Fanny Montoya

Article paru en avril 2017
Mis en ligne en septembre 2022

Un troupeau de chèvres, deux vaches et deux ânes, quelques poules et des chats à profusion, Fanny Montoya vit en bonne compagnie au milieu d’un océan de verdure.
 

Quelques bâtiments collés les uns aux autres, comme perdus au milieu du plateau, des prés et des sapinières, balayés par le vent… Elle est loin la Provence natale de Fanny Montoya. Elle est loin, mais Fanny aime ces rudes terres ardéchoises où la vie se mérite et offre de beaux moments. Née sous le soleil, Fanny mesure la valeur de cette vie en Montagne Ardéchoise, ses hivers de neige et de burle, ses étés radieux aussi. « La solitude ne me pèse pas, assure-t-elle. La neige ne me fait pas peur, je l’ai apprivoisée. J’aime quand elle tombe en abondance et que je me retrouve bloquée chez moi. Je vis dans une zone touristique et en été, je vois vraiment beaucoup de monde passer à la ferme, alors cela ne me dérange pas de me mettre en hibernation en attendant le printemps. » Il est vrai qu’entre les soins aux animaux et la traite matin et soir, la fabrication du fromage, faire le bois et le foin en prévision de l’hiver, assurer les permanences dans les magasins de producteurs, les journées passent vite tout au long de l’année.

Après l’obtention du baccalauréat, Fanny passe un brevet de technicien supérieur agricole à Dignes-les-Bains. Elle s’offre ensuite une pause à la découverte de l’Australie et de la Corse, car elle sait que plus tard, elle sera clouée sur place à cause des exigences que demande un troupeau. De retour de voyage, tout en cherchant une ferme de préférence dans le Massif Central pour d’évidentes raisons financières, elle est embauchée dans une ferme pédagogique à Quissac, dans le Gard. Pendant deux années elle fera office de chevrière et d’animatrice. « Dès le début de mes études agricoles j’avais l’idée de monter ma propre ferme pédagogique, nous déclare-t-elle. À Quissac je me suis rendue compte de la réalité du terrain et j’ai beaucoup appris sur la conduite d’un troupeau de chèvres et à la fabrication des fromages. »

Ses recherches d’un port d’attache rural, guidèrent ses pas jusqu’à Mazan-l’Abbaye, à la porte de la ferme d’un couple vivant et travaillant de façon assez marginale. L’heure du repos bien mérité avait sonné, la ferme était à reprendre. « Je n’étais jamais venue ici, mais tout de suite j’ai été séduite, lance Fanny. J’ai travaillé six mois avec eux, à leur côté, tout en habitant au village. Cette vie correspondait à mes attentes. Ce couple m’a transmis tout ce qu’il fallait savoir et malgré l’écart de cultures et les différences de générations, ce fut un beau partage. » À l’issue de cette période de transition, Fanny s’installe à la ferme en juillet 2006. Treize hectares de terre en propriété et vingt-et-un en location, c’était plus qu’il ne lui en fallait. Elle modèle le troupeau à sa façon en apportant un bouc de race des Pyrénées afin de croiser ses chèvres de race Alpine, pour que les chevrettes à venir proposent un lait plus gras et donc plus fromageable. « Désormais mes chèvres supportent mieux le froid et l’humidité et avec la même quantité de lait je peux faire plus de fromages, sourit Fanny. » Vingt-cinq chèvres, deux vaches pour varier ses productions et à l’étude, déjà très avancée, une gamme de savons au lait de chèvre, car selon notre paysanne, la diversification est la seule voie à suivre.

Debout au milieu de ses chèvres, Fanny rayonne. Elle les connaît toutes par leur petit nom et toutes répondent à son appel. Câlines et parfois un brin sournoises pour quelques unes, les échanges entre le troupeau et la chevrière sont emprunts d’affection. Même ses deux vaches, dont l’une se trouve à la retraite et attend dans les prés une fin paisible, et ses deux ânes pour l’entretien des terrains les plus ingrats, répondent à leur nom. « Je suis chaque année en rupture de production, je vais donc agrandir mon troupeau, déclare Fanny. Mais pour cela je vais devoir construire une nouvelle chèvrerie en bois et isolée avec de la paille. Il faudra sans doute aussi que j’envisage la construction d’une nouvelle fromagerie. » Fanny ne manque pas de projets, mais la vie des paysans en montagne n’est jamais simple. Ses capacités d’investissement sont réduites et l’évolution de sa ferme va doucement. Elle n’a pas oublié son désir de ferme pédagogique, mais il s’agit là d’un rêve inaccessible pour l’instant. Dans une dizaine d’années peut-être…
Les fromages de Fanny ne sont pas labellisés « bio », mais elle les travaille comme s’ils l’étaient. D’ailleurs pourquoi faire autrement, elle est autonome en foin sans apporter le moindre engrais à ses prés de fauche et tout est naturel, à la ferme, chez elle. Ses fidèles clients le savent bien, et ces trois lettres « b-i-o » ne lui apporteraient aucune valeur ajoutée supplémentaire. Aujourd’hui, après avoir fréquenté les marchés des villages, elle privilégie les magasins de producteurs. Elle travaille en collectif au col de la Chavade et Mende et bientôt Langogne. Elle aime ce contact avec les autres paysans et de ce contact, chacun bénéficie d’une solidarité et d’un partage salutaires. Car si Fanny ne craint pas la solitude des hivers du plateau, elle apprécie quand même la compagnie de ses semblables !
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Fanny Montoya
Fromagerie
Les Bois
07510 Mazan-l’Abbaye
06 15 37 41 45
 
Texte et clichés : Bruno Auboiron