Légende Mithra

Article paru en juin 2015
Mis en ligne en juillet 2022

Depuis plus de 1500 ans le Dieu Mithra dort dans le vallon de Tourne à Bourg-St-Andéol. Près de la fontaine sacrée, il est là, taillé dans la roche. Près de lui, dans un décor bucolique c'est tout un monde qui s'agite. Un monde peuplé d'esprits de toutes sortes, en fait le domaine de la fée Helvia. Nous sommes allés voir cela de plus près !
 

Une transmission des traditions
Le Dieu romain, dont le bas-relief constitue le plus antique monument païen de l'Ardèche, a trouvé dans le vallon de Tourne un lieu en accord parfait avec sa naissance. Né d'une pierre dans la lointaine Perse au XVI siècle avant J-C, près d'une source dédiée aux Dieux, son culte s'appuie essentiellement sur la tradition orale. Son influence s'est propagée jusqu'au IVe siècle dans tout l'Empire. Les soldats romains étaient ses principaux adorateurs.  Avec l'avènement du christianisme, son culte est abandonné, mais ce héros de la mythologie nous a laissé à Bourg-St-Andéol un beau témoignage. Avec Mithra c'est toute une symbolique qui apparaît dans un ensemble où les forces cosmiques côtoient la faiblesse du genre humain afin d'aider les êtres à parcourir le long chemin de la vie. Mithra est avant tout un dieu héroïque et bienfaiteur. Son épreuve permettra à la terre de produire du blé et du vin pour subvenir aux besoins des mortels. Véhiculée par la seule tradition orale, absente des écritures sacrées, son iconographie présente encore quelques lacunes même si la sculpture de Bourg-St-Andéol a été grandement identifiée.

La légende
C'est une véritable composition qui nous est offerte, une sorte de tableau où les figurants mettent en scène une histoire qui résume le passage terrestre de la divinité. Vêtu d'une tunique, d'une cape offerte aux assauts du vent et coiffé d'un étonnant bonnet, le Dieu à l'apparence humaine est représenté sous la forme d'un jeune homme armé d'un poignard. Selon la légende,  il trouve sur sa route un paisible taureau broutant dans les champs. Mithra  le saisit  par les cornes et le monte. Affolé, le puissant taureau s'élance alors dans une course folle, désarçonnant son cavalier. Mais le Dieu romain s'est maintenu contre l'animal, suspendu à l'une de ses cornes. Après une longue cavale, à bout de souffle, le taureau  s'écroule épuisé. Profitant de la faiblesse de l'animal, Mithra lui attache les pattes, le charge sur son épaule et le ramène jusqu'à sa grotte. Là interviennent les forces du ciel. Le soleil lui envoie un corbeau pour lui demander d'offrir l'animal en sacrifice. La lune, près de l'arbre sacré, attend. Répondant à la demande du ciel, Mithra plonge alors son couteau dans le cou du taureau, l'immolant à l'astre du ciel. De la colonne vertébrale sort du blé qui apparaît au bout de sa queue et vient germer sur la terre. Du cou jaillissent également des grains de blé, dont un chien vient se nourrir. Le sang qui coule de la mortelle blessure se transforme en vin. Un scorpion s'approchant ouvre de ses pinces les testicules de l'animal. La semence sera déposée dans un vase et récupérée par la lune qui en fera naître des animaux utiles à l'homme.

Qu’en est-il ?
L'interprétation de chaque symbole est quelque peu hasardeuse. L'iconographie du moment est sans conteste bien différente de celle d'aujourd'hui. Le serpent, par exemple, qui apparaît au bas de la sculpture n'est pas obligatoirement synonyme du mal. Cette interprétation interviendra plus tard avec l'avènement du christianisme et les premières pages de la Genèse. Le bas-relief du Dieu Mithra sculpté contre la roche au vallon de Tourne est aujourd'hui à peine lisible. Pour les archéologues, la scène était autrefois la pièce majeure d'un maître-autel dans un temple romain élevé ici en l'honneur de la divinité. Des deux côtés de l'édifice, deux fontaines débordantes déversaient une eau pure aux qualités salutaires. La fontaine de droite se situait au pied de l'actuel viaduc et celle de gauche laissait jaillir en tout temps une eau cristalline, même aux plus forts moments de sécheresse.

Des besoins plus forts que la raison
Mais le site a subi les affres du temps et surtout les déprédations commises par les hommes. Les enfants du bourg voisin avaient comme jeu inconscient de lapider le bas-relief et le tracé rectiligne du chemin de fer  devait écraser le temple.  A force de persuasion le curé du village a obtenu le dessin d'une courbe afin d'écarter le passage de la voie ferrée. Mais c'était sans compter sur les besoins du chantier et les carriers du pays venus s'alimenter en matière première. Le temple a disparu ainsi que l'une des fontaines. La dernière, aujourd'hui appelée "résurgence de Tourne" est affublée d'un affreux bâtiment, un ancien moulin, dont la construction défigure le site naturel.
Le bas-relief offert aux intempéries est devenu difficilement identifiable. Par bonheur, près du rocher, un dessin explicatif placé sur une borne permet de recomposer la sculpture initiale et d'identifier chacun des personnages de la scène. Pourtant, à bien y regarder, quelque chose d'étrange apparaît à la lecture du bas-relief de Bourg-St-Andéol. Le dieu, supposé viril, est habillé d'une élégante tunique cintrée à la taille. Sa jambe droite démesurément longue et effilée s'accorde à merveille avec les traits féminins de son visage. Et si Mithra était une femme ? Décidemment l'énigmatique divinité de Bourg-St-Andéol n'a peut-être pas tout révélé…
 
Adresse
Mairie 4 place de la Concorde
07700 Bourg-Saint-Andéol
04 75 54 85 00
 
Texte et clichés : Henri Klinz