Les églises romanes du Vivarais

Article paru en mars 2017
Mis en ligne en septembre 2022

Semblables à une pluie d'étoiles venues saupoudrer la terre d'Ardèche, les églises romanes que l'on découvre
ça et là ont fini par se confondre avec le paysage, parvenant à se faire presque oublier.
 

Parfois sobres jusqu'à l'austérité, ces bâtiments construits entre le Xe et le XIIe siècles témoignent de "la révolution spirituelle "survenue à cette période. A l'examen, aujourd'hui encore, ces églises cachent sous leur architecture, quelques fascinantes énigmes.
Après un IXe siècle agité, le Xe siècle chrétien se distingue par un renouveau. Des esprits éclairés, à l'image de Guillaume d'Aquitaine à Cluny ou de Robert de Molesne à Cîteaux, prônent un retour aux valeurs authentiques de l'Eglise romaine. Le nouveau courant de pensées se rapproche davantage des enseignements édictés par l'Evangile. Désormais le matériel est écarté au profit du temporel. La vie pastorale et la contemplation prédominent. Une nouvelle ère apparaît en Occident coïncidant avec l'effondrement de l'Empire byzantin jusqu'alors dominant. En Europe, le Saint Empire romain germanique traverse une période de stabilité politique (sans guerre), d'expansion économique et de croissance démographique nécessitant un agrandissement des églises. Un style architectural fait d'innovations et de sobriété surgit alors, calqué sur le nouveau courant religieux dans lequel "les cisterciens prônent la simplicité et une esthétique épurée". Le moine-historien Raoul Glaber d'Auxerre écrit à ce sujet : "On eut dit que le monde occidental dépouillait sa vétusté et revêtait de toutes parts un blanc manteau d'églises neuves ". Le Vivarais n'échappe pas à cette innovation, une centaine d'églises romanes surgit du sol en moins de 150 ans. Une quarantaine seulement a traversé les pages de l'histoire et s'est maintenue. Plus ou moins modifiées au cours des siècles, ces églises témoignent avant tout de la ferveur des hommes et nous invitent à les retrouver.

Quel génial architecte, à l'image d'un Le Corbusier des temps anciens, a jeté les nouvelles bases de ces constructions basses et trapues, couvertes de lauzes, solides comme la foi des hommes de cette période ? Ces moines-bâtisseurs ont-ils également été taxés de "fada" en imposant des voûtes faites de blocs de pierre, mis bout à bout en remplacement des linteaux monoblocs jusqu'alors linéaires? Car, à y regarder de près, la voûte en berceau (de plein cintre ou brisée) capable de supporter des tonnes n'est autre qu'un alignement de roches morcelées, séparées les unes des autres et simplement ajustées. Le style architectural roman venait de découvrir un nouveau concept dans lequel la croisée d'ogives fait ses premières apparitions. A quelques exceptions (Faugères par exemple) on ne sait rien de l'époque préromane. L'écrivain Michel Joly précise" Il ne reste aucune église d'avant l'an mille ". Le X ème siècle architectural instaure des édifices religieux comportant une seule nef complétée d'une abside ronde( dite en cul-de-four) ou polygonale, orientée à l'est, le côté d’où vient la lumière. Au lever du jour les rayons du soleil pénètrent ainsi le cœur, illuminant les autels. Les pèlerins sont censés entrer dans l'église par une porte ouverte à l'ouest s'avançant vers le chœur, marchant ainsi de l'ombre vers la lumière, tout un symbole.

Ces églises sont souvent bâties sur des promontoires afin d'être vues de toutes parts ( St Jean de Pourcharesse, Montselgues etc). Le son de la cloche audible jusqu'aux limites de la paroisse rythme les journées et les travaux des champs, tel l'Angélus de Millet. Les matériaux nécessaires à la construction sont extraits sur place (grès, granit..) et les édifices bâtis le plus près possible des chemins conduisant vers Compostelle. Une abbaye située à proximité, abrite une petite communauté de moines-bâtisseurs, employant une main d'œuvre locale, même si plus tard des artistes-peintres ou des sculpteurs y viendront de l'Europe entière. (Un tableau représentant la Nativité à l'église de Payzac est l'œuvre du peintre anversois Jean Engelbert).

La décoration restante s'appuie principalement sur la sculpture, tant intérieure qu'extérieure. Les modillons aux motifs circulaires sont d'inspiration orientale, vestiges de l'occupation arabe. Les piliers généralement circulaires sont surmontés de chapiteaux sculptés représentant des scènes baroques où les motifs floraux coudoient des scènes liturgiques mais également païennes, parfois même obscènes. Le polythéisme et le paganisme de l'ère précédente y ont laissé des empreintes profondes qui apparaissent aux travers des sculptures représentant des êtres fantastiques puisés dans l'imaginaire du Moyen-âge, (églises romanes de Gravières, de Chambonas…) parfois mi-homme, mi bête. A ce titre on remarque que les motifs sont souvent de pair, mais disposés en opposition (un homme qui monte et un qui descend, un lion la tête tournée à droite l'autre à gauche, etc.). L'interprétation de l'iconographie est souvent hasardeuse. Quelle était l'inspiration des artistes ou artisans de l’époque ?
Des esprits éclairés ont interprété ces divers motifs comme une représentation symbolique du combat entre le bien et le mal, la lutte de la vertu contre le péché, mais le mystère demeure.

 
Sources
- L'architecture des églises romanes du Vivarais de Michel Joly.
- Vivarais, Gévaudan roman de Jean Nougaret et Robert de St Jean.
- Voyage au cœur de l’Ardèche romane de Michel Gilbert.

 
Texte et clichés : Henri Klinz