Saint-Martin-de-Valamas

Article paru en mai 2017
Mis en ligne en septembre 2022

Saint-Martin-de-Valamas semble suspendu, comme flottant sur l’esprit des Boutières.
Un village perché là où on ne l’attend pas, accroché à la montagne.
 

L’eau coule au pied des maisons, sous les ponts, un peu comme le temps… Saint-Martin-de-Valamas semble planté là depuis la nuit des temps. Au confluent de l’Eysse, la Sialouse et l’Eyrieux, le village s’étage en amphithéâtre sur les pentes de la colline de Baruze, au cœur des Boutières. Juste en face, les ruines du château de Rochebonne en imposent encore dans le paysage. Bien que ravagée pendant les guerres de religion, en 1595, ce fut le mauvais temps avec la foudre en 1760, et l’oubli à bout des vieilles pierres de cette forteresse bâtie ici, il y a plus de mille ans. On raconte qu’un des seigneurs du lieu, Guillaume de Châteauneuf, fut emprisonné en terre sainte lors de la bataille de Mansourah pendant les Croisades…

le prieuré Saint-Martin, également est une des facettes de l’architecture locale, situé au centre du village avec ses échauguettes, arrondissant les angles de cette maison forte qui en impose. Entre ses murs épais, autrefois, les habitants du village se protégeaient des pillards et brigands écumant la région au XVIe siècle. Aujourd’hui cette fière demeure abrite le presbytère de l’église située à l’autre bout de la vaste place. Entre les deux, sous la végétation de la terrasse d’un bar, quelques habitants sirotent leur petit café.
Comme le château de Rochebonne, l’église du village fut détruite pendant les guerres de religions. En 1774, elle renaît, entièrement neuve. Un siècle plus tard, elle se révèle trop petite pour accueillir les deux mille paroissiens du secteur. Elle est agrandie… la petite histoire raconte qu’au moment du vote de la loi de séparation de l’église et de l’état, en 1905, le clergé et la population refusèrent l’entrée aux autorités civiles venant dresser l’inventaire des biens de l’église. Il fallut l’intervention de l’armée pour raser les barricades dressées devant l’entrée de l’édifice religieux. La statue de Notre-Dame-de-Tout-Pouvoir, cachée dans un jardin pendant la révolution française, a retrouvé sa place non loin de l’orgue de l’église des Carmes du Puy-en-Velay qui fut déplacé ici en 1971, et des fonts baptismaux que l’on dit avoir été ceux de la chapelle du château de Rochebonne, apportés en ce lieu en 1774, lors de la reconstruction de l’église.

Revenons sur la place, car la vie de Saint-Martin-de-Valamas bat en ce lieu, pour découvrir la tour de la Varenne, des anciennes maisons bordant des rues pavées comme la rue des Puces. C’était, jusqu’à la fin du XIXe siècle, le seul accès menant au centre du village ; la route actuelle ne fut tracée qu’en 1881. Cette calade à la pente vraiment prononcée et bordée de maisons a sans doute vu passer les dernières caravanes pouvant rassemblées une centaine de mulets transportant le vin du sud vers les hauteurs des Boutières et du Velay voisin. Mais son nom ne fait pas référence aux puces qui pouvaient parasiter les mulets, non il s’agit de comprendre « puch » en patois signifiant hauteur. La francisation des mots patois fut trop souvent source d’erreur d’interprétation.
La présence des trois rivières au pied du village eut pour effet d’inciter quelques entrepreneurs à installer leurs usines le long de leurs berges et ainsi profiter de cette énergie hydraulique gratuite et inépuisable. De paysanne et artisanale, la population du village et de la vallée devint ainsi ouvrière, cumulant toujours plusieurs activités, car il était hors de question de laisser les terres des ancêtres à l’abandon. C’est ainsi qu’un certain Murat déménagea son atelier parisien à Saint-Martin-de-Valamas pour fabriquer ses célèbres bijoux. C’était en 1850 et bien d’autres ateliers suivirent l’exemple prémonitoire. Voilà pourquoi depuis, entre Le Cheylard et Saint-Martin-de-Valamas on parle de la vallée du bijou…
Aujourd’hui au fil des trois rivières, l’eau conserve sagement son lit et seuls les amateurs de truites viennent la troubler, tandis que sur la place une certaine agitation s’installe.
Texte et clichés : Bruno Auboiron