Sanilhac

Article paru en octobre 2015
Mis en ligne en juillet 2022

Le petit village de Sanilhac semble comme une oasis au milieu d’une nature faite de bois, de prés et de landes parfois. Les belles pierres taillées de ses maisons rassemblées autour d’une imposante église pourraient en raconter des histoires…

Sanilhac est un petit village qui semble surgir au milieu de nulle part au détour de la route. Ce qui séduit d’emblée le visiteur est la beauté de ses maisons en pierres taillées blotties sagement autour de l’église et du cimetière. Ici les murs sont hauts et épais, comme pour se protéger. Mais de quoi ? La nature n’est pas hostile tout autour ; des bois de pins, de châtaigniers, des vergers, des oliveraies, des pâturages, quelques landes ou friches. Deux magnifiques rivières l’irriguent : la Beaume et le Roubreau. D’ailleurs, Sanilhac étymologiquement dériverait de « sanus locus » se traduisant par « lieu sain ».

La vie est plutôt agréable ici, sous un soleil baignant les premiers contreforts des Cévennes tout en regrettant déjà les terres calcaires délaissées. Sur le pas de sa porte, assis sur une chaise hors d’âge, Jean me regarde prendre les vieilles pierres en photo. Il m’apostrophe : « C’est beau chez nous, hein ? ». Surpris je me retourne. Ses yeux d’un noir profond me dévisagent. « J’ai vécu toute ma vie ici, dans ce village. Enfant, je connaissais la moindre pierre des alentours. Avec les autres, nous montions jusqu’à la tour de Brison et nous faisions mille bêtises. ». Il me donne envie d’aller lui rendre visite.

La tour de Brison s’élève sur la commune de Sanilhac, en marge de son bourg. Elle occupe une position élevée à sept cent quatre-vingt-un mètres d’altitude. Elle offre une vue panoramique englobant le rocher de Coucoulude, près de Loubaresse, au Coiron, la Dent de Rez, le Serre de Barjac, et parfois le mont Ventoux et même le Mont-Blanc. Une légende raconte que Satan vient ici chaque année prélever une pierre le dernier jour de l’année à minuit et que la dernière emportée signerait la fin des temps… Il reste encore tant de pierres à prendre…

La tour de Brison est en réalité le dernier témoignage d’un important château. La première mention de ce château date du début du XIIIème siècle. Quatre siècles plus tard, un second château est édifié, avec en partie les pierres du premier, au-dessus du hameau de Brison ; l’ancien étant inhabitable ou ruiné. Le mystère demeure encore aujourd’hui sur les raisons qui ont précipité cet élément de défense à la ruine ; était-ce les guerres de religion, une émeute ? Le second château ne connut pas meilleur sort. Détruit pendant la Révolution, ses ruines furent incendiées par les Allemands en 1944. Le 21 avril de cette funeste année, des otages furent fusillés prés de la Chapellette, au plan de la Tour. Un monument s’élève aujourd’hui en ce lieu, un monument pour la mémoire.

La tour de Brison était donc la tour sud-ouest de l'ancien ensemble castral. Elle menaçait d’être en ruine à son tour quand, en 1989, quelques bénévoles groupés autour de Robert Brugère décidèrent de la sauver. L'association des "Amis de la Tour de Brison" naquit dans la foulée. Au début des années 90, la consolidation de l’existant fut entreprise. Ensuite la reconstruction, achevée en 1997, se fit grâce à l’étude des cartes postales publiées au début du XXème siècle. Aujourd’hui, elle a retrouvé une utilité salutaire en devenant un poste d’observation pour prévenir les feux de forêt.

Retour au cœur du village, à l’ombre des vieilles pierres. L’imposante église Saint-Pierre, agrandie au fil des siècles, est construite sur les vestiges d’une église romane du XIème siècle, devenue crypte. Au village, un monastère fut pillé et brûlé au XVIIème siècle. Outre ses vieilles pierres, la richesse de cette commune réside en une multitude de petits hameaux aux maisons bâties en grès. Cette pierre, affleurant en maints endroits, était exploitée pour la confection des meules des moulins. Au cœur de l’un de ces hameaux, on découvre le château de Versas, du XVème siècle, avec sa façade renaissance, sa tour octogonale et son magnifique pigeonnier érigé au XIXème siècle.

Au fil des petites routes et des chemins de traverse, on découvre encore les croix de la Fagette et de Patoauriol, le pont du Gua sur la route de Beaumont, la source minérale de la Boucharade, et des lieux chargés d’histoires et de magies comme le Ranc de la Fachinière, ou sorcière, nommé aussi rocher du soleil, la Baume des fées est ses fouloirs rupestres… Les richesses de Sanilhac, autrefois comptant parmi l’un des maillons défensifs de la cité minière de Largentière et aujourd’hui petit village paisible, ne se découvrent que pas à pas, en prenant son temps.
Une forteresse remarquable
Le premier château de Brison était une forteresse remarquable. Voici la description que maître Duroure, notaire habitant aux Deux-Aygues, un hameau à côté de Brison, en a fait : « L'emplacement de la forteresse contenait 725 toises carrées ; l'on y entrait par le moyen de deux portes, l'une donnant sur le midi, l'autre sur le nord... Le château était fortifié de trois grosses tours carrées, triangulairement placées, distantes de 50 pieds l'une de l'autre... Les deux tours du milieu étaient d'égale grosseur elles avaient environ 100 pans de hauteur et 88 pieds de tour ; d'une épaisseur considérable et proportionnée à leur hauteur, ayant trois voûtes l'une sur l'autre... Les bords de l'emplacement étaient bordés et fortifiés de bons et gros remparts, garnis de redoutes, meurtrières... Une citerne profonde avait été creusée dans le roc, dans l'enceinte du fort et au-devant de la grande Tour du Château afin d'avoir de l'eau pour son usage dans le cas d'un siège où l'on ne pourrait sortir pour aller prendre de l'eau à la fontaine sortant du rocher. »
Texte et clichés : Bruno Auboiron