Amandine Roux

Article paru en octobre 2017
Mis en ligne en juin 2023

Chevrière par passion.
 
Il faut d’abord monter sur les hauteurs de Montselgues, village battu par les vents, puis franchir le col de Teste Rouge à mille soixante-dix-neuf mètres d’altitude pour enfin découvrir, lover au creux d’un repli de la montagne, bien à l’abri, le hameau de Pradon. La dernière maison est la bonne, c’est d’ailleurs la seule habitée à l’année. Amandine Roux nous y attend.
 

À priori, rien ne prédestinait Amandine Roux à se retrouver ici, entre landes et prairies, en pleine pente. Elle était préparatrice en pharmacie et son ami Vincent exerçait le beau métier d’ébéniste. Petit à petit ils façonnaient leur vie, au cœur du Vaucluse à deux pas de leur famille. Et un jour, un déclic, la révélation. "Suite à un bilan de compétence, je me suis rendu compte que la seule passion de ma vie se développait autour des chèvres, raconte Amandine. Ces animaux exercent une forte attraction sur moi, dès mon plus jeune âge. J’aime leur intelligence, leur affection. Je suis amoureuse de mes biquettes. Elles ont toutes un prénom, je les caresse et leur parle tout le temps. Et elles me le rendent bien."
 

En 2012 prenant à bras le corps sa nouvelle orientation professionnelle, Amandine fut embauchée auprès d’un troupeau de trois cents chèvres à Buoux dans le Vaucluse. Là, une chevrière lui apprit la traite et la garde du troupeau. "J’ai vraiment le feeling avec les chèvres et ça m’a toujours facilité le travail reconnaît Amandine et ajoute en souriant : "je crois qu’on se comprend elles et moi, vraiment." Poursuivant sa formation elle regagne une fromagerie toujours en Vaucluse où elle apprit les secrets de la transformation du lait. Elle y découvrit aussi de nombreuses techniques d’élevage.
  
Finalement en plein accord avec Vincent, Amandine décida de passer au stade supérieur en s’installant à son propre compte. Quelques recherches sur internet et ils arrivèrent un beau jour au hameau de Pradon à Montselgues, face à une ancienne ferme inhabitée depuis 1968. Ils vinrent et revinrent encore pour se familiariser avec le site. Cinquante-sept hectares de terrain dont une dizaine en prairies pâturables immédiatement, quelques bâtiments réaménagés auxquels, jouxtera une fromagerie neuve et fonctionnelle. " Nous avons cherché à nous installer en Drôme provençale, mais le foncier était inaccessible et puis, ici l’avantage est que l’altitude nous garantit de l’herbe tout l’été, appuie Amandine. Nous avons repris l’activité du dernier occupant de la maison, mais je voulais m’installer dans de bonnes conditions pour pouvoir travailler d’une manière durable. À l’automne 2014 nous avons signé l’achat, en janvier 2015 nous commencions les travaux et en mars les premières chèvres arrivaient."
 
Après deux années, les quarante-deux chèvres de race alpine chamoisée arpentent les parcs clôturés sur la montagne. Deux ânes achèvent le travail en mangeant ce que les chèvres délaissent, ainsi l’entretien des prairies est assuré. Toute l’herbe disponible est mangée à la belle saison, Amandine achète son foin dans la plaine de la Crau, proche de la Camargue. Elle pense que cette démarche est plus rentable à long terme que d’investir dans du matériel et aussi du temps, pour la fenaison. En complément, elle leur donne de l’orge et du maïs, céréales produites sans aucun traitement en Ardèche. Ses chèvres sont écornées pour, nous a-t-elle assurés, leur éviter tout stress dus aux éventuelles blessures… Une fois par jour, le matin, les chèvres passent à la salle de traite et tout de suite le fromage est produit. " Mon choix était de ne pas produire des fromages type picodon, tout le monde en fait ici, explique-t-elle, mais plutôt comme le Pélardon, un fromage un peu crémeux. Si, au départ cela a surpris, aujourd’hui c’est grandement apprécié. "Amandine n’imagine pas s’inscrire au sein d’un label bio, car elle ne conçoit pas de payer pour montrer ou démontrer ce qu’elle fait quotidiennement, c’est-à-dire travailler le plus naturellement possible.
 
Si élever des chèvres et produire des fromages sont la base de l’activité d’Amandine, il n’en reste pas moins qu’il faut vendre pour valoriser sa production. Installée à la frontière entre trois départements, Amandine regarde dans toutes les directions. Elle, ou Vincent, fréquente les marchés de Joyeuse, de Génolhac dans le Gard et de Villefort en Lozère. Aucun de ces lieux n’est vraiment proche, mais ni vraiment loin non plus. Et puis il y a la vente en direct à la fromagerie et celle, non négligeable, dans leur Vaucluse d’origine par l’intermédiaire d’une personne présente sur les marchés locaux et grâce aux amis et à la famille aussi. " Je ne force jamais mes chèvres, poursuit Amandine. Je respecte leur rythme. Alors bien sûr en juillet et en août je manque de fromages et de décembre à mars je taris mes chèvres pour le temps de la mise bas. Nous vivons vraiment au rythme de mon troupeau."
 
Le travail ne manque pas lors d’une installation, et même ici, la vie ne laisse que peu de temps pour dormir. On dit qu’il faut compter cinq années d’activité pour trouver son rythme de croisière. Mais si parfois c’est difficile, Amandine ne regrette absolument rien et Vincent non plus ! Elle est ravie de ses choix, et de vivre ici, en pleine montagne au milieu de ses chèvres et avec Vincent sans lequel, nous a-t-elle avoués, elle ne serait pas là.
 

En savoir plus :

Amandine Roux
Chèvrerie du Pradon,
07140 Montselgues
 
Clichés : Bruno Auboiron