Maisons paysannes

Article paru en avril 2017
Mis en ligne en septembre 2022

La beauté et la richesse naissent de la diversité : c’est ainsi que l’architecture rurale de l’Ardèche pourrait se définir.
Mais au fil des décennies ce patrimoine bâti a évolué, parfois en bien, parfois en mal. Alors une ingénieuse idée est venue
à l’association Maisons Paysannes d’Ardèche. Celle de proposer à chaque propriétaire un accompagnement à la réflexion en amont puis un suivi pendant les travaux de restauration. Un service entièrement gratuit !
 

A l’origine, une association
Afin de lutter contre l’abandon du bâti rural et contre le refus d’accorder des prêts aux agriculteurs pour la restauration de leurs habitations traditionnelles, les banques et surtout une préférant soutenir à l’époque la construction de pavillon neuf dans les cours des fermes, en 1965 est née l’association Maisons Paysannes de France.
Dix années plus tard, la section ardéchoise était créée. Bernard Leborne en est le président depuis 2012 et vice-président de l’association nationale.

« L’ADN de notre association est la connaissance technique de l’architecture traditionnelle, des matériaux et des savoirs faire, explique-t-il. Cette mémoire est consultable grâce à notre site internet, aux ouvrages de la bibliothèque parisienne et à la consultation d’architectes lors de visite conseil. Elle est indispensable à toute réflexion actuelle. »
Certes, le bâti ancien peine souvent à répondre en l’état aux besoins de lumière et d’ouvertures sur l’extérieur des propriétaires d’aujourd’hui. Des compromis sont alors à trouver pour respecter la richesse unique des architectures ardéchoises au cours des inévitables transformations à venir. « Nous ne sommes pas des intégristes du patrimoine, poursuit notre interlocuteur. Nous ne voulons pas que les maisons deviennent des musées, non, elles doivent vivre. L’architecture rurale n’a jamais été figée au fil des siècles et les matériaux modernes offrent des possibilités aussi bien structurelles qu’esthétiques permettant de redonner une seconde jeunesse aux maisons dans le respect de leur histoire. » Respecter un bâti ancien consiste principalement à ne pas transformer anarchiquement ses volumes et ses ouvertures ; le faire si besoin de façon cohérente en rapport avec l’environnement naturel, social et culturel dans lequel elle s’inscrit. D’ailleurs, Bernard Leborne affirme avec conviction que si l’intérieur d’une maison appartient entièrement à son propriétaire, l’image de l’extérieur appartient aussi un peu à celui qui la regarde, tout comme le paysage. Et avant toute intervention, il convient de se demander pourquoi la maison est bâtie telle qu’elle se présente aujourd’hui.

« À la demande des propriétaires, nous venons gratuitement sur place pour aider à la réflexion lors de la définition des futurs travaux, indique Bernard Leborne. Bien sûr notre avis n’est que consultatif, mais nous apportons la mémoire du bâti sur laquelle toute transformation devrait s’appuyer. Et puis nous aidons également au dialogue entre les propriétaires et les artisans et les éventuels architectes. » Avec une trentaine d’interventions chaque année, les conseils des spécialistes de l’association sont appréciés et toujours source de réflexion, car avant d’entreprendre des travaux, il est bon, voire important, de prendre le temps de vivre et comprendre son bien. La conservation des matériaux d’origine et des éléments architecturaux remarquables, l’adoption de matériaux modernes compatibles sont des points essentiels pour une bonne restauration.
« Les ennemis du bâti ancien sont le ciment qu’il faut absolument proscrire et les isolants comme la laine de verre, insiste Bernard Leborne. Ces matériaux sont trop étanches et ne laissent pas respirer les murs. Il n’y a rien de comparable à la chaux pour les enduits par exemple. » Bien sûr l’apport de plus de lumière est un incontournable aujourd’hui mais au lieu de plaquer une immense baie vitrée en façade, il vaut mieux par exemple multiplier le nombre d’ouvertures sur le modèle de celles déjà en place. De nombreux petits détails et des idées simples font souvent la différence et c’est à ce moment que l’expérience de Maisons Paysannes d’Ardèche se montre fort utile.

Pour livrer la bonne parole au-delà des visites personnalisées, l’association organise des journées d’initiation où la moitié des propriétaires présents ont la volonté de mener à bien leurs travaux et l’autre moitié viennent pour comprendre et savoir gérer leur chantier avec les artisans. Pour ces derniers aussi, des formations sont par ailleurs proposées. « Travailler à la sensibilisation des artisans est indispensable, souligne Bernard Leborne, mais c’est un travail long car il faut convaincre. Toutefois il ne sert à rien de défendre les matériaux traditionnels si trop peu de professionnels savent les mettre en œuvre. »
En parallèle de ce travail de terrain, Maisons Paysannes d’Ardèche guide des visites de sites, afin de montrer la beauté du bâti ancien et assure des conférences ciblées sur des thèmes précis à la demande. « L’Ardèche est peut-être le département possédant la plus grande diversité géologique, estime Bernard Leborne. Cette diversité a imposé des activités agricoles variées et donc des architectures spécifiques. Ca me fait mal au cœur de voir parfois ce bâti tomber en ruine ou défiguré par une restauration mal imaginée au départ alors qu’il existe tant de solutions pour respecter ce qu’ont fondé les anciens. »
En savoir plus
Maisons Paysannes d’Ardèche, Bernard Leborne (tel. 04 75 90 44 21 / email. ardeche@maisons-paysannes.org)
Maisons Paysannes de France (www.maisons-paysannes.org)
Cette association nationale, dont dépend Maisons Paysannes d’Ardèche, rassemble 8 500 adhérents et 500 bénévoles assurant annuellement 70 000 heures de bénévolat au service du bâti rural au sein de 80 délégations départementales.
 
Le bâti en exposition
Travaillant le plus souvent possible en partenariat avec des structures locales (CAUE07, Liger, PNR des Monts d’Ardèche…), Maisons Paysannes d’Ardèche prépare une exposition se déclinant autour des sept typologies de l’architecture ardéchoise, de la vallée du Rhône aux Boutières, du Coiron aux pentes des Cévennes, de la Montagne Ardéchoise au Haut Vivarais. Cette définition a été établie par Michel Carlat, premier président de l’association ardéchoise. En complément des présentations (textes, photos, dessins), des maquettes illustreront cette richesse architecturale née de la grande diversité géologique de notre département.
 
Texte : Bruno Auboiron
Clichés : Bruno Auboiron, collection Maisons Paysannes d’Ardèche