Avec la loi du 5 brumaire de l’an V, c’est-à-dire du 26 octobre 1796, chaque département connut la création des Archives Départementales. Le but de ce nouveau service était de rassembler les archives de l’Ancien Régime, éparpillées au sein des différentes administrations et juridictions laïques et religieuses. Depuis lors, les Archives Départementales protègent la mémoire collective et offrent un reflet de l’histoire locale. De la Révolution Française jusqu’à la loi de décentralisation, en 1986, les Archives Départementales étaient sous la responsabilité de l’État. Désormais la gestion de ce service dépend du Conseil Général, toutefois placée sous le contrôle scientifique et technique du Ministère de la Culture.
« Nous avons quatre missions obligatoires qui sont de collecter, conserver, classer et répertorier, communiquer, explique Corinne Porte, directrice des Archives Départementales de l’Ardèche depuis quatre ans. À cela, nous ajoutons la diffusion et la mise en valeur, car tout ce que nous faisons en amont n'aurait aucun sens si ces archives n'étaient pas facilement à portée de tous. Démocratiser l’accès à la mémoire et à la culture, c’est notre rôle social. Il est fondamental. » Mais pour le profane, il n’est pas toujours aisé de s’y retrouver dans la forêt dense des archives malgré le cadre de classement rigoureux mis en place. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les archives furent classées par thèmes, ensuite par sources. Sur Internet, un système d'aide à la recherche aiguille les visiteurs et en salle de lecture, une personne physique vient en aide à celles et ceux s'égarant dans ce jeu de piste. Bien sûr, l'accès aux archives est gratuit, et en revanche les copies sont payantes. « Il faut savoir qu’il existe un délai de communicabilité pour protéger la vie privée des personnes, poursuit Corinne Porte. Ce délai peut s’étendre jusqu’à soixante-quinze ans pour certains documents issus de dossiers judiciaires ou d’actes notariés. Avec une demande motivée, il est toutefois possible d’obtenir une dérogation très encadrée. Et nous pouvons interdire la communication d’un document en très mauvais état, mais son contenu reste consultable et diffusable par un archiviste en interne. »
Ici, aux Archives Départementales sont collectés tous les documents des services administratifs de l’État et du département, des études notariales, des tribunaux et des communes. Pour ces dernières, la tendance est d’aider et de conseiller les mairies afin qu’elles conservent les archives sur place. « Ce qui fait la valeur patrimoniale et historique d’un document, c’est bien évidemment son contenu informatif. Avec le temps, certains supports d’information sont devenus de magnifiques objets, mais c’est toujours le contenu qui reste essentiel. » Les archives sont conservées soit sous forme papier, soit sous celle numérique. Aujourd’hui de nombreux documents sont nativement numériques. Les archives numériques sont plus faciles à consulter et elles préservent les originaux papiers de la manipulation, mais voilà, cette forme d’archivage est plus onéreuse que celle du carton en ph neutre évitant l’acidification du papier. Pour les documents abîmés, un petit atelier de restauration œuvre en interne.
« Nous collectons aussi des archives privées d’origine associative, familiale ou industrielle, poursuit Corinne Porte. Elles sont importantes, bien que trop peu nombreuses, car elles offrent un point de vue différent sur l’histoire de celui des administrations. J'aimerais pouvoir disposer d'une personne travaillant uniquement sur ce sujet, car si des gens nous contactent de temps en temps pour le dépôt de leurs archives, il reste beaucoup à faire dans ce domaine.» Les Archives Départementales emploient dix-huit personnes qui sont toutes relativement polyvalentes malgré leur spécialisation. De l'aveu de la directrice de la structure, c'est une équipe soudée et passionnée qu'elle dirige et qui accueille chaque année mille cinq cents élèves de tout le département au cœur d'ateliers pédagogiques, et près de mille personnes âgées dépositaires des chemins de la mémoire. Sans oublier les trois mille cinq cents chercheurs, universitaires, généalogistes ou simples personnes en quête d’un élément précis, qui fréquentent la salle de lecture. Et chaque année, ils sont cinq cent cinquante mille internautes à se connecter sur notre site, pour plus de trente-cinq millions de pages visitées.
La diffusion est donc un élément important de la vie des Archives Départementales. Des expositions sont organisées et prêtées à qui veut les présenter, des conférences et des publications tous les deux ans. La dernière en 2012, traitait des ponts en Ardèche à travers la présentation et l'analyse pertinente de documents papiers et sonores ; le prochain, cette année, abordera de la même façon le thème de la Grande guerre.
« Nous proposons régulièrement des lectures théâtralisées en collaboration avec des comédiens professionnels, sourit Corinne Porte. C’est un beau moyen de transmission de la mémoire. Les représentations sont données ici et partout sur le territoire. » Avec l'évolution des outils de communication, les archives sonores et audiovisuelles sont aujourd'hui en phase de collecte à l'image du « guide du détenteur d'archives sonores » que viennent d'éditer les Archives Départementales et à destination des personnes privées qui détiendraient des enregistrements dignes d'intérêts. Quant à la diffusion de ces nouvelles archives, il ne faut pas douter que de nouveaux outils soient mis en place, car la diffusion est aussi la raison de vivre des Archives Départementales.