Saint-Germain

Article paru en novembre 2016
Mis en ligne en juillet 2022

À deux pas de l’Auzon, modeste affluent de l’Ardèche, Saint-Germain se dresse au milieu d’une plaine agricole fertile entre un plateau calcaire recouvert par la garrigue et les montagnes la séparant de la vallée de l’Ibie. Ici, la vigne s’épanouit et trace de grands traits parallèles dans le paysage.
 

Dans l’Antiquité, le site de Saint-Germain, finalement assez proche d’Alba-la-Romaine, se situait sur le tracé de la voie romaine d’Antonin le Pieux reliant Alba à Nîmes. De cette époque si lointaine, il ne reste que deux vestiges, dont l’un n’est pas authentifié avec certitude. Franchissant autrefois la rivière Auzon, il ne reste qu’une seule arche d’un antique pont bien difficile à dater. Aujourd’hui, le cours de la rivière s’est déplacé de deux cents mètres, ce qui tend à prouver l’ancienneté de ce vestige. On peut voir cette arche en descendant le chemin conduisant au gué de Putève… Juste à l’entrée nord du village, au croisement de l’ancienne route reliant Saint-Germain à Lavilledieu et du chemin menant jusqu’à Vogüé, se dresse la borne milliaire. Les inscriptions gravées dans la pierre sont presque illisibles mais la traduction atteste de l’origine romaine de cette pierre : « À l’Empereur César, fils adoptif du décédé Hadrien, Antonin Auguste (régnant) pieux père de la patrie, tribun au pouvoir en Septimanie, consul pour la quatrième fois. Treize mille pas des Alba.»  Cette borne jalonnait, comme tant d’autres, la voie romaine aidant à se repérer. Quelques siècles plus tard la pierre gravée fut christianisée à l’aide d’une croix métallique plantée dans un socle en pierre posée sur la borne. Depuis, la croix fut cassée et la borne classée à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 1935.

La première mention du village de Saint-Germain apparaît au XIIe siècle. Il dépendait bien sûr du château de Vogüé. Il ne reste pas grand chose de l’époque médiévale, si ce n’est l’organisation de l’espace, les maisons anciennes collées contre l’église, les petites ruelles et les nombreux passages voûtés. Les carrières de pierre blanche, exploitées jusqu’en 1960, offrirent un matériau de choix à la construction des grandes bâtisses du XIXe siècle, cadeau de l’économie florissante de l’élevage du ver à soie. L’architecture est belle et souvent surprenante au fil des ruelles et même au long des chemins !
Ce qui est peut-être le plus surprenant, c’est le clocher de l’église. De l’édifice religieux primitif, il reste la tour fortifiée, base du clocher actuel. C’est d’ailleurs entre ces murs que la population du village trouva refuge le 9 août 1570, lors des guerres de religion. Un siècle plus tard, la révolte avortée du Roure fera perdre son clocher à cette église, comme d’ailleurs ceux de Lavilledieu et de Vogüé. Une simple toiture remplaça l’élancé clocher… En 1850 une nouvelle église est bâtie. Mais son histoire ne s’arrête pas là. Le 27 juillet 1884, le choléra sévit à Vogüé, puis Rochecolombe et enfin à Lavilledieu, faisant des ravages parmi la population de ces villages. Saint-Germain est cerné par la maladie et ses habitants firent la promesse d’ériger une statue de la Vierge sur le clocher de l’église s’ils se trouvaient épargnés. Le ciel les a-t-ils entendus ? Toujours est-il qu’aucune personne du village ne périt. Après neuf années d’économie, de travail bénévole et d’efforts, un nouveau clocher est érigé sur la base de l’ancien, et depuis une Vierge monumentale domine la communauté villageoise. Elle culmine à quarante mètres de hauteur et ainsi ferait, dit-on, de son clocher le plus haut d’Ardèche. On aime ou on n’aime pas l’architecture de cette église, mais elle ne peut laisser indifférent… et elle se repère de si loin.

En marge du bourg, les hameaux aussi, présentent des éléments architecturaux intéressants à l’image de celui des Chazes, avec son four à pain et sa fontaine. Mais là encore, un témoignage religieux se distingue. La croix des Chazes, la première, fut renversée par des conscrits éméchés venant d’un village voisin. Les habitants, outrés par l’événement, prirent la décision de commander à Léon Montjal, tailleur de pierres du village, la croix actuelle, pour la placer au même endroit que la précédente. Cela se passait à la fin de la première guerre mondiale.
Saint-Germain a su rester une commune rurale, malgré le développement de l’habitat résidentiel dans certains hameaux. Une dizaine de fermes assure la bonne santé de la viticulture locale, dont les productions gagnent les caves coopératives de Montfleury et de Vogüé. En marge, des vergers de cerisiers et pommiers, du maraîchage avec certains légumes que l’on peut acheter en direct sur le bord des routes pendant la saison de production, et aussi des céréales, du foin... Toutes ces cultures garantissent un environnement soigné par l’activité humaine et si l’on veut retrouver une nature plus sauvage, il suffit de suivre le cours de l’Auzon. Une aire de pique-nique offre un moment de détente au bord de l’eau à l’ombre des grands arbres…
 
Texte et clichés : Bruno Auboiron