Que l’on arrive de la vallée de l’Ardèche par le col de l’Échelette, de Villeneuve-de-Berg par le Coiron ou de Lavilledieu en longeant les cultures, le haut clocher de l’église de Lussas agit comme un phare sur le plateau calcaire, incitant à rejoindre le village… Tout autour de l’édifice religieux du XIXe siècle, les maisons se rassemblent, puis elles s’en écartent le long des rues décrivant une croix parfaite. Ici la vie est intense. Des commerces dynamiques, un tissu associatif jamais en manque d’initiative. Ce village ne dort pas, il respire au rythme des rendez-vous festifs et notamment ceux qui sont liés à la production cinématographique.
L’occupation humaine sur ce plateau calcaire remonte à la préhistoire. De nombreux vestiges en témoignent. Des dolmens, dont celui de Mias implanté près du hameau éponyme, dateraient de deux mille cinq cents ans avant notre ère. Il possède encore sa grande dalle de couverture d’une longueur de quatre mètres. Mais le témoignage le plus remarquable est sans aucun doute l’oppidum de Jastres. Après le hameau d’Eyriac, au bord du plateau calcaire dominant de plus d’une centaine de mètres de hauteur la rivière Ardèche. Un parc de stationnement aménagé permet l'accès au sentier menant à ces ruines protohistoriques. S’étalant sur près de sept hectares fermés par un système défensif d’importance, deux emplacements précis ont été identifiés : Jastres nord et Jastres sud. Si de vastes campagnes de fouilles, menées jusqu'en 1994, ont amélioré la connaissance du site, il reste toutefois de nombreuses questions laissées sans réponse.
Au cœur d'un paysage de garrigues, typiquement provençal, des vestiges de murs en pierre indiquent l'emplacement de l'oppidum. L’histoire du site pourrait être celle-ci, proposé par une thèse de doctorat rédigée par Claude Lefebvre et repris en ces termes sur une publication : « Avant la conquête romaine, le territoire de l'actuel département de l'Ardèche était principalement occupé par les Helviens. Ce peuple est essentiellement signalé par César, Strabon et Pline. Dans la Guerre des Gaules, César décide de rassembler ses troupes sur leur territoire lors de la coalition gauloise de 52 avant J.-C. Il fait allusion à leur ville et à leurs retranchements. Plusieurs éléments permettent de penser que les helviens durent être précocement annexés à la province romaine de transalpine : attribution de la citoyenneté romaine, amitiés avec César et considérations diverses de la part des Romains. Le chef-lieu primitif des Helviens pourrait avoir été l'oppidum de Jastres, stratégiquement situé sur un itinéraire important entre la vallée du Rhône et le Massif Central. » Des remparts bâtis à deux périodes distinctes, cinq tours massives, des résidus de céramique, des monnaies : tout atteste d’une occupation de Jastres dès le IIe siècle avant notre ère. Ce site majeur, restauré et entretenu par l'Association de sauvegarde de la Plateau de Jastres, créée en 1981, est malheureusement encore, victime de vandalisme se traduisant par le vol de pierres dans son secteur nord.
Revenons à proximité immédiate du village. Les terres l'entourant depuis longtemps sont cultivées ; aujourd'hui encore s'y épanouissent la vigne et les arbres fruitiers. D’ailleurs, sous le porche d’une maison du village, sur une table des paniers proposent des fruits locaux et quand personne n’est là pour vous servir, il suffit de laisser la monnaie dans la boîte. C’est également dans la cour derrière ce porche que chaque automne, la haute cheminée de la chaudière de l’alambic laisse échapper son panache de fumée grise. Tout autour des trois vases de distillation en cuivre, protégés par des lattes en bois, l'air embaume une délicate odeur de fruits distillés par Gérard Bauthéac et sa famille pour donner naissance à une eau-de-vie particulièrement parfumée. Mais ce qui caractérise la vie de ce village et qui attire une population assez jeune entre ses murs, c’est toute l’activité développée autour du film documentaire. Créée en 1979, l’association Ardèche Images regroupe désormais quatre secteurs engagés dans le développement du cinéma documentaire de création par leurs activités de formation et de diffusion. La Maison du Documentaire, l’École du Documentaire, les séminaires, les ateliers, les rencontres professionnelles et des projections tout au long de l’année attirent toujours plus de monde dans ce village où les mille habitants vivent en harmonie.