La tradition veut que Saint-Genest-de-Beauzon fût la plus ancienne paroisse d’Ardèche. Sa création remonterait à l’an 549… Est-ce une raison pour que deux églises s’y disputent la représentation religieuse ? Une course à la construction qui fut fatale à l’église du hameau du Suel, tandis que celle du hameau du Cros fut inaugurée en grande pompe. Mais n’allons pas trop vite en besogne. Regardons en arrière pour mieux comprendre cette curieuse histoire locale qui a donné à ce village deux églises dont une jamais achevée.
L’église primitive de la paroisse, érigée initialement sur une hauteur du hameau du Cros, était délabrée et menaçait ruines au milieu du XIXe siècle. Il fut alors décidé d’en bâtir une nouvelle. Mais les habitants des hameaux éloignés de celui du Cros plaidèrent pour que la nouvelle église soit bâtie dans un endroit plus central, plus facilement accessible pour tous. Les habitants du Cros ne l’entendirent pas de cette oreille et refusèrent de négocier tout autre emplacement que leur hameau, justifiant la légitimité de leur position par son ancienneté. Rien n’y fit et la construction de deux églises débuta en même temps. À cette époque, il semble qu’on ne se refusait rien ; la vigne et la sériciculture apportait une certaine richesse à la population locale. La compétition entre les bâtisseurs dut être rude. Alice Lacour dans son livre « L’Ardèche… d’une église à l’autre » rapporte que la tradition locale évoque même un travail de nuit à la lanterne pour gagner du temps. L’église du Cros fut terminée la première. L’évêque de Viviers participa à son inauguration. En même temps, la maladie du ver à soie ruina l’économie locale et la construction de l’église du Suel fut donc abandonnée. Cette dernière est aujourd’hui comme elle était au milieu du XIXème siècle quand les bâtisseurs désertèrent le chantier… Le hameau du Suel y gagna toutefois l’implantation de la mairie !
Entre les hameaux aux maisons regroupées et desservies par des ruelles passant sous d’élégantes voûtes, c’est la nature très verte qui domine sans partage. Les vallons sont recouverts de bois et de prés. Les cultures sont encore nombreuses et font vivre nombre de familles de cette commune rurale. De la vigne, héritage d’un glorieux passé, des oliviers, de l’élevage encore un peu aussi. Il fut savoir que le hameau du Cros accueillait des foires aux bêtes d’une très grande importance et d’une renommée dépassant largement les frontières locales. On surnommait alors la commune « le Beaucaire des Cévennes », en référence à la ville organisant les grandes foires du sud de la France. En déambulant de hameau en hameau, au fil des chemins de terre et des petites routes, où par endroit la vue s’échappe fort loin découvrant un paysage de montagnes insoupçonnées, on a l’impression d’être ici à la frontière entre une agriculture méridionale et une agriculture montagnarde.
Si Saint-Genest-de-Beauzon est considérée comme l’une des plus anciennes paroisses d’Ardèche, elle n’est commune que depuis 1790, quand son territoire fut détaché de la commune de Faugères. Bien sûr la révolution française lui fit perdre un temps la référence à ce saint, martyr à Arles, pour devenir Bauzon-sur-Salendre, Salendre et enfin Val-Salendre, sans aucun doute à cause de la traversée de son territoire par le ruisseau le Salindres… Finalement on en revint à Saint-Genest-de-Beauzon. Les traditions ont la vie dure !
Moins d’un siècle plus tard, à l’époque de la construction des deux églises, sa population était en nombre plus important que bien des communes de la vallée du Rhône. On vivait bien ici, la terre n’était pas avare et les paysans savaient en tirer le meilleur profit. Oubliés les ravages de la peste qui en 1772 envoyèrent au cimetière la moitié des quatre cent-cinquante âmes d’alors. Chaque hameau regorgeait de familles où chaque membre trouvait à s’occuper à la terre. Personne n’imaginait que l’exode rural sévirait ici aussi, dépeuplant cruellement la quinzaine de hameaux se déclinant au fil des routes de la commune.
Aujourd’hui petit à petit la campagne retrouve sa belle activité, sa joie de vivre pour des habitants plus que jamais attachés, si ce n’est à leur église comme ceux d’autrefois, à la qualité des paysages au sein desquels ils vivent…