Louis de Montravel

Article paru en février 2016
Mis en ligne en juillet 2022

Ils sont trois, comme les mousquetaires (ou presque, puisqu'en fait ils étaient quatre !) qui, à l'inverse des personnages du roman d'Alexandre Dumas, ont troqué la rapière contre le porte-plume. Héros de l'histoire de l'Ardèche du XIXe siècle, aventuriers, historiens, hommes d'esprit et de lettres, ils se nomment Louis de Montravel, Ovide de Valgorge et Charles-Albin Mazon.
 

Parlons d'abord de Monsieur de Montravel !
Comme Athos, Louis de Montravel est issu de l'ancienne noblesse. C'est un homme raffiné, délicat et cultivé. Mais la comparaison s'arrête là ! Travailleur assidu, curieux de savoir et voyageur infatigable, Louis de Montravel dresse les premières monographies des paroisses du diocèse de Viviers, puis plonge dans le monde des sciences naturelles avant de se consacrer principalement à l'histoire de la noblesse du Vivarais. Il nous laisse en héritage les plus belles informations sur le patrimoine de l'Ardèche méridionale.

Antoine-Jean-Louis de Tardy, Vicomte de Montravel, est né à Joyeuse le 7 mars 1823 dans la maison paternelle, un bel hôtel particulier situé dans la Grand'Rue, toujours visible. Élevé par son père qui finance de coûteuses études, le jeune garçon fréquente les institutions de Lettres, de Sciences et de Droit de Paris, Lyon et Grenoble. Affichant un réel intérêt pour la botanique, il réalise un herbier complet regroupant les principales espèces inventoriées lors de ses voyages dans les Alpes, en Savoie notamment. Ce travail servira de référence nationale. Par conviction il dédaigne une carrière politique pourtant prometteuse, refusant de servir Napoléon III.
Son rang, son esprit brillant et son intelligence remarquable le conduisent à fréquenter les diverses sociétés savantes de l'époque, tantôt en France, tantôt à l'étranger où il est apprécié en raison de ses hautes valeurs et de ses connaissances. Il s'intéresse également à l'archéologie et sera promu inspecteur des Monuments Historiques de l'Ardèche, avant de devenir membre de la Société des Sciences. Il adhère à la commission archéologique de la Drôme. Ecologiste avant l'heure, il participe aux travaux de la Société Linnéenne de Lyon, dont les membres actifs partagent leurs connaissances, dans le domaine des sciences naturelles. En 1860, il s'engage auprès de la Société Zoologique d'Acclimatation (aujourd'hui la célèbre Société Nationale de Protection de la Nature) visant à la protection des espèces végétales et animales et qui donnera naissance plus tard à la "Ligue pour la protection des oiseaux" et mettra en place les premières réserves naturelles.

Depuis sa maison natale de Joyeuse et le château de Blou à Thueyts qu'il achète en 1901, Louis de Montravel se lance dans de fastidieux travaux de recherches, visant à dresser l'histoire de la noblesse du Vivarais, dont celle de sa propre famille. Ce travail va constituer l'œuvre de sa vie et se pérennise aujourd'hui. En effet, à travers les généalogies des seigneurs, barons et autres marquis, il nous présente non seulement l'histoire des grandes familles du Vivarais, mais par ricochet dresse l'inventaire de leur patrimoine immobilier, celui que nous découvrons tous les jours, à travers les châteaux, domaines, églises, castels et autres bâtis enjolivant la campagne ardéchoise, tels le monastère de Lavilledieu, l'église et le couvent de St Maurice, les châteaux d'Ucel, de Craux, de Hautségur... Parallèlement à cet inventaire, il écrit les monographies des paroisses du diocèse de Viviers et retrouve des généalogies complexes permettant notamment de situer la célèbre l'histoire d'Antoine de Roure, le révolté de 1670, meneur de la "chouannerie ardéchoise" et dont la tête fut clouée sur la porte du château d'Aubenas. Au terme d'une vie consacrée au travail de recherches et à la science, Louis de Montravel meurt en 1909 au château de Blou à Thueyts. Il est inhumé dans le caveau familial à Joyeuse.

Que reste-t-il aujourd'hui de l'héritage Montravel ? Outre le travail personnel du Vicomte concernant ses herbiers et ses recherches sur la noblesse du Vivarais, Jacques Lacour de Joyeuse a réédité en 1992 "L'histoire Généalogique de la maison De Tardy De Montravel" (réimpression de 1905). Pour le grand public, subsiste son hôtel particulier à Joyeuse, près de l'église. Une partie du bâtiment est occupée aujourd'hui par "la maison de la caricature" alors que les étages sont dévolus à la location. Les curieux pourront cependant apercevoir la montée d'escaliers en pierre taillée du XIXe et la rampe en fer forgé enserrant le blason des Tardy de Montravel.
Il est probable qu'entre les murs du château de Blou à Thueyts, l'on perçoive l'âme errante de celui qui fut l'un des précurseurs de l'écologie moderne, de la protection de la faune et de la flore et... du patrimoine ardéchois.
 
Texte et clichés : Henri Klinz