Notre Dame de Lourdes en Ardèche méridionale !

Article paru en septembre 2014
Mis en ligne en juillet 2022

C'est à Gravières, près des Vans, qu'un petit sanctuaire a retenu notre attention. Érigé en bordure immédiate de la route, ce délicat rosaire nous invite à la découverte d'un des joyaux du petit patrimoine ardéchois. Il y règne une douce ambiance.
 

Dans l'éblouissante lumière des premiers jours de soleil qui révèle un décor de cartes postale, des oratoires bâtis autour d'une grande tour de pierres blanches, nous convient à une petite visite sous la douceur des ombrages. Au centre de l'espace se dresse une imposante tour, elle-même surmontée d'une deuxième tour plus petite, en pierres de quartz blanc et rose, adroitement taillées. L'ensemble constitue un édifice élevé en hommage à la vierge Marie dont la statue culmine à près de 15 mètres. L'intérieur de la tour principale abrite une petite chapelle dédiée à la Sainte Mère où une modeste décoration reproduit, en fac-similé, le sanctuaire de Lourdes dans les Hautes-Pyrénées.
Quinze oratoires (quinze est non seulement le nombre des mystères mais également des vertus mises en exergue par Marie et son Fils au cours de leur vie) sont construits tout autour de l'édifice principal. Dans la tradition chrétienne, lors de la récitation du rosaire, les fidèles égrènent consécutivement trois chapelets de 50 « avé» soit 150 oraisons correspondant au nombre de psaumes de la Bible. Ici chacune des prières est récitée devant un oratoire différent, de station en station, suivant un ordre prescrit.
Ces petits monuments sont bâtis en briques et habillés d'un parement de la même pierre de quartz blanc que la tour centrale, et témoignent de l'étonnante dextérité des tailleurs de la région. Les niches des oratoires sont décorées de séries de faïence blanche créées et peintes par l’artiste Jean-Marc Fraisse dans le style évoquant celui de Moustiers. En quelques traits et jets de couleurs bleue, jaune, ocre et verte, il reproduit certaines scènes du nouveau Testament, telles l'Annonciation, la Nativité, la Résurrection, le Portement de la Croix, etc. Chaque tableau, finement ourlé d'une délicate frise, illumine le cœur des oratoires.
Face à la tour centrale, la statue d'un ange évoquant  Bernadette Soubirous, agenouillé en adoration, semble implorer la Vierge. Son attitude et son regard compatissant, plein d'humilité, évoquent les mêmes sentiments que sa « grande sœur » de Lourdes.

La dénomination du lieu est surprenante. Pourquoi « Notre Dame de Lourdes », en Ardèche ?
Madame Eliane Pradeilles, présidente de l’association qui entretient et restaure le sanctuaire, nous en donne l’explication. « Le sanctuaire a été élevé en commémoration des apparitions de la vierge à Lourdes. L'eau bénite était transportée depuis les Pyrénées jusqu'ici afin de servir aux diverses cérémonies. En 2001, notre association  a repris la mise en valeur du site qui se trouvait dans un état de délabrement absolu. Grâce à des dons, le sanctuaire a pu être restauré. Aujourd'hui, une quarantaine de bénévoles offrent leur temps pour le maintenir en l'état ».
Ce rosaire, construit en 1874 sous l'impulsion de l'abbé Canaud, curé de Gravières, fut achevé la même année ce qui pour l'époque constitue une belle performance, surtout lorsque l'on sait les difficultés rencontrées pour trouver et aussi tailler des pierres de quartz. Ces roches, bien que particulièrement résistantes, ont une fâcheuse tendance à se morceler sous les coups de burin lorsque la frappe ne suit pas le sens de la veine.
L'abbé Canaud, prêtre érudit, fut un ami et compagnon de route du célèbre Dr Francus (Charles-Albin Mazon) avec lequel il échangeât une importante correspondance. Ensemble, ils ont battu la campagne pour y dénicher toutes ces petites merveilles du patrimoine ardéchois dont nous sommes fièrement les héritiers.
Près du sanctuaire, une petite construction originale à peine plus grande qu'un abri de jardin, fait office de sacristie. Ce bâtiment, autrefois réservé aux confréries, servait de dépôt à l'eau bénite, transportée de Lourdes jusqu'ici, à Gravières.

Le site réserve encore des surprises
Dans ce cadre habituellement réservé à la méditation, on y fait une étonnante découverte : une excavation, apparemment sans intérêt apparaît sur le côté, un peu à l'écart des oratoires. En s’approchant, ce qui ne semblait abriter qu’une banale ruine, se révèle être une voûte étirée. Construite en sous-sol, elle abrite un ancien four gallo-romain. Son ouverture, plus récemment réduite par un encadrement de pierre, l'habille d'un costume sombre en granit gris, le dissimulant aux regards. Cette étonnante construction, nulle part répertoriée et en partie comblée par des sédiments, semble abandonnée. Divers fragments de poteries trouvés là sont déposés au musée des Vans. Le site chrétien d’aujourd’hui aurait-il supplanté un site païen ?

Le sanctuaire de Notre Dame de Lourdes à Gravières nous offre, le temps d'une pause sur l'un des petits bancs de bois, un beau voyage à la rêverie, à la méditation.
 
Texte et clichés : Henri Klinz