Rochepaule

Article paru en novembre 2016
Mis en ligne en juillet 2022

Perché au sommet du col de Rochepaule, le village est à la fois installé sur les vallées du Doux et de l’Aygueneyre, à huit cent cinquante mètres d’altitude. Sur le chemin du pèlerinage de Saint-Régis à Lalouvesc, Rochepaule est une halte idéale pour jouir des bienfaits de la nature.
 
De loin, de très loin même, on aperçoit le clocher. D’ailleurs un peu partout sur le territoire de la commune, la vue file vers l’horizon, c’est surtout le cas aux Roches de Peyrhomme et à la Croix de Fay. Aux sommets des premières, on peut découvrir un autel druidique, preuve de l’occupation de ce territoire ne date pas d’hier. Rochepaule est un village aéré où il fait bon vivre. Chacun des habitants croisés le jour de notre visite à Rochepaule nous l’a affirmé. « Ma famille est native d’ici et je suis revenu à la retraite, raconte René. La vie est tellement agréable ici que je ne vais pas m’en priver. » Pourtant étymologiquement Rochepaule signifie « la rocha paoura » ou roche pauvre. Mais ce qui fait la richesse de ce village, c’est son territoire ensoleillé et protégé des vents dominants.

Certes, aujourd’hui la vie est sans aucun doute plaisante à Rochepaule, mais dans les siècles passés il n’en fut pas toujours ainsi. En 1076, l’abbé de La Chaise-Dieu, vaste abbaye en Haute-Loire, y fonde un prieuré. Rapidement de généreux dons lui permirent de se développer. Il fut décrit ainsi : « Au centre de Rochepaule, ce couvent comprend plusieurs maisons, construites le long de deux ruelles conduisant à l’église, une hôtellerie, un hôpital, une école, un four banal et le château du prieur au sud de l’église, ainsi qu’un jardin agrémenté d’une grande et belle allée bordée d’arbres. » Le village devint au Moyen Âge un haut lieu de l’ordre religieux et militaire des Templiers. En 1347, la peste noire décime une partie de la population, dont les religieux. Plus tard, le village fut le théâtre de combats acharnés pendant les guerres de religion, comme en 1575, ou les protestants venant d’Annonay, détruisirent en partie le monastère.

Aujourd’hui le monastère et le château sont entièrement détruits, mais de nombreux témoignages de ces temps oubliés demeurent dans le village et sur l’ensemble du territoire de la commune, avec beaucoup de maisons bourgeoises du XVIIe siècle, les maisons fortes de Chazeaux et de La Garneyre, une tour carrée, de vieilles croix sculptées, l’église du hameau de La Chapelle-sous-Rochepaule dans la haute vallée du Doux et celle du village, érigée au XIXe siècle. Cette dernière accueille un bénitier du XIe siècle, véritable curiosité. Sur le même emplacement se dressait auparavant, une église romane du XIIe siècle qui menaçait ruine et surtout était trop petite avec sa nef unique. En 1890, fut donc décidé de sa restauration et son agrandissement, mais le ministre des cultes de l’époque refusa ce projet, le jugeant trop peu ambitieux. Alors deux années plus tard, la construction d’une nouvelle église fut entreprise. Il faudra attendre 1930 pour que son clocher se dresse comme un phare au-dessus du village. Elle fut entièrement restaurée en 1990 pour son centenaire.
Autre curiosité : l’usine « La Semelle Moderne », l’une des dernières en France à fabriquer des semelles pour les fabricants de chaussures. Son implantation est une longue histoire et le représentant de la troisième génération, à la tête de cette entreprise familiale employant une vingtaine de personnes vivant localement, n’a aucune intention de délocaliser l’activité. Oui, on est si bien à Rochepaule.

Dans la campagne au relief particulièrement accidenté et aux accents de nature sauvage, de forêts et de prairies, de très nombreux moulins bordent les rivières et les fermes arborent souvent en façade de riches linteaux sculptés en granit. Manifestement la misère, autrefois, ne régnait pas en ces lieux. C’est au Moulin d’Armand que le Doux stoppe un instant son cours pour s’étaler mollement en un plan d’eau estival destiné à la baignade. Partout ailleurs, sur la commune, les truites ne sont pas dérangées par les aménagements humains, juste quelques pêcheurs, de temps en temps… Cette campagne autour du village, grimpe jusqu’à mille deux cents mètres d’altitude. Sur les hauteurs, les myrtilles s’offrent à la gourmandise des marcheurs. Il en est de même au plus profond des forêts où les  champignons apparaissent discrètement. Tout ici appelle à s’aventurer sur les chemins. Et côté monde miniature, Rochepaule est internationalement reconnu pour la richesse de sa « myrmécofaune » : en effet, plus de soixante espèces différentes de fourmis ont été découvertes ici ces dernières années. Et à n’en pas douter, selon les spécialistes, d’autres restent encore à trouver…
 
Texte et clichés : Bruno Auboiron