Village urbain aux racines rurales.
Des marchés d’antan, il ne reste plus que le souvenir. Des nombreuses églises des temps très anciens, il ne reste que celle imposante, au cœur du village et deux chapelles en marge du bourg. À Saint-Étienne-de-Fontbellon, la vie d’avant est un peu bousculée par la vie d'aujourd'hui. L’équilibre est fragile entre les mondes de la campagne et de la ville.
À l’ombre de ses platanes ceinturant son imposante église, le bourg se montre comme un village et non comme un prolongement vers le sud de la ville d’Aubenas. Pourtant, il n’y a guère de limite fermement marquée entre les deux communes, l’urbanité a depuis longtemps gagné sur la campagne. De maisons neuves en zones commerciales et artisanales, Saint-Étienne-de-Fontbellon a connu de profondes mutations ces dernières décennies. Mais fort heureusement au cœur du bourg, un air de campagne et d’authenticité résiste. Alors prenons le temps de flâner dans ce joli bourg.
Fontaine de Bellus, pour honorer un donateur qui fit bâtir localement plusieurs églises, ou Fontaine de Bello, pour honorer un dieu païen ? Le doute sur l’origine du nom Saint-Étienne-de-Fontbellon subsiste encore. En revanche ce qui est certain c’est que bien avant qu’un nom soit donné à ce territoire, les hommes l’occupaient, sans doute dès le Néolithique et moins sûr, peut-être avant. Les céramiques de la grotte de Gaude, les poteries et les monnaies de la villa gallo-romaine de Saint-Pierre en apportent la preuve.
La grotte de Gaude ouvre sa modeste galerie à la lisière d’un bois de pins, à proximité du hameau éponyme. Au IIIème millénaire avant notre ère, les hommes semblent n’en avoir occupé que l’entrée. Elle garda ses secrets jusqu’à sa découverte fortuite, en 1941, par Élie Pinède, à la poursuite d’un renard. Neuf ans plus tard débuta la première campagne de fouilles. Des ossements humains de neuf adultes et d’un nourrisson furent retrouvés ainsi que ceux de neuf espèces différentes d’animaux. Des silex taillés, des os travaillés et plus de cent cinquante céramiques furent rassemblés et étudiés. Certains éléments étaient visibles au musée des Vans.
Mais revenons au cœur de notre village. Bien sûr, avec l’urbanisation de ces dernières décennies, son visage a changé. En son centre, sur une place légèrement en hauteur, par rapport à la rue principale, la vaste église fût érigée en 1852 sur les vestiges d’une plus ancienne, romane. Autrefois, avant la création des communes, Saint-Étienne-de-Fontbellon était une des nombreuses paroisses d’Aubenas. En 1787, ses habitants entreprirent des démarches pour faire sécession, ce que refusa l’assemblée des États du Languedoc. Quelques nombreuses années plus tard, Saint-Étienne-de-Fontbellon allait devenir une commune indépendante. Le clocher de l’église n’était alors qu’une tour, et puis encore vingt ans plus tard, il fut décidé de le coiffer d’une altière flèche en pierres taillées. En marge du village, deux chapelles, au Pont de Rigaud bâtie en 1734 et restaurée en 2004 et à la Chapelette, existent encore.
Avant que la ville ne vienne frapper à sa porte, Saint-Étienne-de-Fontbellon était une commune où l’agriculture était florissante. La vigne, le blé, les mûriers et les châtaigniers y avaient une place de choix, entre les quelques moulinages encore présents au XIXe siècle. À cette époque la commune était reconnue comme un territoire de vin et de soie, et réputée pour le maraîchage, notamment la culture de melons. Le maraîchage perdura et en 1932 fut inauguré un marché municipal de fruits et légumes sur la place du village. Ce marché connut une grande activité et apporta une certaine aisance financière jusqu’à la fin des années soixante. Ce fut le développement rapide de Vivacoop à Saint-Sernin, coopérative attirant à elle seule, de nombreux producteurs, qui mit un terme à la vie du marché plusieurs fois hebdomadaires de Saint-Étienne-de-Fontbellon.
Il est intéressant de noter que le village hébergea en ces murs les rêves qui allaient devenir la réalité de quelques grands voyageurs. Le plus célèbre d’entre eux est sans conteste le Pasteur de Serrescudier. Né dans un hameau du village, il fut nommé cardinal en 1350 par Clément VI, pape en Avignon. Le poids de sa charge lui fit parcourir les routes de France, d’Italie et d’Angleterre. Cinq siècles plus tard, l’exode toucha les habitants les plus modestes, mais les plus téméraires aussi, puisqu’ils n’hésitèrent pas à traverser l’océan Atlantique. Comme ce couple de paysans Delaygue, qui en 1876 gagnèrent Santa-Fé en Argentine, entre Cordoba et Rosario. L’un de leurs enfants revenus en France perdit la vie pendant la première guerre mondiale. Il y a aussi Louis Étienne Imbert qui s‘installa dans la province de Mendoza. Dernier né d’une famille de paysans, il n’avait pour avenir que la ferme familiale et au service de son frère aîné, comme c’était la coutume. Refusant ce coup du sort, il se fit tonnelier dans cette région viticole argentine. Son affaire prospéra si bien que fortune faite, il rentra quinze ans plus tard à Saint-Étienne-de-Fontbellon avec femme et enfants. Enfin, le couple Dumas, moulinier de soie, partit vivre à Aix-les-Bains en Savoie. Un voyage certes, moins long et moins périlleux, mais en 1856… la Savoie n’était pas encore française !
Aujourd’hui les habitants de Saint-Étienne-de-Fontbellon ne partent plus risquer leur vie outre Atlantique ou ailleurs. Ils sont attachés à leur village qui réussit tant bien que mal à conserver l'audacieux équilibre entre urbanité et ruralité.