Villeneuve-de-Berg

Article paru en avril 2016
Mis en ligne en juillet 2022

Gros bourg entre l’Ardèche méridionale et le massif du Coiron, entre la vallée du Rhône et Aubenas, Villeneuve-de-Berg s’est développé au fil des siècles jusqu’à devenir une bastide royale implantée à un carrefour stratégique de territoires. Patrie de Olivier de Serres et d’Antoine Court, cette petite ville a conservé quelques traces d’un passé tumultueux.

La première fois qu’est évoquée l’existence de Villeneuve-de-Berg dans un texte ancien, c’était au Ve siècle, sous le nom de Monte Bergo, ou Mont de Berg. Il ne s’agissait pas encore d’une importante communauté villageoise. Puis c’est au XIIIe siècle que ce territoire fut cédé par le comte de Vogüé aux moines de l’abbaye de Mazan, afin que ces derniers puissent descendre en un lieu plus clément leurs troupeaux pendant la période hivernale ; comme une transhumance à l’envers. Cette présence ne fut pas du goût des habitants de Saint-Andéol-de-Berg et l’abbé de Mazan fut contraint de signer un accord avec le roi de France en 1284. Ce dernier permit la création de la bastide royale de Villeneuve-de-Berg, placée sous la protection du roi, Philippe III le Hardi, fils de Saint-Louis, et siège de l’administration de ce dernier jusqu’à la Révolution française. Les États Généraux du Vivarais y siégeaient. Cette protection royale et l’exemption d’impôts pour ses habitants attirèrent nombre de commerçants et d’artisans au cœur de la nouvelle bastide et lui permit une croissance rapide. Pour l’anecdote, après la période troublée de la révolution, Villeneuve-de-Berg aurait pu devenir la préfecture de l’Ardèche quand Privas et Aubenas se disputaient ce privilège, mais ce gros bourg resta à la place qui était la sienne depuis son origine, influant sur son proche territoire.

Des hôtels particuliers du XVIe siècle aux riches façades laissant deviner l’opulence de la vie qui autrefois se déroulait derrière ces murs épais et à l’abri des ors des salons, des lambeaux de remparts, une porte d’entrée de la ville, le seul accès à la cité en temps de guerre, et quelques autres vestiges témoignent de ce passé glorieux. Il suffit de déambuler tranquillement dans les rues et sur les places de la petite ville aux accents chantant du sud pour tomber sous le charme quelque peu désuet de ces richesses d’antan. Il suffit de laisser vagabonder son imagination pour revivre les heures heureuses d’une bastide royale en temps de paix…

Mais la paix ne fut pas toujours au rendez-vous. Si on laisse à part les exactions de la guerre de cent ans et l’élévation et le renforcement des remparts pour se protéger des bandes de pillards écumant la région, ce furent les guerres de religion qui troublèrent le plus la paix villeneuvoise. Au XVIe siècle, Villeneuve-de-Berg est plus que jamais une riche cité commerçante où fait fortune un négociant répondant au patronyme de Serres. La religion protestante trouva là un terreau fertile sur lequel ses idées purent de répandre et s’affirmer. Dans ce contexte, les deux fils de ce négociant laissèrent une trace indélébile dans l’histoire de Villeneuve-de-Berg. Le moins connu est sans aucun doute Jean de Serres qui fut élève de Calvin à Genève avant de devenir pasteur et historiographe du roi Henri IV. Le second Olivier n’est plus à présenter tant sa renommée est bien installée localement et même bien au-delà. Ses expérimentations de la vie rurale sur les terres de son domaine du Pradel et la rédaction de son traité « Le Théâtre d’Agriculture et Mesnage des Champs» lui vaudra même la qualité de premier agronome de France… Avec le temps, les conflits et les dénonciations imposent la pratique clandestine du culte protestant. C’est alors qu’un autre villeneuvois, Antoine Court, œuvre pour à la réorganisation de cette religion, mais toujours dans la clandestinité. Il émigra à Lausanne sur les bords du lac Léman et devint le porte-parole des protestants français auprès des cours européennes et formateur des pasteurs.

Un peu plus tard, la Révolution française sonna le glas de la richesse et de l’influence de la bastide royale. À la création du département de l’Ardèche, Villeneuve-de-Berg perdit son statut de capitale et l’administration qui n’était plus royale déménagea à Privas… Le prestige royal n’était plus. La cité est alors de moins en moins commerçante et se tourne vers la vigne et plus largement la culture de la terre.

Malgré ce revers de l’Histoire, Villeneuve-de-Berg a su trouver sa place dans un monde en perpétuelle évolution. Sa population, dépassant les trois milles habitants, est désormais plus importante qu’au milieu du XIXe siècle et son dynamisme est bien réel à l’image de son hôpital qui s’affiche comme le plus grand hôpital local de France. Une maison familiale rurale, un collège, de nombreux commerces et services, un marché hebdomadaire très fréquenté en toute saison contribuent également à la bonne santé économique et sociale de ce chef-lieu de canton. Ne pas devenir une ville dortoir se vidant au matin de ses habitants pour ne les retrouver que le soir : tel fut l’enjeu. Au regard de son passé, Villeneuve-de-Berg ne méritait pas un tel avenir qui finalement n’est pas. Et si pour les résidents permanents Villeneuve-de-Berg se montre sous son meilleur jour, la cité déploie ses charmes de « station verte " aux visiteurs de passage. Ce label, récompensant environ six cent destinations en France, valorise des destinations touristiques au développement maîtrisé… Tout à l’image de Villeneuve-de-Berg…
Deux sites à visiter

* À découvrir : la forêt des sens
Sur une idée du conseil municipal des jeunes de Villeneuve-de-Berg fut créé un lieu où les cinq sens, à l’aide six pupitres, d’un xylophone et d’une table paysagère permettent la découverte du patrimoine naturel, culturel, historique et paysager de la colline du Devois, dominant la petite ville. Ainsi les deux kilomètres du sentier aménagé de la Forêt des Sens offrent un bon complément à la visite de l’ancienne bastide royale.
Aire de stationnement au départ du sentier sur la route de Fournery.

* Voyage dans le temps
Le musée des Arts et Traditions Populaires du Pays de Berg offre à ses visiteurs une belle immersion dans le passé de ce territoire où la ruralité est grandement mise à l’honneur. Lieu de mémoire et de transmission, ses responsables ne peuvent l’imaginer en marge de la pensée de l’historien Fernand Braudel : « Un présent sans passé n’a pas d’avenir ».
Ouvert toute l’année sur rendez-vous au 06 76 39 71 25,
Hôtel de Malmazet, 33 grande rue.
Texte et clichés : Bruno Auboiron