St Michel-de-Boulogne

Article paru en janvier 2015
Mis en ligne en juillet 2022

Le long de la rivière La Boulogne, petit cours d’eau discret sur les pentes du col de l’Escrinet, les deux villages de Saint-Michel-de-Boulogne et Saint-Étienne-de-Boulogne offrent un agréable cadre de vie à leurs habitants et aux visiteurs.
 

L’idéal est d’arriver à Saint-Michel-de-Boulogne par les hauteurs depuis la route reliant Saint-Julien-du-Serre à la Planche de Gourdon. Au fil des virages, le paysage se creuse et ménage de belles perspectives sur la campagne où quelques cultures jouxtent les prairies d’élevage. Dans les endroits sans doute les moins favorables aux cultures, la châtaigneraie s’impose. Cette dernière permit aux habitants du secteur de connaître une relative prospérité dès le XVIIe siècle. La « bouche rouge », gros fruit très sucré, est majoritaire ici et à Saint-Étienne-de-Boulogne, cette variété représente encore les trois quarts de la récolte, soit environ cent vingt tonnes par an.

Revenons à l’entrée de Saint-Michel-de-Boulogne. La première halte se réalise sur la petite place en terre battue et en herbe où se dressent l’église, bâtie au XIXe siècle, et l’ancienne cure. En contrebas, un petit café propose sa terrasse au soleil. De là, la vue est exceptionnelle sur le col de l’Escrinet, le plateau du Coiron, la Roche de Gourdon. Le sommet de cette dernière accueillait un oppidum bien avant notre ère, aux VIIe et VIe siècles, puis un petit temple au Ier siècle également avant notre ère. Des vestiges de ces occupations ont été découverts lors de fouilles en 1994. En portant le regard tout en bas dans la vallée, on découvre au bord de la rivière les ruines du château de Boulogne. Un sentier, d'où l'on jouit de superbes points de vue, descend jusqu'au château, mais pour les moins audacieux la petite route empruntée précédemment descend dans cette direction. Plus on s’en approche, plus elles s’affichent comme majestueuses. Les ruines du château de Boulogne ne peuvent laisser indifférent. Un document d’archives atteste de l’existence de ce château dès 1199. Toutefois certaines caractéristiques architecturales laissent à croire qu’il fut bâti au moins un siècle plus tôt. Il servait au contrôle des activités de la seigneurie de Boulogne, s’étalant sur le territoire de plusieurs communes d’aujourd’hui, et à celui du passage des voyageurs et des marchandises entre Le Puy-en-Velay et la vallée du Rhône par le col de l’Escrinet. Ce château était alors la possession des puissants comtes de Poitiers-Valentinois dont l’influence s’étendait sur maints territoires des deux rives du Rhône. Il est à noter que Boulogne fut l’une des douze baronnies du Vivarais, prouvant ainsi son importance.

À partir de 1384, les défenses du château furent renforcées, le fossé creusé et les remparts doublés pour mieux répondre à l'apparition timide des premières armes à feu. Le château passa de main en main au gré des successions et des ventes. Louis de Lestrange, quinzième seigneur de Boulogne, fut un personnage remarqué à la cour de François Ier et, en 1510, il renforça encore les défenses de son château pour contrer l'usage du canon… Beaucoup plus tard, le mariage du catholique seigneur de Boulogne avec la fille d’un chef protestant de Privas mit le feu aux poudres des guerres de religion au début du XVIIe siècle. Nouveau remaniement de l’architecture du château et ainsi fut érigé le portail de style maniériste et baroque avec ses deux colonnes torses. Ce château est d’ailleurs encore aujourd’hui probablement la plus belle forteresse gothique d’Ardèche… Malheureusement, la Révolution française sonna le glas de sa prestance lorsque le vingt-cinquième et dernier seigneur de Boulogne s'enfuit en Suisse. Ses vassaux en profitèrent pour investir le château et dérober les poids et mesures servant au calcul des impôts seigneuriaux. Le château fut vendu comme bien national et, en 1820, un habitant de Saint-Étienne-de Boulogne, dont il vaut mieux oublier le nom l'acheta pour le démonter et vendre les plus belles pierres et autres ornements. Ce qui reste de ce magnifique bâtiment, c'est-à-dire des ruines altières, fut classé Monument Historique en 1907 et depuis 1970, ces vieux murs sont régulièrement consolidés.

En poursuivant la route vers le nord, on arrive à Saint-Étienne-de-Boulogne. Avant 1970, ce village et son voisin Saint-Michel-de-Boulogne ne faisaient qu'un. On y pénètre par une rue accueillant l'auberge labellisée « bistrot de pays » et la bibliothèque, puis on débouche sur la place de la mairie et de l'église néogothique érigée au XIXe siècle. Ici, on a vraiment la sensation d’être au cœur d’un village. Bien sûr, certaines maisons portent encore la trace des anciennes devantures en bois de commerces aujourd'hui fermés, mais la vie est bien réelle. Avant de continuer notre chemin, il faut prendre le temps de visiter la chapelle Pramailhet, lieu de pèlerinage depuis la fin du Moyen Âge. La découverte d’une petite vierge polychrome au XVIIe siècle relance le pèlerinage et la chapelle est rebâtie au XIXe siècle. Un pèlerinage y a encore lieu le premier dimanche de septembre. Encore un petit détour par la maison noble de La Combe, construite au XVIIe siècle, sans doute par un officier du château de Boulogne. Une fois parvenu à la hauteur de la route nationale reliant Privas à Aubenas, sous le col de l’Escrinet, vient à l’esprit l’évocation des modes de déplacements dans nos montagnes. Plus ou moins en parallèle de la route existante, était tracée une ancienne voie encore en service au Moyen Âge qu'empruntaient des caravanes composées d'une vingtaine de mulets portant chacun au moins cent cinquante kilogrammes de marchandises. À la fin du XVIIe siècle, les chariots ont remplacé les mulets et le tracé de la route actuelle fut adopté, plus large et moins pentue que l'antique voie. À partir de cette date, outre les marchandises, les voyageurs furent nombreux et le relais de diligence du Moulin-Artige proposait une halte salutaire. Beaucoup plus près de nous, en 1910, la ligne de chemin de fer reliant Le Pouzin aux Vans voyait ses rails posés directement sur la route. Pentes trop fortes et virages trop serrés occasionnèrent déraillements et retards incessants. Face à ce mauvais fonctionnement, cette ligne fut fermée en 1914. En témoignage, il ne reste que la petite gare de Saint-Étienne-de-Boulogne…
Il est maintenant temps d’emprunter cette route dans le sens de la descente. La découverte de Saint-Michel-de-Boulogne et Saint-Étienne-de-Boulogne s'achève. Nous reviendrons !
Adresses
Mairie, le village, 07200 Saint-Michel-de-Boulogne  04 75 87 11 15
Mairie, le village, 07200 Saint-Étienne-de-Boulogne 04 75 87 11 23
sSaint-etienne-de-boulogne.fr
 
Texte et clichés : Bruno Auboiron