Vagnas

Article paru en février 2017
Mis en ligne en septembre 2022

Derrière les façades des maisons brûlantes de soleil, derrière les volets fermés, se cache une histoire vieille
comme le monde. Elle débuta, il y a trois cent mille ans et fut ponctuée de joies et de peines,
de guerres et de temps de prospérité, au soleil du sud.
 

Sur la route de Barjac, c’est la dernière commune de notre département, où vivent 574 Vagnassiens. Cette route la frôle à peine, et si le conducteur pressé n’y prend pas garde, il se retrouve dans le Gard, regrettant déjà l’Ardèche. Pourtant, il suffit juste d’un tout petit détour sur la gauche, pour pénétrer le bourg endormi de Vagnas et percer les secrets d’une histoire tant mouvementée. Si vous ne savez rien de ce village qui offre une architecture, des ruines et un environnement exceptionnel, tout ici, est propice à laisser vagabonder l’imagination.

Il y a trois cent mille ans, notre ancêtre occupait déjà ce vaste territoire du plateau calcaire. Difficile de l’imaginer ici, chassant le rhinocéros ou l’hippopotame. Puis vinrent les grands froids des périodes de glaciations où il côtoya le mammouth et l’ours. Au Néolithique l’homme cultive la terre dans un climat plus propice à son développement. Les dolmens, dont celui de Champagnac, enclos de pierres sèches et capitelles, datent pour certains, de cette époque où notre ancêtre apprend à domestiquer la nature.

Avec l’occupation puis la paix romaine, les échanges commerciaux permirent au site de Vagnas de devenir un relais avec garnison et auberge. Deux bornes milliaires, jalonnant la voie de l’empereur Antonin le Pieux, se trouvaient sur le territoire de la commune. L’une d’elle est aujourd’hui curieusement exposée au musée de Nîmes. Les Romains installèrent poterie, tuileries, four à chaux pour les besoins de la construction de leurs villas, dont celle, la plus au nord, possédait un temple. C’est aussi à cet emplacement, que fut érigé un monastère beaucoup plus tard. Et jusqu’au XIIIe siècle, ce site du Monastier resta le centre religieux du village et sera même le lieu d’un pèlerinage et d’une étape sur le chemin de celui de Saint-Jacques-de-Compostelle. Détruit à la fin du XIIIe siècle, pour des raisons inconnues, le Monastier servit de carrière de pierres et de nombreuses maisons du village actuel, possèdent des pierres sculptées provenant de l’ancien monastère.

Un siècle plus tard, Vagnas se fortifie pour faire face aux bandes armées ravageant le secteur. Sur ordre de Louis XIII, les remparts furent rasés en 1629 à la suite des guerres de religions, pour soumettre le village. En effet les habitants de Vagnas étaient protestants et se révoltèrent en 1628. Ils se rallièrent au duc de Rohan, résidant au château de Labastide-de-Virac et gagnèrent quelques combats contre les catholiques de Salavas et de Vallon-Pont-d’Arc notamment. Vagnas connut alors ses personnages célèbres à l’image de Daniel Raoux, prêcheur protestant, qui anima pendant de nombreuses années, les assemblées secrètes du désert. Il fut capturé par les troupes royales au mois d’août 1701 et exécuté à Nîmes, quelques jours plus tard. La justice était expéditive en ces temps troublés. Deux ans plus tard se déroula la bataille de Vagnas, les 10 et 11 février, où les camisards furent défaits par les troupes royales. À cette occasion, le village brûla presque entièrement et nombre de maisons portent encore les traces de cette tragédie. Clôturant le chapitre des querelles religieuses, l’ancienne église, construite elle aussi, avec les pierres du Monastier, est devenue un lieu de culture tandis qu’une nouvelle, à peine à l’écart du chœur du bourg, fut érigée en 1882.

Pendant que certains se battent, d’autres élèvent des vers à soie. Cette activité agricole apportera une grande richesse au village. Et comme cet élevage exige un vaste espace, voilà la raison de la grandeur des maisons du village qui étonne parfois. Bien sûr, en parallèle de la sériciculture, la vigne et les oliviers étaient toujours cultivés avec grand soin. Toutefois la main d’œuvre était employée principalement dans les nombreuses magnaneries locales, enfin jusque dans les années soixante. Il n’existe désormais plus de filature au village, juste de grands bâtiments, en revanche, la vigne et les oliviers sont toujours présents. Quant au sous-sol de Vagnas, plusieurs éphémères sociétés minières l’exploitèrent jusqu’en 1947 pour en extraire du lignite, du schiste bitumeux et de la terre réfractaire.
C’est cette richesse souterraine qui attire aujourd’hui la convoitise de grands groupes industriels et contre laquelle les opposants se dressent, nombreux et bien déterminés. A l’évidence, la qualité des paysages et de la vie, ne peut être sacrifié sur l’autel du profit.

Pour goûter à cette nature sensible autour de Vagnas, il convient de se diriger vers le massif de la Serre, dominant la commune à plus de cinq cents mètres d’altitude, à la Baume Lardière. Certes, sa hauteur est modeste, mais la vue porte loin vers le mont Ventoux et les Alpes blanches encore plus loin. Il en est ainsi à Vagnas, toujours savoir regarder au-delà de la cime des oliviers…
Texte et clichés : Bruno Auboiron