Le village de Rochemaure, classé Village de caractère, a gardé de son passé deux témoignages magnifiques : son neck basaltique noir et le château bâti à son sommet. Remparts, chapelle, forteresse et maints éléments du patrimoine local complètent le tableau.
Village médiéval comptant parmi les plus beaux du sillon rhodanien, à la limite septentrionale de la culture de l'olivier, Rochemaure épouse les formes et le relief d’une ultime avancée du massif volcanique du Coiron au-dessus de la plaine du Rhône. Facilement identifiable avec son neck de roche basaltique, Rochemaure est surmonté d’une étonnante forteresse érigée au XIIe siècle. Les remparts furent dressés un siècle plus tard. Ils dévalaient la pente raide pour encercler et protéger le vieux village dominé par la tour du Guast, bastion avancé de la défense et la tour de Bise. Les éléments architecturaux de la tour du Guast font penser qu’elle pouvait être un second château, certes, de dimension plus modeste que le château principal. Les portes de Suchet au nord et des Tournelles au sud protégeaient les accès. En contrepartie de cette protection, les habitants devaient fournir le vingtième de leur récolte au seigneur pour l’entretien des murs et de la garnison. Pendant les guerres de religion, cette citadelle fut un refuge pour les catholiques de Montélimar. Les sièges de 1592 et 1621 ne connurent pas le succès escompté et les habitants contraignirent les assaillants à la défaite. Le château connut diverses fortunes au fil des siècles. Il n’est plus résidence principale depuis 1630.
Les origines du village
Contrairement à ce qu’il est aisé de penser, le nom du village ne vient pas de l’élément minéral et de l’évocation d’une quelconque invasion des Maures, mais de rocca, signifiant rocher et de maurus, signifiant noir, parfaite représentation littéraire de la roche volcanique locale.
Les premières mentions du village datent du IXe siècle. Au XIIe siècle, le site devint une véritable place forte en bordure du fleuve. De prestigieuses familles en eurent la responsabilité : Adhémar de Monteil de 1120 à 1350, Lévis-Ventadour de 1350 à 1694, Rohan-Soubise de 1694 à 1784, Garnier des Hières de 1784 à 1912 et Massin de Miraval jusqu’en 1974, année pendant laquelle ses représentants le cédèrent à la commune contre un franc symbolique. Aujourd’hui, le château de Rochemaure n’est plus qu’un vaste champ de ruines altières jetées en plein ciel.
À mi-hauteur de la forteresse, la chapelle Notre-Dame-des-Anges offre ses pierres noires et blanches, basalte et calcaire, lui donnant ce charme si particulier. Construite au XIIIe siècle, en partie ruinée en 1567 pendant les guerres de religion, puis remise en état en 1596 et entièrement restaurée en 1965. Elle recèle des trésors inestimables comme cette collection d’objets ayant appartenu aux pénitents blancs et une fresque évoquant leurs dévotions. La fameuse borne milliaire est revenue à Rochemaure, entre les murs de la chapelle ; une copie est dressée devant la mairie. Cette borne, plantée à la Croix de la Lauze, marquait la distance de mille pas, entre la précédente et la suivante. Elle était la neuvième borne à partir d’Alba-la-Romaine. C’est ainsi que les Romains indiquaient les distances le long de la voie d'Antonin le Pieux. Cette route, dite voie des Helviens, construite en 145 après notre ère, passait vers le château de Joviac puis montait à la Croix de la Lauze et se poursuivait par la Violle, le Faubourg. Elle passait devant la mairie, puis aux Fontaines, de là elle desservait la station thermale romaine « Fontes Collaxionis ». Autrefois commercialisée, cette eau est aujourd'hui mise gratuitement à la disposition de la population.
Enfin, toujours dans la chapelle, on trouve une copie du fameux carré magique qui a la particularité de pouvoir être lu dans tous les sens en retrouvant toujours les cinq mêmes mots : sator, arepo, tenet, opera, rotas. Ce carré magique gravé dans une pierre fut retrouvé par un laboureur dans un champ derrière le château en 1850. Le style des lettres laisse à penser qu’il date du Xlle siècle. Sa signification garde encore tout son mystère, malgré toutes les études entreprises.
La curiosité nous pousse à continuer à pied par le « pavé du géant », un sentier recouvert de lave, jusqu’au pic de Chenavari à plus de cinq cents mètres d’altitude. Le panorama fuit loin sur le fil du fleuve, les Baronnies et le Vercors au loin. Magnifique ! La vue sur le Rhône nous fait découvrir le site du pont suspendu. Jeté au-dessus de l’eau en 1824, les bombardements alliés en vinrent à bout en 1940, puis en 1944. Il fut reconstruit deux années plus tard, mais finalement il y a peu, il était fermé et laissé à l’abandon. Juste retour en grâce, le 27 août 2013 étaient inaugurées sa restauration et sa transformation en passerelle himalayenne* franchissant légèrement le Rhône.
Après un petit tour dans les rues du village et un dernier regard sur la forteresse, il est intéressant de prendre la route en direction du sud pour rejoindre le château de Joviac ; domaine agricole contemporain de celui d’Olivier de Serres, dont l’aménagement semble grandement s’inspirer. Le remarquable système hydraulique est toujours en place et associe un réseau de conduites souterraines en terre cuite et un réseau aérien comportant un barrage, un canal et un grand aqueduc. Il ne manque que la roue à aubes. L’eau apportée ici avait une triple fonction, domestique, agricole et industrielle pour la soie. Ce système fut bâti en 1594 par Jacques d’Hilaire, fondateur du domaine et en 1664 par son petit-fils François d'Hilaire de Jovyac. Aujourd'hui, le domaine de Joviac accueille de nombreuses manifestations culturelles et continue ainsi d’occuper une place de choix dans le paysage local.
*pont suspendu permettant de rejoindre deux rives séparées par une vallée étroite.