On est à Saint-Sernin. Les sabres volent au-dessus des têtes et autour des corps qui dansent sur le tatami. Déplacements glissés et équilibre maîtrisé, le ballet du kenjutsu anime le dojo. Cet art martial méconnu du plus grand nombre d’entre nous, pousse aux limites la connaissance et la maîtrise des techniques du combat au sabre, à la lance, au couteau et même à main nue. Des samouraïs japonais des siècles passés, aux pratiquants d’aujourd’hui, les gestes sont bien restés les mêmes. Seule la finalité a fort heureusement changé… il n’est bien sûr, plus question d’occire son adversaire, mais d’acquérir la confiance et la maîtrise de soi, et une certaine sérénité aussi. « Ici nous pratiquons vraiment l’art du sabre, précise Françis Toulza. En fait, nous apprenons à lutter sans tuer. Beaucoup d’arts martiaux pratiquent le sabre, mais la différence avec nous, c’est que nous allons au plus loin de la technique, comme pour se préparer à un véritable combat.»
Le kenjutsu est arrivé en France après la Seconde Guerre mondiale grâce à un maître japonais qui l’avait déjà transmis en Belgique. Dès le début, il s’est ouvert une quinzaine d’écoles. Considéré comme un art, et non un sport à l’image du judo ou du karaté, le kenjutsu répond à des codes précis et une hiérarchie incontournable. Aujourd’hui, il ne reste que trois écoles en France, une dans l’est, une dans la région parisienne et celle chez nous, de Saint-Sernin. L’exercice est exigeant, voilà peut-être la raison pour expliquer ce petit nombre de pratiquants. « Dans ce dojo, depuis trois ans, nous sommes une quinzaine à pratiquer cet art, explique Françis Toulza. Ce sont des passionnés, à tel point que souvent, ils nous demandent de donner des cours, même pendant les vacances scolaires. » Ces cours sont ouverts aux filles, mais elles sont trop peu nombreuses. Et parions que Ma Bastide va changer la donne, parce que de l’aveu même des responsables du club, elles présentent des qualités que les garçons ne possèdent pas ou moins, tels la souplesse dans les déplacements, le centre de gravité plus bas, la capacité à réfléchir rapidement à deux actions ou situations à la fois... Les pratiquants apprennent les techniques de base, ensuite à chacun de se forger sa personnalité au combat, en traduction de son cheminement intérieur.
Cet art martial impose une concentration maximale. Souvent les néophytes pensent uniquement à l’aspect combatif de la pratique, mais bien vite, ils découvrent les richesses de cet art martial. Tout est dans l’harmonie des mouvements amples et arrondis et le secret réside dans le fait de toujours regarder les yeux de son adversaire pour ne jamais perdre la notion de l’espace. « Si on regarde le sabre de son adversaire, il peut nous leurrer, assure le maître. En le regardant dans les yeux, on devine ses intentions, ses déplacements et les mouvements du sabre. » Pour parvenir à ce résultat, une concentration maximale est nécessaire. Cette dernière apporte la sérénité et le calme. Le respect de l’adversaire et d’un code moral accompagne l’enseignement qui se décline inévitablement dans la vie quotidienne. À chaque cours, les adversaires sont différents, jamais les mêmes, car toujours on apprend de l’autre et les plus aguerris prennent en charge les nouveaux venus, un peu comme dans une famille. » En rond sur le tatami, les dix dernières minutes du cours sont consacrées à la méditation en adoptant différentes poses. Retour au calme assuré avant le salut final, sabre délicatement déposé devant soi… Dans les yeux de chacun se lit l’impatience d’être déjà à la prochaine séance.