser son corps hors des limites classiques pour épater, impressionner, enchérit Sébastien Chevallaz. Chez nous, en plus, on soigne l’aspect artistique et la valorisation de chacun, en guidant vers la pluridisciplinarité."
Certes les frontières sont poreuses entre les disciplines, mais tous ne se sentent pas à l’aise dans tous les domaines et comme il est hors de question qu’un enfant ou un adulte se retrouve en situation d’échec, chacun avance à son rythme sous l’œil toujours bienveillant des membres de l’Art d’En Faire dont la mission est aussi de rendre le cirque accessible à tous.
Dès ses débuts dans le cirque Sébastien fut convaincu qu’il était possible d’ajuster cet outil pour pratiquer un cirque adapté aux différents handicaps. Concrétisant cette pensée, l’action Handicirque trouve désormais sa place dans cette école du cirque. Bien sûr, tous les types de handicap pourraient être concernés, mais le travail est ici réalisé pour et par des handicapés mentaux. Ce travail est basé sur l’intervention dans les structures et l’intégration de ce public au sein de groupes de personnes valides. "Le ressort de cette action autour du handicap, c’est avant tout le vivre et faire ensemble, la rencontre et le partage, l’acceptation de l’autre tel qu’il est et l’apprendre à être avec lui, déclare Sébastien Chevallaz. Rien n’est impossible à qui sait attendre, chacun son rythme, chacun son cirque." Et même si pour monter des projets de ce type, ô combien salutaire, c’est toujours le parcours du combattant, l’Art d’En Faire ne baissera jamais les bras, tellement les bienfaits d’Handicirque sont probants. Cette école a même signé une convention avec le Département pour animer un réseau de professionnels sur ce thème afin de faire avancer plus vite cette initiative. "Il y a tant à faire pour le cirque en Ardèche que les prochaines années ne seront pas ennuyeuses", conclut Sébastien Chevallaz.