Travail de la terre en famille.
Représentant la cinquième génération à la ferme, des trois enfants de Gisèle et Alain Riffard, Hélène est la seule à vouloir assurer la continuité du travail familial à la terre. Depuis quatre ans, elle mène son troupeau de chèvres tout en aidant son père à la vigne, alors que sa mère travaille avec elle à la fabrication des fromages. Enfin bref, une histoire de famille !
Un vieux et imposant chêne domine la cour où se dressent des tunnels verts de l’exploitation Riffard. Ici, dans la plaine d’Alba-la-Romaine, pas de bâtiments anciens ou de vieilles pierres séculaires. Entre les vignes et les pâturages trop secs, la ferme Riffard a grandi tunnel après tunnel au rythme de son développement, en marge de la maison familiale. Un tunnel pour les chèvres, un pour les moutons et les autres pour abriter le foin et le matériel. Sorti de l’école agricole dans les années soixante-dix, Alain voulait reprendre la ferme en fermage de ses parents, en développant l’élevage et en plantant de la vigne. Mais le propriétaire s’opposa à cette orientation qu’il jugeait aventureuse, alors Alain, le papa d’Hélène, est allé travailler à l’usine voisine d’Aubignas. En 1995, il récupéra suffisamment de terres qu’il façonna enfin à son idée et sur la base de l’exploitation de ses parents, il s’installa en 2002. Aujourd’hui il conduit avec soin ses quinze hectares de vigne et son troupeau de quatre-vingt moutons, sans compter les agneaux.
Des trois enfants Riffard, seule Hélène manifesta donc l’envie et la volonté de rejoindre ses parents à la ferme : « Quand j’étais petite, je ne savais pas ce que je voulais faire. J’adore les animaux, alors j’allais des fois aux moutons, mais la vigne ne m’attirait pas du tout, ni les tracteurs. Mais en sachant que mon père était déjà en place, c’était plus simple pour moi d’envisager mon installation. Je savais qu’on travaillerait tous ensemble, en famille. »
Après ses études au lycée agricole d’Aubenas et l’obtention d’un BEP, un stage dans un élevage de deux cents chèvres, elle a rejoint ses parents en 2014 au GAEC (Groupement Agricole d’Exploitation en Commun) du Vieux Chêne, en référence à l’arbre de la cour. Aussitôt, la chèvrerie et le laboratoire trouvèrent leur place sous… un nouveau tunnel !
La centaine de chèvres, de race Alpine car plus rustiques, et les trois Saanen (ou blanche de Gessenay), toutes blanches gambadent sur les terres alentours dans la luzerne et le sainfoin. Deux fois par jour, matin et soir, elles regagnent la salle de traite. Tous les matins Hélène avec sa maman, travaillent à la traite et à la transformation du lait en fromages. « Au départ, je ne voulais m’occuper que des chèvres, mais depuis, petit à petit, j’ai pris goût à la vigne, explique Hélène. Et puis, je me suis bien vite rendu compte que si la diversité des activités nous donnait plus de travail, elle nous assurait une meilleure garantie de revenus. » Le matin aux chèvres, l’après-midi à la vigne, les journées d’Hélène sont bien remplies. « J’ai été surpris que ma fille veuille faire ce métier, car petite, elle ne traînait pas volontiers dans l’exploitation, s’étonne encore son père. Je ne l’ai ni encouragée, ni découragée pour reprendre, car ce n’est pas un métier facile, surtout pour une femme. Mais je suis heureux que les choses soient ainsi. »
Est-ce un cliché d’affirmer que le monde agricole n’est pas tendre aux filles, même si elles sont nées dedans ?
Hélène est la seule fille à pratiquer l’élevage sur la commune d’Alba-la-Romaine contre quatre en viticulture. Et sur les six filles des dix-huit élèves de sa classe lorsqu’elle était au lycée agricole, elle croit savoir qu’elle est la seule à travailler la terre aujourd’hui.
Hélène s’attache à ses chèvres, elle les a même baptisées. Elle souhaite leur conserver leurs cornes ; elle soutient que c’est avant tout plus naturel, et aussi qu’elles sont plus belles ainsi et puis que les accidents et les blessures ne sont pas si fréquents.
Ses fromages sont en appellation picodon. Les deux tiers de sa production sont livrés à un affineur et le reste part réparti entre un restaurateur de Meysse, deux traiteurs de Viviers et Montélimar, et en vente directe à la ferme et au marché d’Alba-la-Romaine, bien sûr. « Faire du picodon cela nous impose de nombreux contrôles, nous affirme Hélène, et l’évolution constante des normes à respecter, pas toujours très judicieuses d’après nous, est un réel handicap. Et puis, il y aurait tellement à dire sur la politique agricole et les primes » ajoute son père.
Au mois de mars prochain, cela fera déjà quatre ans qu’Hélène vit de l’élevage de ses chèvres. Ne pas avoir de vacances et être à son compte ne l’empêche nullement de mener une vie sociale riche, comme n’importe quelle jeune femme de son âge. Elle peut et sait gérer son temps.
« Sans la structure familiale existante, je ne me serais jamais installée, car l’investissement aurait été beaucoup trop important pour moi. Aujourd’hui, grâce à ma famille et mon travail, je vis un beau métier et je suis vraiment heureuse », conclut Hélène.
C’est tout ce qu’on lui souhaite !