Vernon

Article paru en mai 2016
Mis en ligne en juillet 2022

À l’écart de la route allant d’Aubenas Alès et plus loin le grand sud, Vernon se dresse sur la pente
en rive gauche de la Beaume.
 

Pour rejoindre Vernon, il faut prendre la petite route longeant la rive gauche de la Beaume, entre Rosières et Joyeuse. Rapidement on oublie l’agitation touristique de ces deux gros villages pour se plonger en un lieu où la nature, domestiquée par l’homme ou plus sauvage, est à l’honneur.

Magnifique Vernon. Splendide implantation pour ce village aux accents marqués du sud, entre vigne, oliviers, pins, cigales et figuiers…
Ici, point de place de village. Non ici, le village s’accroche à la pente, épouse les lignes capricieuses du relief. Là, l’église et le château, plus bas l’ancienne école, plus loin la nouvelle mairie : les quartiers ne sont jamais très éloignés les uns des autres par les sentes et les petits chemins caladés, mais par la route c’est une autre histoire. Pour bien comprendre l’organisation de cette commune, il convient de monter, à pied de préférence, jusque sur le parvis de l’église. De ce point, la vue porte loin et embrasse tout le village et même la plaine cultivée, tout en bas, au bord de la Beaume. Descendant en cascade, les faïsses accueillent une riche culture. Autrefois, châtaigniers, mûriers, vignes, cerisiers, pêchers, pâtures et jardins occupaient une grande partie du territoire de la commune. Aujourd’hui, l’olivier et le pin maritime viennent compléter la liste. En revanche, les mûriers ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes ; la belle époque de la soie est révolue. Au milieu du XIXe siècle, une filature employait ici près de deux cents personnes du village qui comptait alors mille cinq cents âmes. En 2012, la population ne s’élevait plus qu’à deux cent vingt habitants. L’église fût bâtie sur les bases de l’ancienne chapelle du château, ce qui explique sa grande proximité. Ce dernier impose sa forte silhouette sur la hauteur du village. Il serait présent depuis le XIVe siècle, quand Odilon de Vernon rendit hommage à l’évêque de Viviers. À partir de là, un petit bourg castral a dû se développer au pied du château et de l'église. Par manque de place et de la difficulté du relief, le village s’étala, s'étira même. C'est probablement la raison pour laquelle, les hameaux sont ici nombreux, disséminés entre les bosquets de châtaigniers plus que centenaires et les terrasses cultivées. Les maisons attirent le regard par une architecture simple mais élégante où les pierres en grès sont parfaitement appareillées… Mais revenons aux murs du château. Il est composé aujourd’hui d’un grand corps de logis flanqué d’une tour circulaire munie de bouches à feu des XVe ou XVIe siècle. Bien sûr l'ensemble du bâtiment fut grandement remanié au cours des XVIIIe et XIXe siècles.

Depuis toujours, enfin d’aussi loin que remonte la mémoire du lieu, Vernon est un village de tradition viticole. Des cépages de l’histoire ancienne de ce terroir, le chatus est un rescapé. Raisin noir idéal pour la cuve, il est l’emblème de la vigne cévenole. Son origine remonte à fort loin car déjà le célèbre agronome Olivier de Serres en parle dans son livre "le théâtre d’agriculture et de mesnage" en 1600. Redécouvert et sans aucun doute sauvé de l’oubli, puis remis au goût du jour à partir des années quatre-vingt par la cave coopérative de Rosières. Depuis, chaque année la cuvée "chatus" est attendue.
De vignes en oliveraies, de terrasses en terrasses, on gagne la plaine cultivée où s’écoule tranquillement la Beaume, sous l’ombre généreuse des vernes, arbres qui ont probablement donnés son nom à la commune, à moins que ce soit l’héritage du latin vernus : printemps…
Les coins de baignades ne manquent pas tout au long de la rivière, mais il est un site encore plus séduisant, la cascade de Beaumicou. Derrière le rideau d’eau, quand la cascade est fournie, une petite grotte ménage un endroit délicieux. Le site est privé, mais l’accès y est toutefois autorisé. Non loin, quelques "tétines", petits monticules de grès pointant sur les dalles, accentuent la curiosité du site. Oui, Vernon n’est pas à court de richesses pour provoquer l’étonnement des visiteurs. Mais pour cela, il convient d’en arpenter à pied le territoire, des faïsses jusqu’aux calades du village.
 
Firmin Boissin : célébrité locale
Journaliste et écrivain, Firmin Boissin est né à Vernon le 17 décembre 1835. Des études dans son village, puis au petit séminaire d'Aubenas et au séminaire de Viviers et il obtint une licence ès lettres à l'université de Montpellier. Il enseigne ensuite la grammaire à Cavaillon et en Avignon, puis passe quelque temps en Espagne où il gagne sa vie comme écrivain public. Revenu à Paris, il travailla à la bibliothèque de l'Arsenal et il écrivit des articles dans des revues et des journaux et publia ses premiers ouvrages sous le pseudonyme de Simon Brugal, du nom de sa grand-mère maternelle. Il gagna alors Toulouse où il passa la plus grande partie de sa vie professionnelle, tout en restant fidèle à son village natal. Son livre le plus connu est "Jan de la Lune", roman historique publié en 1877 évoquant la contre-révolution en Vivarais. L'histoire se déroule en partie dans le bois de Païolive et met en scène des lieux bien réels de repli et cachette provisoire pour les contre-révolutionnaires de Jalès fidèles au comte de Saillans, grottes et abris troglodytes ont fréquemment servi d'abris aux populations pourchassées, aux bandes armées et aux clandestins. Victime d’une maladie aux yeux, il se retira en Ardèche où il mourut en 1893 à l’âge de cinquante-huit ans.
 
Contact
04 75 39 56 49 
 
Texte et clichés : Bruno Auboiron