Paradoxalement, c'est dans le sous-sol de la bâtisse que subsistent les plus anciens témoignages de la construction primitive de l'église de Faugères. Dans une grande salle de l'ancien prieuré, probablement un grenier ou une remise permettant de stocker le grain et certaines denrées, à l'abri des pillards, un appareil en arête de poisson est toujours visible. Cette construction est estimée du Xe ou XIe siècle, période à laquelle les bénédictins de l'abbaye de St Chaffre-du-Monastier sont devenus les propriétaires du domaine à la suite d'une donation faite vers 998/999 par le comte du Gévaudan. Ce local, plusieurs fois réaménagé est adjacent à une seconde pièce devenue la salle communale, sans qu'il soit possible de déterminer avec exactitude quelle était la destination de ces deux espaces à l'époque. Mais c'est bien ici que fut bâtie l'édifice religieux primitif comme en atteste le même appareil de schiste et la disposition "des pierres montées en oblique, alternées" que l'on retrouve sur le sous-bassement de la façade ouest, doublée en grès par l'intérieur. Nul doute donc, quant à l'identification du prieuré en ce lieu dont le blason situé au dessus de la porte d'entrée, a été martelé peut-être lors de l'occupation de l'église par les protestants au moment des guerres de religion ou de la Révolution Française. Les restes de ces armoiries sont encore visibles au-dessus du porche d'entrée.
L'église préromane devait comporter une seule nef terminée par une abside et deux absidioles telles qu'on les retrouve dans les églises de Larnas et de Sauveplantade, par exemple. Mais le plus surprenant est sans aucun doute le changement d'orientation de l'église au XIIe siècle. Le plan principal de la bâtisse fut repensé et l'église fut reconstruite avec seulement une orientation de quelques degrés au nord-ouest. Impératifs dictés par la fragilité du sous-sol mouvant ou volonté des bâtisseurs d'obtenir une parfaite orientation du maitre-autel face au soleil levant ? Le mystère demeure… Ainsi une nouvelle église fut rebâtie à l'emplacement de la première, "tournée" d'à peine quelques mètres sur son axe. Elle gardera cette disposition qu'on lui connaît aujourd'hui. Les diverses modifications survenues au cours du temps, apparaissent également à l'intérieur de l'église et l'on attribue aux Huguenots l'abaissement d'une voûte de plein cintre, côté ouest, voûte qui fut encore abaissée de 1,20 m deux siècles plus tard, s'appuyant sur les murs gouttereaux, alors que subsiste dans l'axe de la nef une belle fenêtre à l'embrasure inversée éclairant le cœur au lever du jour.
Au XIVe siècle, l'édifice fut modifié à nouveau pour devenir une imposante place forte afin de protéger la population, stocker le grain et faire face aux bandes de brigands et autres soudards qui écumaient les campagnes lors des guerres de cent ans. Jusqu'à ces derniers temps, il ne restait que peu de vestiges de cette importante modification du prieuré en église fortifiée. La seule trace encore existante était une colonne d'escaliers en colimaçon prenant naissance dans le sous-sol et conduisant au sommet de la tour devenue aujourd'hui le clocher de l'église. Mais en 1990, un événement imprévu est venu soudain éclairer l'histoire de l'église de Faugères d'un nouveau coup de projecteur. Cette année là, à la suite de fortes pluies, les inondations ont emporté le jardin de curé, révélant les restes des remparts dressés autour de l'église, et que l'on peut contempler aujourd'hui près du parking. Ce long mur d'enceinte situé à l'arrière de la façade principale englobait également le cimetière. Aujourd'hui encore on a peu de renseignements sur cette fortification.
Les ornements sacrés, les habits sacerdotaux, les statues à l'intérieur de l'église, ont été acquis par l'abbé Marron, arrivé comme curé de la paroisse de Faugères en 1834 et où il est décédé en 1859. Sa réputation due à ses talents de rebouteux avait attiré maintes populations et les dons recueillis par ce prêtre ont été affectés à l'achat de ces objets. L'église ainsi richement décorée de nappes en dentelles, de bois doré et de marbre avait retrouvé tout son éclat.
American come back !
L'histoire de l'église de Faugères ne retiendra sans doute jamais l'étonnant feuilleton de "la disparition de la clé", mais cet épisode cocasse méritait ici quelques lignes.
Le côté sud de l'église est agrémenté d'une superbe porte en plein-cintre brisé, fermée par une lourde porte en bois, elle-même verrouillée à l'aide d'une imposante clé. Les personnes chargées de l'entretien de l'église déposaient habituellement cette clé dans un recoin discret, non loin du tabernacle de l'autel de la Vierge. Mais un jour la clé a disparu, victime d'un visiteur indélicat… probablement.
De longs mois s'étant écoulés, un colis accompagné d'un courrier posté aux USA, est parvenu à la mairie de Faugères. Le colis contenait la clé de l'église et la missive qui l'accompagnait expliquait dans quelles conditions l'expéditeur avait "trouvé" la clé devant l'église et de retour dans son pays l'avait renvoyée à Faugères (34). Cette commune a alors fait transiter la clé via l'évêché jusqu'à Faugères… en Ardèche.
L'objet dérobé dans le lieu Saint a-t-il taraudé la conscience de cet américain jusqu'à y faire naître des remords ? Là aussi, le mystère demeure…