Là, dans un espace ouvert en pleine nature sous les châtaigniers, Pierre Bouvarel a orchestré un jardin extraordinaire où œuvres baroques côtoient un village cévenol miniaturisé. La surprise est totale.
Le "ron des fades" est un mot patois désignant "le rocher des fées" en raison du profil naturel se découpant sur le rocher voisin. Le décor est planté !
En 1999, Pierre organise dans la châtaigneraie un parcours ponctué des sculptures de Gio, artiste discret de Beaumont, village voisin. Le châtaignier y est roi et fournit la matière première. Au détour du sentier, la rencontre avec la "Dame à la faux" ou le "lèche cul" aiguise la curiosité. Plus loin le casse c……" le dispute à "la tête de nœud"… Dans l'exposition voisine l'artiste a sublimé la Création faisant naître d'une simple pièce de bois "un échassier bizarre" tout droit sorti de la chanson de Julien Clerc, alors que tout près, une ballerine éthérée jouant des pointes défie des lois de l'équilibre.
Mais le plus extraordinaire reste à venir. Utilisant la roche naturelle de schiste couvrant en strates le paysage cévenol, Pierre a reconstitué en miniature le Pont rouge de Sablières, l'église de Dompnac, etc. Sa première réalisation, sans doute, la plus attachante, est sans conteste la reproduction de la chapelle St Régis, dont l'original qui lui a servi de modèle se trouve dans l'alignement, en ligne de mire, sur la colline d'en face.
Sur le tapis herbeux un village est né de ses mains, véritable carte postale en trompe l'œil. Tout le talent de l'artiste s'exprime dans le respect des proportions sans aucun croquis préalable, ni aucune mesure. L'homme travaille d'instinct.
La perfection s'exprime dans le détail : la réalisation d'un four à pain, des bruscs, d'une clède… jusqu'à la reconstitution de la cascade discrètement alimentée depuis une retenue d'eau. L'artiste travaille à l'extérieur, derrière un simple établi de bois. Une paire de pinces et un peu de ciment suffisent. Les éclats de la roche sont soigneusement alignés et superposés afin de dresser les murs. De fines strates de lauze composent les toitures. À ce stade, le créateur se substitue au pédagogue qui, à force de commentaires et de démonstrations, explique sur maquette la réalisation des véritables toitures à l'ancienne dans le style du pays cévenol où les lauzes sont déposées sur un lit de terre couvrant la charpente. Un assemblage en "papillon" clôture le faîtage.
Les figurines qui décorent et donnent vie aux habitations sont réalisées en Inde par une famille de potiers rencontrée au cours d'un de ses nombreux voyages. Les petits personnages d'argile y sont cuits à la paille à même le sol, par "enfumage", technique comparable à celle du raku japonais. Face au décor des châtaigniers géants, Pierre a inscrit ses réalisations dans un cadre plus adapté, façonnant des bonzaïs pour chacune des espèces environnantes. Depuis 37 ans il œuvre à l'élaboration des bonzaïs de châtaigniers venant compléter ceux des cèdres, acacias, mûriers, pommiers, aubépines, etc. habillant les habitations miniatures.
La patience autant que la passion habite cet homme au parcours singulier, on peut le dire. Natif d'Aubenas où ses parents étaient cafetiers au Champ de Mars, Pierre Bouvarel, artiste itinérant, voyage d'abord en Europe durant sa jeunesse. Poussé durant ses pérégrinations jusqu'en Inde, il rencontre Marie-France, originaire de Pondichéry, qui deviendra son épouse et le couple vient se fixer à Dompnac, en 1972. Dans le petit village ardéchois, il se lance alors dans l'élevage de chèvres et la fabrication de fromages. En 1999, il crée le "ron des fades", l'église St Régis étant sa première inspiration. Plus de trois mille visiteurs viennent chaque année admirer son monde féerique.