Francis Gerö

Francis Gerö est né en Haute-Savoie, il y a un peu plus de cinquante ans. À l’âge de treize ans, il découvre la musique, la guitare et les premiers groupes entre copains, repiquant les œuvres de Genesis, The Doors, Jimi Hendrix… " Mon père jouait du bugle au sein d’une fanfare et il avait ramené une guitare à la maison. C’est moi qui l’ai récupérée, j'en jouais comme ça, d’instinct." À seize ans, son univers musical s’est élargi autour du style jazz-rock. C’est à ce moment qu’il estime nécessaire de se former au solfège.

Il aurait aimé réaliser son rêve, celui de devenir musicien professionnel. Malheureusement, il ne put intégrer un cursus musical scolaire, alors il trouva un travail pour financer personnellement ses cours particuliers auprès d’un guitariste, de la classe "guitare classique" du conservatoire de Genève. Il finit même par décrocher un travail en Suisse, au plus près de ses lieux de formation. Cinq années de guitare classique, de cours d’improvisation, six heures quotidiennes de pratique de son instrument, lui offrirent une technique pointue, affirmée et une belle maîtrise de l’écoute, de l’harmonie et de l’impro.

Son passage obligé sous les drapeaux lui fit perdre son permis de travail helvète. Alors, Francis débarqua en Ardèche, chez ses parents. Ses parents, maman née au Maroc et son papa aux origines croisées hongroise et slovaque, ne sont sans doute, inconsciemment, pas étrangers à son envie de flirter avec les musiques du monde. Mais n’allons pas trop vite… Il profita de cette nouvelle étape dans sa vie pour se former à la pédagogie et à la transmission musicale auprès des enfants. Il enseigna au CEMA d’Aubenas, avant que celui-ci ne porte ce nom ; puis il rencontra Dominique Dumont pour un duo de guitares ayant pour thème la musique d’Amérique du Sud. Il explique : "Je n’ai jamais voulu m’enfermer dans un style musical, j’ai évolué en jazz, musique tzigane, flamenco." Francis Gerö, guitare contre son cœur, papillonne. Et il agit avec la création artistique comme avec la musique. Il s’amuse, sérieusement, avec les danseurs, les poètes, les conteurs. À chacun, il offre sa musique. Il rencontre, il partage, il vit pleinement son art et la vie qu’il s’est tracée, forgée.

En 1993, changement de cap, il arrête l’enseignement pour donner libre cours à la création musicale, pour appliquer une peinture sonore sur les décors façonnés par l’imaginaire des artistes avec lesquels il collaborait.  Il raconte pourquoi : "Ce qui m’intéressait à l’époque et aujourd’hui encore, c’était la recherche de timbres, d’harmonies et de couleurs pour souligner le travail de création, plus que la recherche de la mélodie juste, explique notre musicien. Bien sûr, la guitare reste mon instrument privilégié, mais je me suis intéressé à de nombreux autres qui m’offraient des sonorités inédites, des pistes à explorer." Ces recherches et ces découvertes furent donc à l’origine de son envie de voyage, à la découverte des musiques du monde. Ce furent les traditions liées à ces instruments nouveaux qui le guidèrent. Il s’est nourri des influences du flamenco, de la bossa, des accents des musiques orientales sans jamais plonger intégralement dans la technique pure de ces styles. Françis Gerö ne s’interdit rien, mais il connaît ses limites : "Pour véhiculer une musique traditionnelle, je crois qu’il faut en avoir vécu la culture d’origine et parler la langue du pays, estime-t-il. Le phrasé de la musique du peuple est intimement lié avec le rythme et les intonations de la langue. Alors, j’épouse les influences, mais pas le style en profondeur. Et ça me nourrit."

Cet état d’esprit a toujours poussé Francis vers la posture du musicien au service des autres. Parfois il en a souffert, de ce manque de reconnaissance. Il y a trois ans, il a estimé que le temps était venu pour lui de franchir une nouvelle barrière. Être seul sur scène. Jouer au service des autres est confortable émotionnellement, même si ce manque de reconnaissance est bien souvent au rendez-vous. Jouer seul est comme une thérapie, pour acquérir une certaine confiance en soi. "J’étais dans la dynamique de monter un spectacle pour enfants avec tous mes instruments, et je me suis retrouvé à mener une intervention dans un collège de Toulouse sur le thème de la musique du monde. L’idée du Son du Voyage est née ainsi. J’ai écrit les mélodies tout en conservant les influences et caractéristiques liées aux instruments présentés." Oud, dan tranh et autre arc à bouche ou encore ukulélé ; sa maîtrise de la musique a fait le reste pour les apprivoiser. "Je me sers en grande majorité de percussions et d’instruments à cordes pincées, explique-t-il. Pour les instruments à vent, j’ai moins de feeling."

Aujourd’hui ce ne sont ni les projets, ni les propositions qui manquent à Francis Gerö, mais le temps. Il est confronté à des choix. Doit-il poursuivre en solo le Son du Voyage ou en duo ? Doit-il mettre l’accent sur le public scolaire pour ce voyage musical ? Il a également travaillé un spectacle déclinant dix pièces pour guitare classique et six pièces pour l'oud... on le sait, il n’est pas simple de vivre de sa passion. Ce qui fonctionne bien aujourd’hui pour lui, c'est le trio de musique fado, avec la chanteuse Talia et le guitariste Dominique Dumont. Car si Francis papillonne de musique en musique, il sait être fidèle envers ses partenaires.
"Je suis dans une période de transition, conclut-il. Je dois arriver à me poser pour réfléchir à mon avenir." Espérons que le fruit de cette réflexion le guidera bientôt sur une scène locale pour que nous puissions nous laisser embarquer au fil de ses notes, rythmes et harmonies.