Bernard Ferment

Article paru en avril 2014
Mis en ligne en juin 2022

Bernard Ferment est peintre décorateur. S’il ne se définit pas comme artiste mais plus comme technicien de l’art, il n’en maîtrise pas moins à la perfection des couleurs et la matière pour donner vie à des intérieurs pour s'y sentir bien et pour redonner leur éclat passé à ceux des bâtiments classés Monument Historique.

Cet homme au sourire franc a acquis ses connaissances en passant par les Beaux Arts d’Avignon, puis les Arts Décoratifs avant de travailler sur des chantiers où l’histoire se mêle intimement à l’art. Aujourd’hui le métier de Bernard Ferment se décline en deux facettes : la décoration des intérieurs pour les particuliers et la restauration des intérieurs des Monuments Historiques. De son propre aveu, il y a une trentaine d’années les chantiers dans ces derniers étaient beaucoup plus nombreux que chez les particuliers. Désormais la tendance s’est grandement inversée, même si en ce moment il œuvre dans un château ardéchois. « Le travail pour les Monuments Historiques impose d’avancer dans le respect de ce que nos prédécesseurs nous ont laissé en héritage, explique-t-il. C’est-à-dire que mon intervention doit remettre en valeur ce patrimoine sans jamais le dénaturer. Cela impose la mise en œuvre de techniques bien précises et réfléchies. » Cela n’exclut nullement les interventions sur les bâtiments, églises ou châteaux, qui ne sont pas classés et dont l’intérêt patrimonial n’est toutefois pas à négliger. Souvent les communes ardéchoises ne savent pas à quel spécialiste s’adresser alors qu’elles en possèdent un tout à côté.

Malheureusement le monde la restauration des Monuments Historiques a changé avec la décentralisation et aujourd’hui pour obtenir une mission, il ne suffit pas toujours d’exceller dans son métier. Alors Bernard Ferment a mis ses compétences aux services des particuliers. Imaginez votre cuisine aux murs en plâtre ciré comme cela se faisait en Italie au XVIIe siècle. La cire pigmentée est déposée en cinq couches au minimum et lustrée à la main. Elle pénètre dans le plâtre en profondeur et plus le temps passe, plus la patine révèle la beauté de cette technique. « Au XIXe siècle les salles à manger étaient très souvent peintes dans les tons de rouge car cette couleur dynamisait la digestion, précise Bernard Ferment. Ce n’est plus à l’ordre du jour, mais il est indiscutable que les couleurs jouent un rôle fondamental dans notre quotidien. » Fort de ce constat, Bernard Ferment s’emploie à toujours appliquer la bonne couleur au bon endroit en prenant en compte l’éclairage ambiant de la pièce. Par exemple, le vert est à proscrire dans une salle de bains au profit de tons chauds très légers ou de tons froids si le mobilier se pare de ces tons chauds. Tout comme les rouges sont bannis des chambres pour profiter d’un sommeil apaisé.

« Quand je rencontre les gens, mon premier travail est d’abord de les écouter et les comprendre. Ensuite je propose mes conseils, mon expérience. Si le projet initial ne me semble pas sur la bonne voie, le plus difficile est de les guider vers le mieux sans qu’ils aient le sentiment d’être dépossédés de leur projet. Oui, c’est vraiment le plus difficile. » Le temps de la discussion peut être long avant de débuter un chantier car tout doit être pensé et prévu dans les moindres détails. Il faut que les gens se sentent bien dans leur nouveau décor. « Quand le Feng Shui est apparu chez nous, je m’y suis intéressé et j’en ai adopté les principes avec bonheur, souligne Bernard Ferment. Je continue d’apprendre tous les jours car travailler avec les vibrations des couleurs demande une grande connaissance et une bonne dose d’humilité. »

Bien sûr par conviction, notre artisan ne travaille que des matières naturelles. Et d'après lui, les gens y sont de plus en plus sensibles. Ainsi les enduits sont à base de blanc de Meudon, blanc d’Espagne, plâtre de Paris et colle de peau de lapin. Comme il faut que l’enduit soit en parfaite osmose avec son support, il en adapte la composition à chaque fois. Quant à ses peintures, elles sont à base de chaux patinée à l’eau forte (lait de chaux). Les cires aussi sont naturelles. Le tout est coloré uniquement avec des pigments minéraux, végétaux et d’origine animale. « Je ne pèse jamais mes pigments, je travaille à la nuance près et je vais bien au-delà de la gamme chromatique établie en fabriquant des nuances intermédiaires. Je suis capable de retrouver n’importe quel ton. » Quand Bernard Ferment met la dernière touche à une pièce, il sait qu’il n’aura pas à y revenir avant une trentaine d’années. Il a donc intérêt à toujours trouver de nouveaux chantiers. Certes le bouche à oreille fonctionne bien, mais cela ne l’empêche pas de participer à différents salons, comme Aubenas, Valence ou Alès. Et puis ces chantiers ne se limitent pas à notre département. Il lui arrive de descendre jusque sur la Côte d’Azur. Vivre de sa passion nécessite d’être mobile et Bernard Ferment ne manque pas de dynamisme…
 

Transmettre

Bernard Ferment a formé huit jeunes à son métier et leur a transmis ses connaissances. Chacun est resté entre quatre et six ans en sa compagnie. Parmi eux, cinq ont poursuivi dans cette voie, dont un travaille à la création de décors pour le théâtre, le cinéma et la télévision (feuilleton « Plus belle la vie »). Trois ont pris une autre direction. Bernard Ferment explique : « Pour faire ce métier, il ne suffit pas d’être un bon technicien, il faut posséder une solide base culturelle afin que cela devienne une passion. Il faut être toujours curieux et s’intéresser à l’histoire de l’art et bien d’autres thèmes. Si le jeune se montre dans ces dispositions et qu’il est demandeur, alors là je lui donne tout ; mais on ne fait pas boire quelqu’un qui n’a pas soif. »
Texte : Bruno Auboiron
Clichés : Collection Bernard Ferment