Saint-Pierre-de-Colombier

Article paru en avril 2015
Mis en ligne en juillet 2022

S’étirant le long de la Bourges, le petit village de Saint-Pierre-de-Colombier vit paisiblement sous la protection des montagnes l’entourant et le regard de la Vierge, le dominant. Un lieu de paix et de repos en pleine nature.
 

Au fond dans son lit creusé parmi la terre et les roches partiellement volcaniques, il y a la Bourges. Elle descend avec force et rage des montagnes pour venir se perdre dans les eaux de la Fonteaulière, en bordure du territoire de la commune. Au fond, il y a donc la Bourges et de chaque côté le village qui n’en finit plus d’étirer ses maisons sagement alignées dans le sens du courant de la vallée encaissée. En rive gauche la statue d’un blanc immaculé de la Vierge est postée fièrement là-haut depuis 1946. Elle doit son existence à un vœu formulé par des paroissiennes en remerciement pour la protection accordée à leur village lors de la débâcle allemande en 1944. On y accède par un long escalier, et de là-haut, la vue est magnifique, le paysage s'ouvre sur deux vallées, celle de la Bourges d'un côté et celle menant au col de Juvinas de l'autre. En rive droite l’église et les bâtiments des missionnaires de l’Église catholique. Ici, la place qu’occupe la religion est importante. Dès l’entrée de l’église, un grand rideau rouge profond interrompt le regard ; on nous dit qu’il améliore l’acoustique. Ici, le visiteur est prié de se montrer humble pour mériter de voir au-delà de cette barrière textile. Seul le son de quelques notes d’un harmonium, jouées par une religieuse, nous incite à demeurer quelques instants, en silence. L’église fut bâtie après 1860 après que le curé Doize eut fait curieusement détruire l’église initiale de style roman dédiée à St Pierre, relevant de l’abbaye du Charray depuis le XIIe siècle et jusqu’à la Révolution française. Sans doute, l'église actuelle possède moins de charme que l'ancienne, mais elle est plus vaste pour accueillir une population plus nombreuse à l'époque, et aussi plus claire. Sa porte d’entrée monumentale, sculptée par un habitant du village, un certain Delubac, est sa partie la plus remarquable. On y voit un pélican nourrissant ses petits, les têtes de Saint-Pierre et Saint-Paul, patrons de l’église et tout en haut, l’œil de Dieu dans un triangle symbolisant la Trinité. Plusieurs messes y sont célébrées quotidiennement. À noter, tout à côté, l’ancien prieuré servant de cure qui date du XVIIe siècle. Jouxtant l’édifice religieux, deux bâtiments qui furent modernes en leur temps, abritent les missionnaires dépendant du monastère de Notre-Dame-des-Neiges. Dans la cour arborée, un autel et une croix dominent la vallée. Ce lieu fait directement face à la statue de la Vierge.

Au Moyen Âge, le village était la possession des seigneurs de Montlaur, barons d’Aubenas, de Montpezat-sous-Bauzon et maintes autres places. D’autres nobles leur succédèrent, mais jamais aucun ne résida en ce lieu. Pas de château en vue donc, on peut juste citer la maison forte d’Aulueyres au confluent de la Bourges et de la Fonteaulière. Une tour détruite au XIXe siècle défendait l’accès de la vallée et offrait un péage au profit du seigneur. Le long de la rivière au cœur du village, les anciens moulins à seigle, à huile et foulons à chanvre ont progressivement laissé la place à l’industrie de la soie. Sous l’impulsion de Françoise de Mathy, propriétaire d’Aulueyres, un des tous premiers moulinages d’Ardèche fut installé là au milieu du XVIIIe siècle. Tout, ici, était réuni pour que l'industrie prenne son essor. Et grâce à celle du moulinage, sept usines s’étendaient sur les rives de la Bourges. Cette activité nouvelle amena aux habitants, en grande majorité des paysans, de bien meilleures conditions de vie. Ils délaissèrent les nombreuses terrasses à la terre ingrate qui façonnent encore par endroits le paysage, comme à l'entrée du village et les pentes raides des montagnes plongeant dans la vallée. Toutefois chaque médaille a son revers et l’effet néfaste de ce développement industriel fut la désertion des hameaux perchés à flanc de montagne qui constituaient le corps du village. Pour se rapprocher du travail en usine, les paysans descendirent vivre au bord de l’eau.

Aujourd’hui, il ne subsiste rien de l’activité textile, si ce n’est de vastes bâtiments auxquels il convient de trouver une nouvelle affectation avant que gagnent les ruines et l’oubli. À ce propos, l’un des moulinages est devenu un boulodrome couvert, très fréquenté. Juste de l’autre côté de la route, un autre moulinage connaît depuis quelques mois, une renaissance exemplaire. À l'origine, cette restauration devait offrir neuf logements pour personnes âgées de quarante-cinq mètres carrés, avec cave et terrasse privatives, accompagné d'un centre médical.  Bien tristement face à l’impossibilité d’attirer les professionnels de santé, ce dernier a cédé la place à un dixième logement. La livraison du bâtiment est prévue pour le début de l’année 2015. Jean-Jacques Roux, entrepreneur ayant grandement travaillé sur le site, se félicite : « C’était vraiment intéressant de façonner ces grands volumes dans une structure saine. Le principe architectural adopté fut celui de conserver à l'ensemble, un aspect usine tout en mettant en œuvre une isolation phonique et thermique de premier ordre sous un bardage en bois du plus bel effet. S’il fallait construire un tel bâtiment aujourd’hui, ce serait hors de prix. » Après un an et demi de travaux, sous la maîtrise d'ouvrage de la Communauté de communes des sources de l'Ardèche, seulement la moitié de cet ancien moulinage est restauré ; l'autre moitié le sera selon les mêmes règles… si le budget le permet dans l'avenir.

Le patrimoine humain n’est pas le seul à être digne d’intérêt à Saint-Pierre-de-Colombier. La nature a su conserver sa place. Le village est dominé au nord-ouest par le suc de Teste la Faye à mille sept mètres d’altitude et au nord-est par la Tour à mille soixante et un mètres d’altitude. Les baigneurs du pont du Pras ne sont pas les seuls à apprécier l’eau de la Bourges, quelques castors ont élu domicile sur ses rives. Faisant partie du Parc naturel régional des Monts d’Ardèche, en coopération avec ce dernier des équipements de protection et des aménagements pour les crapauds et les grenouilles, écrasés en masse au passage des voitures, ont permis la sauvegarde des batraciens. Nous vous invitons à vous promener sur les chemins balisés au départ du village, car en gagnant de l'altitude, vous aurez sous vos yeux des paysages magnifiques… Oui, on est à Saint-Pierre-de-Colombier, en Ardèche.
 
Adresse
Mairie
Le village
07450 Saint-Pierre-de-Colombier
04 75 94 41 94
 www.saintpierredecolombier.fr)
 
Texte et clichés : Bruno Auboiron