St Etienne-de-Lugdarès

Article paru en novembre 2016
Mis en ligne en juillet 2022

A Saint-Étienne-de-Lugdarès, la Lozère est si proche. Mais, nous sommes bien en Ardèche et à peine descendue la vallée, que nous n’y sommes plus.
 

Aux limites du département, à plus de mille mètres d’altitude, Saint-Étienne-de-Lugdarès nous semble être le bout du Monde. Il faut franchir le col de la Croix de Bauzon, puis celui du Bez, avant d’entamer la longue et douce descente en rive droite de la rivière, pour d’abord apercevoir un premier clocher. Non, ce n’est pas celui attendu, mais l’église du plus grand hameau : Masméjean. Il s’étire tout en longueur de chaque côté de la route, et là en lieu et place du moulin au bord de la petite rivière naissante, la toute nouvelle Maison des Énergies Nouvelles. Ici, on cultive à loisirs l’attachement aux traditions rurales et aussi…une certaine modernité énergétique.

Tout comme son principal hameau, Saint-Étienne-de-Lugdarès s’étire le long de la route principale autrefois nommée « Chemin de Grande Communication ». Un antique panneau de signalisation apposé contre le mur de l’église signale ainsi cette voie de passage. Au cœur du village, l’église Saint-Étienne est incontournable. Ses imposantes dimensions et son élévation lui ont offert le surnom de « cathédrale de la montagne », rien que cela ! Et c’est avec une grande fierté que les villageois la défendent comme telle. En façade et constituant ses piliers, les pierres d’origines granitique et volcanique, parent d’une harmonieuse polychromie son architecture gothique. Sa construction s’acheva en 1880 et le 29 mai 1886, elle fut consacrée. Autrefois dépendante de l’abbaye des Chambons en amont des gorges de la Borne, sur le territoire du village voisin du même nom, la nouvelle église reçue de cette dernière son magnifique et élégant maître-autel. La cathédrale de la montagne a belle allure aujourd’hui, entièrement restaurée à la fin du XXe siècle. À l’abri des hauts murs, une cloche est posée sur un socle en bois. Sur le métal fondu on peut lire : « Saint-Étienne-de-Lugdarès, 1925, Armand Archiprêtre, Clavel Maire ». Elle ne se fait plus entendre dans l’air pur de la montagne.

Sur ces mêmes montagnes, autrefois veillait Taranis, dieu celte du tonnerre, d’où le nom du Tanargue. Des croyances anciennes aux croyances nouvelles, aucune n’a toutefois protégé les habitants de l’effroi suscité par l’apparition de la bête du Gévaudan. Car c’est ici qu’elle fit sa première victime. Jeanne Boulet avait quatorze ans et vivait dans le hameau des Hubacs, quand elle fut attaquée le 30 juin 1764, par ce monstre qui allait devenir la bête du Gévaudan dans l’imaginaire collectif. Mais cette petite fille fut-elle vraiment sa première victime ? Et toutes les victimes recensées furent-elles vraiment siennes ? Il était si facile à l’époque de régler ses comptes et faire passer tout forfait sur le dos de la bête.
L’histoire de Saint-Étienne-de-Lugdarès fut aussi marquée par la naissance d’un personnage rendu célèbre grâce une évasion que la vie lui imposa. Henri Charrière, surnommé Papillon à cause d’un tatouage, est né en 1906 juste la maison en face du très imposant bâtiment religieux, en aval du village. Il fait ses études à Aubenas, puis vécu de petites délinquances à Paris. Il fut condamné aux travaux forcés à perpétuité pour un meurtre qu’il a toujours nié. Enfermé dès 1931 au redoutable bagne de Cayenne en Guyane, sur l’île du Diable, sa soif de liberté peut-être alimentée par la certitude de ne pas être coupable, fut la plus forte, car il s’évada en 1944 et finalement fut gracié en 1970. Il mourut trois ans plus tard à Madrid. Il est enterré au village de Lanas, près de sa maman… Sur la plaque marquant son lieu de naissance, il est considéré comme un aventurier et un écrivain célèbre avec la publication de son autobiographie « Papillon » en 1969. Sa vie et son évasion furent portées à l’écran dans le film Papillon en 1973, avec Steve McQueen dans le rôle titre et Dustin Hoffman.

Saint-Étienne-de-Lugdarès, c’est aussi une succession de hameaux le long de la rivière le Masméjean, et dans les forêts alentours, portant tous des noms évocateurs : Les Hubacs, La Chaze, Le Cros, Fourmaresche, Labrot… Témoignant de la ferveur religieuse d’une époque révolue, une vingtaine de croix compte au patrimoine architectural du village, tout comme le vieux pont construit en 1513 sur la rivière, ou le frêne de Huédour dont le tronc creux servait aux rendez-vous… L’imagination fait le reste ! Cette imagination est aussi à mettre à contribution, quand on évoque la légende voulant qu’à la suite d’un combat en 1324, contre les troupes anglaises, trois seigneurs locaux firent graver leurs armes sur trois pierres situées… au sommet du Rocher des Trois Seigneurs.
 
Texte et clichés : Bruno Auboiron